Méprise quant à la reprise

Mendier les prêts, chercher à brader la terre nourricière, immoler l’outarde sur l’autel d’émirs sanguinaires et légitimer aujourd’hui ces procédés par l’impératif d’honorer entre autres les salaires, donnent à voir un drôle de Mechichi, victime de signaux contradictoires, coincé entre les nahdhaouis et le FMI. Mais alors, comment sauver l’économie livrée à l’agonie sans finir par assassiner, à la fois, les au-dessus de tout soupçon et les béni-oui-oui. Autrement dit, les bourguibistes et les ghannouchistes réunis ? Derrière l’ample calamité, sévit l’incommensurable responsabilité, car « les mécanismes économiques » n’existent pas, leur production humaine est décisive et souveraine. Marx le signalait par le sous-titre de son monumental Das Kapital, pavé déployé sur 2500 pages bien achevées. Trompeuse, la notion de « mécanismes économiques » insinue la représentation d’une espèce de rouage ou d’engrenage mécanique séparé de sa base anthropologique. Or, l’actuelle débandade économique demeure vrillée à la pratique œcuménique.

Fondé le 6 juin 1981, Ennahdha, cette pieuvre mise en œuvre, accapare le pouvoir en l’an de disgrâce 2011 et dès lors, la nakba régna durant les déboires de la décennie la plus noire du pays.
Maintenant, le FMI et la Banque mondiale prescrivent un compression de la masse salariale et le parvenu au sommet du Parlement sait comment il sursatura l’effectif de la fonction publique prise d’assaut par ses partisans. Moncef Ouannes, directeur du CERES, me pria par trois fois, d’insister auprès de Salah Hamzaoui pour assister à une séance où il sera honoré. Salah, l’incorruptible, me dit : « Jamais de la vie. Ben Ali vida le CERES de ses chercheurs et Ghannouchi l’a rempli de nahdhaouis. Accompagné de Halima Toujani qui tâchait d’obtenir un emploi au CERES, j’ai rapporté mot pour mot, le propos de Hamzaoui à Ouannes.
Pourquoi le second cité tenait à honorer le premier ? Qui est donc Salah Hamzaoui, sociologue de la seconde génération, après celle de Lilia Ben Salem, Abdelkader Zghal et Fraj Stambouli ? Hamzaoui, meilleur connaisseur des problèmes syndicaux, demeure un homme de gauche jusqu’à la moelle. L’exhiber au CERES pouvait camoufler la stratégie nahdhaouie.
Pareil exemple, circonstancié et précis, fournit l’illustration de la magouille déployée à l’échelle du pays. Revenons à notre mouton. Sous la statique des mécanismes économiques grouille la pratique politique, avertit le sous-titre, génial, de Das Kapital. Un autre penseur le dit à sa façon, le non moins capital et crucial Blaise Pascal : «L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme contre lui pour l’écraser : une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien.
Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C’est de là qu’il faut nous relever et non pas de l’espace et de la durée que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser.»
Or, après la « révolution » de l’ainsi nommée dignité, Hakim Ben Hammouda et la plupart des économistes distingués incriminent l’absence de vision ou de pensée au principe de la crise perpétuée.
Bourguiba, lui, était un géant de la pensée. Dans un bel ouvrage titré « L’ère Bourguiba » et qui paraîtra dans quinze jours, Khelifa Chater, l’éminent historien, développe le côté penseur et visionnaire inégalé du grand timonier. Aujourd’hui, au creux de la vague et au cœur du monde social qui divague, prospère le thème de la reprise, mais sans la vue d’ensemble indissociable de la pensée, venir à bout de la crise émarge au registre de la méprise. Par ce biais, l’économie de marché livre son ultime secret. Inapte à cogiter, l’actuelle direction gouvernementale perd la confiance et l’appui d’une population aigrie.
Et si aujourd’hui, Bhiri recommande aux potentiels déserteurs nahdhaouis de réfléchir encore avant de quitter le bateau agité, son appel pathétique paraît brandir le marqueur de la virtuelle débandade à l’heure où commence à pourrir la pire des salades.
Mais rien n’est plus compliqué à dégommer que le roi identifié à mosmar joha en ces temps où il faut attendre l’an 2024 pour l’organisation des prochaines élections. Crise et reprise forment un couple d’opposition tout comme l’expiration et l’inspiration, la systole et la diastole, la guerre et la paix, la haine et l’amour ou la nuit et le jour. Le plus petit commun dénominateur de ces dualismes demeure ce mot dit : le rythme était au principe et à l’origine de la vie. Pour cette raison, l’ensemble des agents sociaux compte sur le soleil toujours apte à chasser l’astre de la nuit.

Related posts

Le danger et la désinvolture 

Changer de paradigmes

El Amra et Jebeniana