Moez Belkhiria, PDG de BSB Toyota, concessionnaire officiel de la marque Toyota en Tunisie a accordé à Réalités une interview exclusive où il a exprimé des inquiétudes par rapport à plusieurs points comme la taxation excessive à laquelle sont soumis les concessionnaires automobiles ou encore le système de quotas pour l’importation de véhicules.
Belkhiria n’a pas aussi manqué de critiquer la réduction de la fiscalité sur les voitures hybrides et électriques telle qu’elle a été mentionnée dans la loi de Finances 2022. Pour lui, il s’agit certainement d’une bonne décision en ce qui concerne la voiture électrique, à condition que l’Etat tunisien construise le bon type d’infrastructure tout en installant des bornes électriques de recharge et en mettant en place une réglementation pour les prix de recharge.
Par rapport à la voiture hybride, il a assuré que l’abattement de 50% sur les droits de consommation est insignifiant dans la mesure où la baisse au niveau des prix ne sera pas importante puisque la baisse effective est seulement de 20%, selon ses dires.
Parlant des réalisations de la société et de ses perspectives de développement, Belkhiria n’a pas manqué d’afficher son optimisme et son enthousiasme face à l’avenir de la société. L’année 2021 a été excellente pour la société et l’avenir sera certainement meilleur. En 2021, Toyota Tunisie a gagné trois places et arrive à la troisième position en termes de vente avec une part de marché de 10%. Ainsi, l’année dernière, Toyota a commercialisé deux modèles de voiture hybride, Corolla et RAV4, et elle compte pour cette année introduire deux autres nouveaux modèles, la Corolla Cross et Yaris Cross, le challenge étant d’être le numéro 1 sur le marché de l’automobile. Interview.
La LF 2022 réduit la fiscalité sur les voitures hybrides et électriques, comment jujez-vous cet avantage?
La réduction de la fiscalité sur les voitures hybrides et électriques reflète la nouvelle orientation du gouvernement de développer et d’accélérer les nouvelles technologies. Aucun changement n’a eu lieu toutefois sur la voiture conventionnelle. Pour la voiture électrique, dans la loi de Finances 2022, les droits de douane ont été ramenés à 0% alors qu’auparavant, les concessionnaires payaient 30%. Une mesure qui vise l’encouragement de l’importation des voitures électriques sauf que les constructeurs automobiles n’importent pas ce type de voiture pour plusieurs raisons. La première est que nous n’avons pas des bornes de recharge car la voiture électrique a besoin de se recharger après un certain kilométrage. L’autre raison est l’absence d’une réglementation pour les prix de recharge. Ces deux facteurs découragent énormément les constructeurs automobiles vis-à-vis de ce type de voiture. De toute façon, on ne peut parler de voiture électrique que lorsqu’on trouve des solutions à ces deux problèmes.
Nous sommes, en tant que chambre syndicale nationale des concessionnaires et des constructeurs automobiles, en réunions périodiques avec des représentants des ministères concernés mais aussi avec la STEG, l’ANME et l’ANPE pour trouver des solutions aux différents problèmes du secteur dont les bornes de recharge et la réglementation des prix de recharge. Maintenant, la balle est dans le camp de l’Etat. C’est à lui seul de prendre à sa charge l’installation d’une infrastructure de recharge pour la voiture électrique sinon pourquoi importer ? Ce serait inutile.
Contrairement à la voiture électrique, la voiture hybride bénéficiera désormais d’un abattement de 50% sur les droits de consommation au lieu des 30% prévus jusque-là. C’est une bonne décision mais qui reste insuffisante et a même créé une confusion chez le consommateur qui s’attendait à une baisse très importante au niveau des prix, en vain. La baisse effective est de 20%. Du coup, la baisse au niveau des prix des voitures sera insignifiante. Au Maroc, les droits de douane sur la voiture hybride sont uniquement de 5%, en Jordanie, ils sont de l’ordre de 2,5% alors qu’en Tunisie, on paye 40% de droits de consommation sans compter la TVA. C’est énorme ! Si l’Etat veut vraiment nous encourager, il doit réduire davantage les taxes sur la voiture hybride. Cela devrait aussi profiter à l’Etat.
Quel bilan peut-on établir de l’année 2021 et quelles sont les perspectives de développement ?
2021 a été une excellente année pour Toyota. Nous avons réalisé un record en termes de vente. Nous avons vendu 4800 voitures contre 3 000 voitures en 2020. C’est une augmentation substantielle. Ainsi, en 2021, Toyota Tunisie a gagné trois places et arrive pour la première fois à la troisième position en termes de vente.
