L’Occident, dont la vision est plutôt monolithique, refuse de nous voir sous un angle autre que celui du conflit entre civilisations. Pire, ce conflit risque d’être plus global, donc plus dangereux dans le futur, comme l’explique Samuel Huntington dans son livre «Le choc des civilisations».
De ce point de vue, l’alliance de l’Occident avec Israël n’est pas à comprendre comme une réconciliation entre les deux religions, chrétienne et juive, même si d’aucuns prêchent pour un éventuel retour du Christ, qui dépendrait du retour du peuple hébreu à «la terre promise». En fait, aux États-Unis, bon nombre de chrétiens tiennent à considérer Israël comme un modèle américain en miniature, puisque les deux peuples ont fondé leurs États sur la terre d’autrui, donc sur le viol et la violence.
Une telle tendance s’avère une forme d’hostilité à l’égard des Arabes et des Musulmans en général. La consolidation de l’occupation israélienne vise à préserver la vivacité de la blessure. Ce qui risque de ne laisser aucune chance aux peuples arabes et musulmans de penser à un développement durable et stable.
En réalité, ce qui a conduit l’Occident à ce durcissement est sans aucun doute la peur de l’intégrisme islamiste qui refuse d’admettre les valeurs de la civilisation universelle.
Or, certains de nos intellectuels ont consacré, à leur insu, peut-être, cette image très négative du monde arabo-musulman. Ainsi en est-il de «l’écrivain arabe de service» qui, dans ses œuvres, présente aux Occidentaux une image folklorique dans laquelle se confondent expressément les valeurs religieuses avec le charlatanisme sorcier, ce qui risque d’apparaître comme étant la meilleure conduite que les musulmans puissent adopter.
Le voilà conforté par une couverture médiatique intense au point que les journaux occidentaux consacrent à ses œuvres des espaces substantiels, tout simplement parce qu’elles s’articulent autour des «horreurs» de l’histoire musulmane. Pourtant, les écrivains honnêtes sont toujours discrédités ! Je cite, à titre d’exemple, le grand penseur et historien Hichem Jaït qui n’a pu échapper à l’emprise haineuse des médias français, puisqu’ils n’avaient retenu de sa bibliographie qu’une seule œuvre «Al-fitna Al-kobra» (la grande discorde). On eût dit qu’il n’a écrit que celle-ci.
Quant au poète Adonis, le romancier Yasmina Khadra ou l’écrivain Kamel Daoud, de par la «marchandise» qu’ils leur offrent, ils sont définitivement inscrits dans la mécanique propagandiste occidentale. Je vous épargne les autres exemples, car la liste de ces «écrivains de service» risque d’être longue. Pendant ce temps, les maisons d’édition occidentales se pressent pour publier les travaux d’Oriana Fallaci, Michel Houellebecq, Bernard Henry Lévy et tous ceux qui ont pris l’habitude de porter atteinte à l’histoire et à la civilisation musulmanes. Tous sans exception sont des ennemis de la vérité même si leurs divergences les conduisent souvent à un affrontement formel entre «progressistes» et «réactionnaires». Ces fondamentalistes et extrémistes de tout bord ne peuvent être habilités aujourd’hui, du moins moralement, à brandir le slogan de la fraternité humaine. Car, si les racistes devenaient les prêcheurs de la tolérance, cela serait fâcheux et fort inquiétant pour toute l’humanité. Il ne s’agit pas de s’opposer au dévoilement et à la critique de toutes formes d’exactions. Mais que l’Occident ne s’intéresse qu’à ces produits vils et mesquins, voilà qui m’excède et m’indigne.
La question est, de mon point de vue, une affaire de référence civilisationnelle en premier lieu, car il est impératif de balayer cette référence moyenâgeuse et de lui substituer plutôt une référence fondée sur la tolérance, l’honnêteté intellectuelle et la distinction morale. Cela ne sera réalisable que dans le creuset d’une vision humaine qui initie les peuples aux principes du dialogue, à l’art de la controverse et à la vérité désintéressée de toute considération ethnique et religieuse.