Marouane Abassi évoque des mesures « difficiles », mais « nécessaires »

Le grand oral du gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT), Marouane Abassi, a commencé à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) ce lundi 25 février 2019. La décision d’augmenter le taux directeur était « difficile », mais « nécessaire ». « Le taux d’inflation n’a eu de cesse d’augmenter depuis 2016. Notre objectif, à travers l’augmentation du taux directeur, est de protéger le pays. Si nous n’avions pas pris certaines mesures, les réserves en devises auraient reculé davantage [84 jours d’importation actuellement] », a-t-il expliqué devant les députés.
D’un autre côté, pour lutter contre l’inflation, le gouverneur de la BCT a appelé à améliorer la production et à privilégier les produits locaux. « Nous espérons atteindre un taux d’inflation inférieur à 7% », a-t-il déclaré. Il considère que la conjoncture est critique. « Je n’ai pas encore été informé du prochain rendez-vous avec le représentant du Fonds Monétaire International (FMI). L’institution mondiale suit de près ce que fait la Tunisie. Les discussions n’ont pas avancé depuis septembre 2018, lorsque la crise des salaires de la fonction publique avait éclaté. La Tunisie possède les capacités de résoudre la crise », a-t-il encore souligné.

Des indicateurs économiques au plus bas depuis 2010
D’autre part, l’audition de Marouane Abassi était l’occasion de revenir sur certains indicateurs économiques du pays. Le gouverneur de la BCT a souligné que la croissance économique, malgré sa progression, reste faible en raison de la baisse de l’activité industrielle, de l’industrie mécanique, des phosphates et du pétrole. « La production des phosphates est passée de 8000 tonnes en 2010 à 3300 tonnes en 2018 », a-t-il rappelé, enchaînant avec la dégradation de la balance énergétique dont le déficit a atteint les 4902 millions de dinars en 2018 contre 605 millions en 2010. L’investissement a lui aussi reculé par rapport à 2010 selon Marouane Abassi, au même titre que l’épargne. Dans ce même contexte, il a rappelé que le déficit commercial s’est lui aussi dégradé, atteignant les 19 milliards de dinars en 2018 contre 8 milliards de dinars 8 ans plus tôt.
L’endettement de la Tunisie s’est aussi aggravé. D’après Marouane Abassi, il représente 72,3% du PIB. Le service de la dette, de ce fait, sera de 9 milliards de dinars au titre de l’année 2019 alors qu’il était de 6,7 milliards de dinars en 2018. Les dépenses de l’Etat, pour leur part, ont atteint 6 milliards de dinars en 2017 contre 1 milliard de dinars en 2010. « Les dépenses énergétiques ont été multipliées par 4, passant de 1 milliard en 2010 à près de 4 milliards de dinars en 2017. Les revenus touristiques, pour leur part, ont baissé par rapport à 2010, passant de 7270 millions à 3490 millions de dinars., et c’est sans compter les revenus générés par l’industrie des phosphates : de 4455 millions à 965 millions de dinars », a-t-il encore expliqué.
Dans ce contexte difficile, le gouverneur de la BCT a appelé à régulariser les situations concernées par la loi des changes, et ce dans l’objectif d’inciter à faire des transactions dans le cadre des circuits officiels. « Ceci va permettre d’augmenter les revenus de l’Etat en termes de devises. Les solutions existent, mais leur mise en oeuvre a pris du retard », a-t-il précisé.

Pas de changement de billets (pour l’heure)
Sur un autre plan, le gouverneur de la BCT a assuré qu’aucune décision n’a été prise en vue de supprimer les billets de 50 TND pour lutter contre l’économie parallèle. « Le changement de billets nécessite entre 4 et 6 ans, le temps d’imprimer les nouveaux billets. Le tout pour un coût de 200 millions de dinars », a-t-il souligné. Au sujet du secteur bancaire, il a assuré que les banques tunisiennes poursuivent leurs efforts afin de lutter contre le blanchiment d’argent. « Tous les indicateurs montrent que la réforme du système bancaire est en marche. Or, malgré les améliorations, le secteur rencontre encore des problèmes structurels, notamment le manque de liquidité », a-t-il encore mis en garde.

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