Lors des condoléances et des réunions de soutien aux familles des victimes, les indignés dénoncent le carnage immonde, signe de lâcheté associé à la faiblesse.
Au même instant Daech revendique l’attentat, honore les deux “chouhadas” et applaudit leur héroïque prouesse. En outre l’E.I. promet de récidiver. Les tueurs voulaient abattre les touristes venus d’ailleurs et semblaient tenir à épargner leurs compatriotes, présumés musulmans, présents au musée. A l’évidence leur cible était les “kouffars” et entre les multiples organisations takfiristes cette prise de position tire un trait d’union. L’appartenance à ces formations djihadistes inculque chez l’individu intégré au groupe, l’état d’esprit tueur a priori et cet arrière-plan référé à la religiosité fonde le support de l’interprétation privilégiée eu égard à la foison des autres déterminations de l’action.
Car pour la recrue de l’islamisme le camp d’entraînement prépare à la guerre et non pas au terrorisme. Dès lors la tendance à introduire cet engagé au pavillon des perturbés, pose problème et rate la façon dont il se perçoit lui-même. Ce vice de forme a, pour nom, le psychologisme. Après l’ère de la palabre juridique voici venue l’époque de la mainmise psychanalytique. Or l’assimilation du jihadiste au guidé par un mental détraqué encoure le risque d’orienter ce point de vue vers une voie sans issue.
Le guérisseur des temps modernes tend, ainsi, à confondre le champ des processus collectifs avec le domaine élucidé, à juste titre, par l’éclairage de la pratique psycho-pathologique. Ce mélange des genres fut, peut-être, l’une des raisons qui incita le maître à penser des psychanalystes contemporains à proférer ce verdict catégorique mais, sans doute, quelque peu outrancier : « la psychanalyse c’est de la foutaise”.
Car la réduction de l’éveillé ou l’endormi au malsain d’esprit, conduirait à inscrive l’histoire de la civilisation islamique depuis le djihad initiatique au panthéon des affaires pathologiques. Mais avec ou sans trouble psychique la religion fournit un sens à la vie. Richesse ou pauvreté, dépression ou exaltation, chômage ou travail, échec ou succès pourraient accompagner cette fonctionnalité inhérente à la religiosité mais sans la remplacer. Dès lors à quoi sert d’inventer une circonstance atténuante au socialisé comme vous et moi mais pour tuer au nom de sa croyance ? Après l’autre carnage commis au siège de Charlie Hebdo et lors de l’ample marche solidaire une journaliste parisienne proclamait sans une once d’hésitation : « La religion c’est de la merde”.
Mais sous le soleil d’Allah seul Bourguiba osa moquer les turbans, remettre en question le Ramadan et monter à l’assaut de la Zitouna. Maintenant les drôles de djihadistes vitupèrent à qui mieux l’authentique réformiste. L’enjeu collectif de cette lutte, bipolarise les positions prises à propos du Bardo et de Charlie Hebdo. Les mesures adoptées pour honorer les touristes assassinés suscitent l’approbation des modernistes et le désaveu des takfiristes.
Le mutisme de partis charaïques en dit long sur leur adhésion au projet partagé avec les commanditaires des tireurs à bout portant.
Aujourd’hui, en dépit de l’émotion l’appel à l’unité ne saurait occulter la bipartition de la société. Liée au rapport de force l’institution de la charia ou de l’Etat civil appartient à qui détient le pouvoir d’imposer l’un ou l’autre choix. Pour l’instant l’élan de solidarité internationale ne saurait plaire aux tenants de la « réislamisation » à coups de bâton mais j’ai vu quelqu’un, larmes aux yeux, écouter les propos chaleureux tenus par madame Anne Hidalgo.
Après l’effroyable drame, le bonheur procuré par le geste et la parole de cette personne de qualité renoue avec ce fabuleux message légué par madame de Staïel : « L’idée de la mort qui décourage les esprits vulgaires rend le génie plus audacieux et le mélange des beautés de la nature et des horreurs de la destruction excite je ne sais quel délire de bonheur et d’effroi sans lesquels on ne peut ni comprendre, ni décrire le spectacle de ce monde ».