Mêmes causes, mêmes effets

Après que le plan A du Président Béji Caid Essebsi est tombé à l’eau, avec le refus des deux organisations syndicale et patronale d’intégrer impérativement le gouvernement d’union nationale, on est passé au plan B. Celui d’un nouveau gouvernement de coalition bis qui bénéficiera vraisemblablement de l’appui conditionné des deux organisations nationales, à l’effet de réunir les conditions d’une paix sociale désespérément recherchée depuis plus de cinq ans et qui sera présidé  vraisemblablement par un nouveau locataire.

Le choc voulu au départ n’aura pas finalement lieu, dans la mesure où, abstraction faite du départ annoncé de Habib Essid, il n’est pas sûr d’aboutir à un gouvernement resserré, de mission, solidaire,  homogène et capable d’agir dans un cadre de consensus pour éviter que le bateau Tunisie ne coule. En effet, tout le risque est de voir les mêmes causes produire les mêmes effets. En voulant sortir du cercle vicieux dans lequel se sont englués les gouvernements Essid1 et 2, dont le rendement a été à la fois dispersé et modeste du fait de la conjugaison de facteurs défavorables et de la prédominance de la logique partisane, il n’est pas exclu de voir le nouveau gouvernement, actuellement en gestation dans les coulisses, connaitre le même sort et être taxé des mêmes maux et critiques. Face à une situation politique, sécuritaire, économique et sociale très difficile, quelle marge de manœuvre aura le prochain chef de gouvernement et son équipe pour apaiser les tensions, présenter des réponses claires, redonner un sens à la primauté de la loi, faire des avancées tangibles sur la voie de la lutte contre la corruption, restaurer la confiance et remettre la machine économique en marche ?

En l’absence de baguette magique, la seule voie qui permettra au nouveau gouvernement de réussir sa mission réside, incontestablement,  dans sa capacité à dire la vérité aux Tunisiens afin de mettre un terme à plus de cinq ans de revendications sociales excessives et ruineuses, à engager sans tarder des réformes courageuses et à présenter une feuille de route qui permettra d’avoir une vision et des perspectives pour l’avenir.

Il va sans dire, qu’aujourd’hui, cette condition semble difficile à remplir.

En effet, l’initiative du président Essebsi tout en provoquant une sorte de crise gouvernementale, risque de produire des effets pervers, qui se situent à l’opposé de ce qu’on  devrait légitimement attendre. En témoignent, l’attentisme qui refait surface et les marchandages auxquels partis politiques et organisations nationales se plaisent à s’adonner dans un contexte imprécis et annonciateur de tous les périls. Alors que le diagnostic établi est sans appel, exigeant une action rapide et vigoureuse et une prise de conscience salutaire sur la nécessité de changer de style et de méthode, on s’aperçoit qu’on a très vite viré de l’objectif recherché. L’occasion a été vite exploitée pour un nouveau partage du gâteau via des concertations à n’en plus finir et des spéculations qui rendent chaque jour improbable la sortie du pays de la crise et, surtout, de susciter une forte conscience sur l’impérieuse nécessité de constituer un front uni, de mobiliser les Tunisiens autour d’objectifs réalisables afin d’arrêter cette spirale infernale qui est en train de mener le pays vers l’inconnu. Avec une coalition au pouvoir qui entend perdurer le statu quo, qui agit en rang dispersé et dont chaque membre essaie de se positionner et de poser ses conditions pour renforcer son influence, plutôt que de servir ou de proposer des voies de sortie de crise, il semble que le coup tenté par Béji Caid Essebsi risque d’être un pétard mouillé. Est-il possible de provoquer un changement profond d’une situation difficile en recourant aux mêmes thérapeutiques, inefficaces ?

Changer d’équipe, sans avoir au préalable un programme clair, un large consensus et une prise de conscience des défis, ne peut que rendre davantage le prochain gouvernement de coalition encore plus, l’otage des partis et de leurs caprices inassouvis de prendre le pouvoir, qu’à servir.

Quand ce dossier sera clos? Personne ne peut donner des réponses claires. On avance juste des supputations, on affirme l’exigence de faire vite pour éviter que la crise politique ne se transforme en  paralysie, mais on ne fait rien ou presque pour transcender le destin et épargner au pays des scénarios dont personne ne doute de leur gravité et de leurs effets néfastes.

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