En 2022, il n’y aura pas d’importation importante par rapport à la voiture électrique. En effet, mis à part l’absence de bornes de recharge et d’une loi réglementant la tarification, la voiture électrique est trop chère. Elle est 50% plus chère qu’une voiture conventionnelle.
Pour la voiture hybride, c’est le moteur électrique qui fonctionne jusqu’à 60 kilomètres mais au-delà de ce niveau, le moteur thermique commence à fonctionner. La batterie se recharge automatiquement lors des phases de freinage et de décélération. Contrairement à la voiture électrique qui devrait être branchée à une installation électrique pour se recharger, la voiture hybride n’en a pas besoin.
Nous avons importé le premier lot de voitures hybrides à la fin du mois de novembre 2019. Nous avons vendu 220 voitures en 2020 et près de 350 voitures en 2021. L’année dernière, on avait commercialisé deux modèles de voiture hybride : Corolla et RAV4. Cette année, l’objectif est d’introduire deux autres nouveaux modèles, la Corolla Cross et Yaris Cross. Pour le premier modèle, nous avons déjà ramené les prototypes pour commencer à vendre à partir de mars 2022. Pour le deuxième modèle, Yaris Cross, il sera introduit sur le marché tunisien à partir du mois de juillet. Au total, on va proposer 4 modèles de véhicules hybrides. Toyota est le premier constructeur automobile au monde ayant développé cette technologie. Dans le monde, nous avons commencé la commercialisation de la voiture hybride depuis 1997, soit plus de 25 ans.
Toyota international est le premier constructeur automobile dans le monde. Cela fait des années que nous enregistrons des records en termes de vente. C’est la marque numéro 1 au monde et ce n’est pas au hasard. C’est plutôt grâce à un travail de recherche et de développement très poussé qui s’étale sur toute l’année. Ainsi, Toyota propose la gamme de véhicules la plus large : les petites voitures, les voitures particulières, les voitures utilitaires, les 4×4 et les pickups.
Quelle part de marché pour Toyota Tunisie ?
En 2021, la part de marché de Toyota Tunisie est de 10%. C’est extraordinaire dans la mesure où Toyota n’a commencé la commercialisation des voitures particulières que depuis 8 ans. Avant 2011, on n’avait pas le droit de vendre les voitures particulières. Nous avons été limités aux voitures utilitaires et aux 4×4. Mais aujourd’hui, nous voulons être le numéro 1 sur le marché de l’automobile parce que nous avons tous les atouts pour l’être. Nous avons un excellent produit et une très large gamme. Notre stratégie est de développer un réseau de revendeurs à l’intérieur du pays, se rapprocher du client et assurer un meilleur service après-vente.
Le secteur automobile fait face aujourd’hui à plusieurs contraintes. La première est le système du quota d›importation. C’est un handicap majeur pour les constructeurs automobiles. La Tunisie est l’un des rares pays qui continuent à appliquer le système du quota. Nous avons besoin d’un marché libre qui offre un meilleur prix, une meilleure qualité et un meilleur service. C’est ce qui crée la concurrence et pas le système du quota. Tant qu’il y a un système de quota, les prix des voitures ne baisseront pas.
La taxation excessive appliquée sur les concessionnaires des voitures pose aussi un grand problème. En Tunisie, mis à part la voiture populaire (4 chevaux), on paye au moins 42% entre droits de consommation et TVA. Par exemple, pour une voiture (5 chevaux) qui se vend à 50 mille dinars, les taxes à payer s’élèvent à 40%, soit 20 mille dinars. Le Tunisien souffre de la cherté automobile. Il pense que les concessionnaires gagnent beaucoup d’argent, ce qui n’est pas vrai. Nous sommes bombardés par les taxes qui atteignent pour certaines voitures 130% entre droits de consommation et TVA.
Le secteur de l’automobile est parmi les secteurs les plus taxés en termes d’impôt sur les sociétés. Les concessionnaires automobiles ainsi que les banques et les grandes surfaces payent le taux le plus élevé, soit 35%. L’Etat impose aux constructeurs automobiles un système de quota et une taxation excessive. Nous sommes en train de payer les taxes au lieu de contribuer à l’investissement, au développement et à l’emploi. Nous sommes accablés de tous les côtés.
Nous revendiquons plus de flexibilité. Il faut libérer le secteur et réduire la taxation excessive sur les voitures tout en prenant en considération la baisse du pouvoir d’achat du Tunisien et la dépréciation du dinar vis-à-vis de l’euro et du dollar. Il faut aussi développer l’infrastructure de recharge pour être en adéquation avec les nouvelles technologies, sinon cela ne sert à rien d’importer la voiture électrique.
Propos recueillis par Khadija Taboubi