Cette annonce ressemble fort à un contre-feu. Mis en accusation par les révélations de la lanceuse d’alerte Frances Haugen, le réseau social Facebook cherche à embaucher 10 000 personnes en Europe sur cinq ans pour mettre au point son « métavers ». Ingénieurs, chercheurs, développeurs, responsables produits, tous ces profils doivent participer à la création de cet univers virtuel dans lequel les utilisateurs seront représentés par des avatars en 3D pour communiquer, commercer, travailler, jouer… Un effort important puisque le groupe de Menlo Park (Californie) employait 58 600 personnes dans le monde à la fin 2020.
« Nous croyons depuis longtemps que les talents européens comptent parmi les leaders mondiaux; voilà pourquoi nous y avons investi si massivement au fil des ans du financement de l’Université technique de Munich à l’ouverture de notre premier grand laboratoire européen de recherche en IA et du programme d’accélération FAIR en France jusqu’à l’ouverture d’un bureau Facebook Reality Labs à Cork », ont indiqué Nick Clegg, vice-président des affaires publiques, et Javier Oliva, vice-président des produits.
Les recrutements se feront dans sept pays, France, Allemagne, Italie, Espagne, Pologne, Pays-Bas et Irlande. « La répartition se fera dans les prochaines semaines », a expliqué sur France Info Laurent Solly, directeur général de Facebook dans l’Hexagone. Les prochaines semaines promettent justement d’être mouvementées. Frances Haugen, l’ex-employée du réseau social devenue lanceuse d’alerte sur les dérives du groupe, va être auditionnée au parlement britannique le 25 octobre. Elle est également invitée à témoigner devant les eurodéputés le 8 novembre prochain.
La jeune femme a révélé plusieurs scandales dont des études internes démontrant que 13% des adolescents jugent qu’Instagram augmente le risque de pensées suicidaires et 17% les troubles alimentaires. L’ancienne directrice produit a estimé que Facebook accordait la priorité aux profits plutôt qu’au bien-être de ses utilisateurs et que les hommes politiques devaient réguler davantage l’entreprise. Son, PDG, Mark Zuckerberg, a pris la plume pour se défendre : « au coeur de ces accusations réside l’idée que nous privilégions les profits plutôt que la sécurité et le bien-être. Ce n’est tout simplement pas vrai ».
Le réseau social risque gros. Le Royaume-Uni et l’Union européenne travaillent chacun de leur côté à un nouveau dispositif légal d’encadrement des plateformes. A Bruxelles, le Digital Services Act (DSA) cherche à responsabiliser davantage les réseaux sociaux sur les contenus qu’ils véhiculent. La France, qui doit prendre la présidence de l’UE en janvier prochain, compte faire aboutir rapidement ce texte. Dans ce contexte, l’annonce des 10 000 créations d’emploi tombe au bon moment pour amadouer les responsables politiques. « Nous sommes impatients de travailler avec les gouvernements de toute l’UE (…) nous espérons investir davantage dans les talents et continuer à innover en Europe, pour l’Europe et pour le monde », concluent les deux vice-présidents de Facebook dans leur communiqué. Pas certain que cela suffise.
(L’Express)