Miossec, le poète lynché*

Le Brestois cabossé signe son retour avec l’album Ici-bas, Ici-même. Entre urgence de vivre et sérénité.


 "Je ne voulais surtout pas faire un disque de petit chanteur triste, dépressif et alcoolique. » Miossec murmure le cahier des charges de son nouvel opus. Il n’a pas à trop s’inquiéter… Ici-bas, ici même, son neuvième album, est tout sauf nombriliste et neurasthénique, pas du genre à tirer son auditeur vers le bas. Le chanteur breton, dont le répertoire a longtemps ausculté avec acuité les tourments et les écorchures de l’âme, les cœurs brisés et l’oubli dans l’ivresse, signe un disque habité par une urgence vitale et une sérénité déjà présente par petites touches dans ses albums les plus récents. Il l’assume pleinement avec ce disque.

Que les fans de Miossec se rassurent. Le Brestois impétueux ne s’est pas mué en chanteur béat devant un rayon de soleil et le chant des oiseaux. Il explore toujours les destins brisés, les fuites en avant dans le néant, comme avec le glaçant Bête, comme j’étais avant, le récit du « burn-out » d’un homme qui envoie tout balader, ferme les volets pour se replier sur lui-même « en position de fœtus ». Mais il signe aussi une poignée de chansons dotées du pouvoir de réconcilier avec la vie les misanthropes et autres désabusés de l’existence. On vient à peine de commencer, Nos Morts, À l’attaque! s’écoute comme des odes cabossées et lumineuses à jouir du temps encore imparti : « Il y a une vie avant/Y a-t-il une vie après? Moi c’est la vie pendant que je veux me taper/J’y tiens tellement/Je n’aurai jamais pensé y planter mes dents, jusqu’à en saigner », chante Miossec dans À l’attaque!

Miossec refuse le terme de « bilan personnel » et se dit tout simplement heureux d’être vivant. Le temps laisse des traces : sagesse, maturité, disons que le temps a fait son œuvre. Ce sont les amis disparus dont il célèbre la mémoire pour mieux chanter la vie : « Il faut bien que nos morts servent à quelque chose/; si c’est juste pour faire le deuil, c’est tout juste morose », souligne celui dont le nom reste associé au renouveau de la chanson française du milieu des années 1990. Il y a eu aussi les ennuis de santé, une maladie orpheline qui l’a contraint à modifier radicalement son mode de vie: « Depuis quatre ans, je n’ai plus bu une seule goutte d’alcool, c’était ça ou la chaise roulante » raconte celui qui a longtemps traîné une solide réputation de pilier de bar. « Je pensais que j’aurais besoin d’un verre de rouge pour écrire, et puis non. C’est comme avoir eu deux vies. » 

Le Brestois a conçu Ici-bas, ici même, en rupture totale avec son précédent opus. Exit le rock brut, de nouvelles sonorités font leur apparition, notamment du côté de l’Amérique latine, avec un bandonéon argentin, des marimbas, sans jamais tomber dans l’écueil de la world music. Pour la première fois de sa carrière, il a consenti à chanter, avec parcimonie, les mots des autres, notamment ceux de Sophie Calle, lui, qui a prêté sa plume à Juliette Gréco, Alain Bashung, Nolwenn Leroy, Johnny Hallyday. Il se dit heureux de l’expérience. « Chanter des mots dans lesquels on n’est pas impliqué, ça fait du bien. On y met moins de sa peau, on se met moins en danger. ».

Miossec a vieilli, mais cela lui va si bien…

*Ici-bas, ici même, de Miossec

 

F.B.

 

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