Dès sa nomination, il a continué ce qu’il avait déjà commencé lorsqu’il fut ministre de l’Industrie. La cible ? C’est la Caisse générale de compensation. Il faut dire que cette Caisse est la bête noire des instances de Bretton Woods et la Tunisie n’est pas imperméable aux exigences des bailleurs de fonds internationaux. Pour la troisième fois depuis son adhésion en 1958, la Tunisie recourt au FMI.
En outre, Jomâa n’a rien entrepris, depuis son investiture, quant à l’allègement du fardeau fiscal sur les salariés, autrement dit sur les couches populaires et la classe moyenne assommées, qu’ils sont, par les impôts, devenus à ce niveau, quasiment confiscatoires. Ainsi, il rate une réforme attendue, celle de la justice fiscale.
À contrario, M. Jomâa a annoncé aux Tunisiens qu’ils doivent faire plus de sacrifices. Entendez par là des sacrifices en matière de salaires, subventions, dépenses sociales, impôts, etc. Houcine Abassi, secrétaire général de l’UGTT, a répondu à juste titre : « Quels sacrifices pouvons-nous demander à un ouvrier qui gagne 270 dinars ou à un fonctionnaire qui gagne 400 dinars par mois ? »
Au problème de l’inflation, M. Jomâa ne se manifeste pas. En ce qui concerne la régulation du marché et la création d’outils macro économiques et juridiques, pour limiter la hausse du coût de la vie, Jomâa n’y est pas, non plus. Les jeunes tunisiens sont sortis dans la rue, et ont défié la dictature et son appareil sécuritaire pour demander une baisse du coût de la vie, devenu impossible à supporter et non pour demander la résolution de problèmes liés à l’alternance au pouvoir. Après la Révolution, l’indice général des prix est en hausse exponentielle.
A contrario des revendications populaires lors de l’insurrection de 2011, et à l’encontre de toute « vigilance patriotique », le gouvernement Jomâa compte ouvrir, prochainement, le capital des trois banques publiques à la souscription, ce qui veut dire concrètement que l’État va encore perdre les quelques « bijoux de famille » qui lui restent. Un processus similaire a été entrepris avant la Révolution consistant à vendre Tunisie Télécom aux Émirats et Tunisiana au Qatar. Si l’État continue sur cette trajectoire, il risque de vendre aussi la STEG, la SONEDE, la SNCFT, l’ONAS, etc.
Mehdi Jomâa a suscité beaucoup de critiques de part et d’autre. Le Forum tunisien des droits économiques et sociaux a déclaré que Mehdi Jomâa s’est préoccupé exclusivement des ressources de l’État sans prêter attention aux dépenses que l’État doit engager notamment en matière sociale. L’UGTT, quant à lui, refuse la liquidation du système des subventions et compte bien se faire entendre et n’hésite pas à demander un audit des comptes de l’État depuis 2011 jusqu’à aujourd’hui. L’organisation de défense des consommateurs refuse les augmentations dans les prix des produits de première nécessité et considère qu’elles sont injustifiées.
Caisse générale de compensation : C’est quoi ?
La caisse générale de compensation est un fonds spécial du trésor destiné à stabiliser les prix des produits de base. Il a vu le jour en 1945 par un décret beylical du 28 Juin 1945. Redoré à la fin de la période collectiviste (1961-1969) par Habib Bourguiba et Hédi Nouira pour palier aux désastres laissés par cette expérience douloureuse et aider la majorité écrasante des Tunisiens à survivre. Il est institué par la loi 26 de 1970 et confirmé par la loi des Finances 66 de la même année. Ses fonds proviennent d’une affectation budgétaire annuelle. Les dépenses de compensation couvrent les produits suivants : pain, semoule, couscous, pâtes, huile de graine, papier destiné aux cahiers scolaires, lait demi écrémé, sucre, concentré de tomate, électricité, gaz naturel et carburant.
Anis Somai