Depuis plusieurs années, conférences-débats, voyages d’affaires, conventions, sont organisés à propos de la conquête des marchés africains : exportations, investissements, partenariats.
L’Afrique subsaharienne a été considérée par les uns et les autres, comme une sorte de moteur de croissance de substitution par rapport au marché de l’Union européenne, tellement il comporte de potentialités susceptibles de coïncider avec nos produits, ressources humaines et possibilités économiques.
Certes, il y a eu des résultats, des avancées, des efforts ont été déployés, une progression a été enregistrée, mais tout cela reste nettement en deçà de nos ambitions et de nos potentialités réelles.
On ne peut pas dire que nous avons une véritable stratégie pour la conquête des marchés africains. Tout au plus, pourrait-on affirmer qu’il y a des tentatives louables et persistantes de la part d’institutions privées comme le TABC. Elles sont soutenues, il faut le reconnaître, par des entreprises publiques comme le Cepex et Tunisair. Ce sont des mesurettes insuffisantes pour assister les entreprises tunisiennes préoccupées de s’implanter, d’investir ou de conquérir des marchés en Afrique subsaharienne.
En effet, il manque trois piliers fondamentaux pour parvenir à mettre en place une véritable stratégie de conquête de certains marchés africains.
Il s’agit de maillons indispensables, celui des banques tunisiennes qui devraient s’implanter sur ces marchés pour soutenir sur place les entreprises, ou pour financer les investissements ou les échanges commerciaux, et celui de lignes maritimes régulières pour assurer le transport des marchandises tunisiennes et desservir les ports africains de l’Ouest : Dakar, Abidjan…
En outre, les entreprises tunisiennes doivent s’organiser en groupements pour être plus efficaces, partager les coûts très élevés lorsqu’il s’agit de conquérir de nouveaux marchés et avoir un effet de levier.
Avant tout, il faut élaborer une stratégie concertée et co-construite entre pouvoirs publics et promoteurs privés en matière de pénétration des marchés africains et de promotion des exportations tunisiennes basées sur des études avec des objectifs chiffrés, des marchés-cibles et prioritaires et un plan d’action. Outre les investissements à réaliser sur place, grâce à des facilités ou des incitations en matière de politique de change pilotée par la BCT.
Il faut également donner toute latitude aux acteurs économiques et aux experts qui connaissent de près les réalités économiques africaines pour en tirer les enseignements qui s’imposent et prendre les mesures nécessaires pour réussir le pari de la “conquête des marchés africains”.
Selon Bassem Loukil, président de TABC, les problèmes majeurs qui entravent le développement des investissements tunisiens en Afrique sont le financement, la logistique et le transport. Certes, Tunisair fait de gros efforts, mais cela reste insuffisant.
De son côté, Habib Karaouli, PDG de Cap Bank, a affirmé lors de la deuxième édition de FITA 2019, qu’il faut mettre en place des mécanismes adéquats pour permettre à la Tunisie d’intégrer les marchés africains, conconcter un nouveau code des changes et moderniser l’Administration tunisienne.
Il est nécessaire que l’Etat fasse preuve d’une volonté de soutien pour les entreprises qui veulent aller en Afrique, tandis que les banques publiques manquent de bonne gouvernance et de ressources pour booster l’investissement en Afrique.
De son côté, Férid Ettounsi pense qu’il faut créer un écosystème pour allier exportation et investissement : construire l’image du pays d’abord, vient ensuite le volet logistique, avion et bateau et enfin le volet financement pour accompagner les entreprises.
Il y a lieu de remarquer qu’il y a des secteurs d’activité à haute valeur ajoutée où nous avons des avantages comparatifs et compétitifs, où nous pouvons avancer rapidement en Afrique : l’expertise-comptable, le consulting et les études techniques, l’enseignement supérieur privé, les services de santé privés, la promotion immobilière, les entreprises de bâtiment et de travaux publics…
Mais, ces secteurs ne semblent pas avoir été exploités correctement, faute de structures appropriées, d’organisation, d’incitations et de ferme volonté des pouvoirs publics.
Une des difficultés de la pénétration de l’Afrique, c’est la concurrence agressive entre ceux qui veulent faire des “coups” et partir, c’est-à-dire des affaires ponctuelles très rentables à court terme mais sans lendemain, sans avenir, et ceux qui veulent nouer des partenariats mutuellement fructueux à long terme. Ce sont ceux qui investissent sur place ou bien procèdent à des échanges commerciaux transparents.
Les Africains ne sont pas dupes. Soyons parmi ceux qui visent le long terme. Certains pays comme la Chine, la Turquie ou le Maroc, nous ont précédés depuis des décennies et ont tissé des liens économiques très solides avec plusieurs pays africains.
Ils ont investi sur place, implanté des banques et établi des lignes aériennes régulières avec plusieurs capitales africaines.