Par Sami Mahbouli
(Avocat et éditorialiste)
La brouillade est une excellente préparation à base d’œufs surtout si l’on y ajoute un soupçon de truffes. C’est ce que m’inspire parfois la contemplation de la scène politique française. Dans quelques jours, le 23 de ce mois précisément, on connaîtra le nom du prochain président de la République française ; en effet, tout le monde s’accorde à dire que le premier tour devrait livrer le nom du vainqueur des élections dans la mesure où Marine Le Pen, quasiment assurée d’être au second tour, perdrait au final contre n’importe quel autre candidat. Il s’agit là de la fameuse théorie du « plafond de verre » que Marine Le Pen, nonobstant avoir tué le père et lifté sa vulgate Poujado-Maurassienne, n’arrive pas à crever.
Dieu merci, la France de 2017 n’est pas l’Allemagne de 1933 et on y trouve encore une majorité prête à faire barrage aux descendants des « chemises brunes ». En 2002, Chirac, pourtant au sortir d’un mandat en demi-teinte, fût réélu triomphalement contre Jean-Marie Le Pen. Le front dit républicain a joué pleinement pour empêcher que le Front National, ramassis de beaufs et d’aigris invétérés, ne se hisse au pouvoir.
S’adonner au petit jeu des pronostics n’a pas grand intérêt dans la mesure où ce qui nous interpelle le plus dans cette drôle de campagne présidentielle est sans aucun doute le triomphe du simplisme, de la démagogie bêlante et de la xénophobie décomplexée.
Hormis les candidats de Gauche, tous les autres ont abondamment eu recours aux discours chauvins et identitaires : la France sublimée, hissée au rang d’un « Peuple élu » est présentée sous les traits d’une nation assiégée qui doit se prémunir de hordes barbares qui veulent lui voler son pain et ses clochers : haro sur les mosquées, halte aux Kebabs, sus au foulard bref, halte à l’islamisation de la douce France.
Si la menace était aussi prégnante et réelle, je serais le premier à me solidariser mais quand cela participe du fantasme et de la diabolisation gratuite, qu’il me soit permis de ne pas adhérer.
L’extrême droite ne prospère pas en France par hasard et son poids électoral n’est pas le fruit de notre imagination. Elle marque des points parce qu’en face d’elle, il n’y a plus que des libéraux de façade, craintifs et paresseux : les Lecanuet, Barre, Couve de Murville, Chaban Delmas ont laissé la place à des demi-portions comme Estrosi, Balkany, Pécresse et compagnie. Un abysse sépare la droite libérale d’un temps, bardée des concepts tocquevilliens et galvanisée par les idées de Raymond Aron, et ce club de rigolos en culottes courtes incapables de susciter la moindre émotion.
Pourtant, rien ne serait plus simple que d’expliquer aux Français que la dérive identitaire et la diabolisation des immigrés et de l’Islam ne résoudront ni la question du chômage ni celle de la balance des paiements.
L’engouement télévisuel pour une campagne présidentielle au ras-des pâquerettes ne doit pas cacher ni la pauvreté des débats auxquels nous avons assistés et encore moins l’inanité des slogans qui y ont fait florès. Le déballage de linge sale, les costumes offerts et les cabinets noirs n’ont pas rehaussé le niveau général et ont surtout dévoilé une face peu reluisante de la classe politique française.
On est loin du temps où la politique française était une école et une source d’inspiration même de ce côté de la Méditerranée. A notre grand dam, aujourd’hui, certains politiciens français, et non des moindres, sont disposés, pour quelques voix de plus, à flirter avec le diable et à renouer avec un Pétainisme rance qu’on croyait à jamais révolu.