Le discours du souverain marocain, très attendu, est intervenu au moment où les relations entre les deux frères ennemis du Maghreb sont au plus bas. Prononcé à l’occasion du 46e anniversaire de la « Marche verte » vers le Sahara occidental, ce discours de Mohammed VI s’est voulu plus ferme sur la ligne rouge chérifienne quant à l’intégrité des frontières du royaume, référence étant faite aux « provinces du Sud » couvrant 80 % de l’ancienne colonie du Sahara espagnol et que le Maroc considère comme partie intégrante de son territoire. En novembre 1975, à l’appel du roi Hassan II, 350 000 Marocains franchirent à pied la frontière du Sahara occidental, alors colonie espagnole, au nom de « l’appartenance » du territoire au royaume.
*Le roi du Maroc convoque l’histoire
« Aujourd’hui comme par le passé, la marocanité du Sahara ne sera jamais à l’ordre du jour d’une quelconque tractation », a souligné le monarque marocain, dans un discours retransmis par la télévision nationale. « De fait, la Marocanité du Sahara est une vérité aussi pérenne qu’immuable. Elle ne souffre, de ce fait, aucune contestation », a assuré Mohammed VI, plaidant cependant pour un « règlement pacifique » du conflit qui oppose les deux frères ennemis du Maghreb. « Si nous engageons des négociations, c’est essentiellement pour parvenir à un règlement pacifique de ce conflit régional artificiel », a poursuivi Mohammed VI, dans ce discours qui marque aussi le 63e anniversaire de la conférence de Tanger – qui avait vu les mouvements de libération du Maroc, d’Algérie et de Tunisie se prononcer pour l’unité du Maghreb.
*Reconnaissance américaine
Dans son discours, le roi s’est également félicité de la décision de l’ex-président Donald Trump, en décembre 2020, de reconnaître la souveraineté de Rabat sur le Sahara occidental, en contrepartie d’une normalisation des relations du Maroc avec Israël. « Elle est le corollaire naturel de l’appui constant des administrations américaines antérieures et l’illustration de leur apport constructif au processus de règlement de la question du Sahara », s’est-il réjoui.
Enfin, Mohammed VI a salué l’intervention des Forces armées royales (FAR) qui « ont restauré la libre circulation des personnes et des marchandises au point de passage de Guerguerat » reliant le Maroc et la Mauritanie.
Le 13 novembre 2020, un cessez-le-feu conclu en 1991 entre le Maroc et le Front Polisario sous les auspices de l’ONU avait volé en éclats après le déploiement de troupes marocaines à l’extrême sud du Sahara occidental pour déloger des indépendantistes qui bloquaient la seule route vers la Mauritanie, selon eux illégale. Le Polisario a depuis décrété l’état de guerre. « Cette action pacifique ferme a mis un terme aux provocations et aux agressions dont le Maroc avait déjà signalé à la communauté internationale la gravité pour la sécurité et pour la stabilité de la région », a justifié le monarque.
Le Sahara occidental, situé sur la côte atlantique et bordé par le Maroc, la Mauritanie et l’Algérie, est considéré comme un « territoire non autonome » par l’ONU en l’absence d’un règlement définitif. Avec son riche sous-sol minier et ses côtes poissonneuses, il s’agit du seul territoire du continent africain dont le statut post-colonial reste en suspens. Le Maroc en contrôle 80 % et propose une large autonomie sous sa souveraineté, tandis que le Polisario réclame un référendum d’autodétermination.
*Reprendre les négociations
En août dernier, après des mois de frictions, Alger a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc, l’accusant « d’actions hostiles ». Rabat a regretté une décision « complètement injustifiée ». En réalité, l’actuelle crise entre Alger et Rabat a démarré en décembre 2020 quand l’Algérie a dénoncé des « manœuvres étrangères » visant à la déstabiliser après la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, en contrepartie d’une normalisation des relations entre le Maroc et Israël.
La tension est encore montée d’un cran ces derniers jours après que l’Algérie a fait état d’un bombardement ayant causé la mort de trois camionneurs algériens au Sahara occidental, territoire disputé entre le Maroc et les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, qu’Alger a attribué à Rabat.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé il y a une semaine les parties au conflit à reprendre les négociations « sans conditions préalables et de bonne foi ». Ces négociations sont à reprendre, sous l’égide du nouvel émissaire de l’ONU, l’Italo-Suédois Staffan de Mistura, « en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable » dans la perspective d’une « autodétermination du peuple du Sahara occidental », précise l’ONU, dans une résolution qui prolonge d’un an la mission onusienne (Minurso) dans la région.
(Le Point, avec AFP)