Médicaments : faut-il interdire la vente du Protelos en Tunisie ?

Le  Protelos, un médicament  censé soigner  l’ostéoporose, a été considéré par la célèbre revue scientifique «Prescrire» et par l’Agence européenne  des médicaments comme ayant des effets secondaires très graves. Pourtant, il continue d’être utilisé en Europe et en Tunisie.
 

Le ministère de la Santé a lancé la semaine dernière une mise en garde contre l’utilisation de ce médicament. Il a publié un communiqué dans lequel est précisé «qu’un appel a été lancé pour les personnes utilisant ce médicament de consulter leur médecin traitant et de le remplacer par un traitement alternatif». Le ministère ajoute que l’interdiction du Protelos a été décidée suite à la détection du ranélate de strontium (molécule qui augmente à la fois la formation d’os nouveau et qui réduit la résorption osseuse par les ostéoclastes).
 
Une cellule de veille a été mise en place au sein du ministère de la Santé pour le suivi de cette question, en collaboration avec le centre national de pharmacovigilance.  Quelques jours plus tard, revirement de situation, un autre communiqué, annonce que finalement,  le Protelos est autorisé  avec des restrictions, citant à la fois les communiqués de l’Agence européenne des médicaments et  des laboratoires Servier, fabriquant le produit.  Alors, interdiction ou pas ? La réponse est floue.

 

Des effets secondaires graves?

Le Protelos est disponible en Tunisie depuis  2007. Il est administré aux femmes ménopausées sur une durée assez longue, en moyenne 3 ans. Il bénéficie d’une prise en charge par la CNAM. Le médicament permet de fortifier les os et d’éviter ainsi les fractures chez les personnes âgées. Mais très vite ses effets secondaires resurgissent.

Selon l’Afssaps, (Agence française de sécurité du médicament et des produits de santé)  il était à l’origine de l’apparition du syndrome DRESS  chez 16 patientes traitées par le produit en 2007. Il s’agit d’une  «hypersensibilité médicamenteuse ravageant visage et corps, avec parfois la peau qui part en lambeaux et des atteintes hépatiques ou rénales potentiellement mortelles». La même agence soupçonne le médicament d’avoir provoqué  des cas d’embolies pulmonaires (obstruction d’une artère des poumons par un caillot de sang) chez d’autres patientes.

De son côté, la revue Prescrire, créée pour  combattre le marketing mensonger des firmes pharmaceutiques, a publié un rapport accablant sur le Protelos, recensant 884 effets indésirables notifiés, dont 199 graves, comme des troubles cardiovasculaires, cutanés, hépatodigestifs, neurologiques, hématologiques ou respiratoires. La revue annonce que huit patients sont morts et précise que le strontium ranélate n’apporte aucun progrès thérapeutique par rapport aux médicaments de référence déjà disponibles sur le marché. Coup dur pour les laboratoires Servier, mais  le produit ne sera pas retiré du marché. Ce qui amènera les spécialistes français  de pharmacovigilance à conclure  qu’il existe une «chape  de silence» autour des produits Servier.

En janvier 2014, le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC), qui est un comité de l’Agence européenne des médicaments, a recommandé la suspension de l’AMM  (autorisation de mise sur le marché) du ranélate de strontium (Protelos).  Mais cette décision ne sera définitive qu’au bout de quelques mois, nécessaires à plusieurs procédures administratives. Entre-temps le produit  n’est pas totalement interdit.

Samira Rekik

 

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