Par Hajer Ajroudi
En 2011, Moncef Marzouki s’est présenté comme «l’homme du peuple», militant et victime de l’ancien régime. Le discours de victimisation, d’un militant docteur en médecine en plus ayant souffert et s’étant exilé à cause d’un dictateur dont le niveau scolaire lui était inférieur a joué en faveur de Marzouki. Son côté «spontané», sans artifice ni luxe dans l’habit et le comportement contrastait avec l’élégance et le snobisme de l’ex-couple présidentiel Zine El Abidine Ben Ali et Leila Trabelsi. Très vite tous ses éléments ont attiré la sympathie des électeurs pour le CPR, qui a alors été classé deuxième lors des législatives. Mais le président provisoire, fondateur du CPR, Moncef Marzouki, n’avait obtenu que 7.000 voix sur sa circonscription (Nabeul), finissant deuxième après le candidat d’Ennahdha. Son élection comme président n’a pas eu lieu au suffrage universel, mais selon un arrangement décidé par la Troïka. Cette nomination, témoin de la fragilité de sa situation, en comparaison avec le potentiel électoral de Béji Caïd Essebsi et avec la menace de la montée en puissance de candidats comme Slim Riahi, poussent aujourd’hui Moncef Marzouki à adapter son discours. Or ce genre de discours reflète en se développant une paranoïa qu’il instruit également chez les électeurs et qui le pousse à être agressif à l’encontre de ses adversaires, voire haineux et à s’enraciner dans la peur du passé et le rejet de tout ce qui constitue une menace pour lui, à savoir les électeurs dont les voix iront ailleurs, les médias qui le critiquent et ses adversaires politiques. Moncef Marzouki transmet alors cette peur chez les électeurs et joue sur tous les éléments possibles de division ; ancien régime contre révolutionnaires, peuple contre la bourgeoisie, zones rurales et marginalisées contre les villes côtières… Il cible les premiers au détriment des seconds et joue sur leur sentiment de frustration.
C’est la publication du Livre noir qui a mis en évidence le côté controversé de Moncef Marzouki, démontrant qu’il était capable de commettre un abus en puisant dans les archives et en outrepassant le pouvoir judiciaire, seul pouvoir apte à trancher dans ces affaires.
Ainsi, le discours de Marzouki a toujours été constant dans le contenu, mais augmentant d’intensité durant cette campagne. La rage de passer au second tour et la peur de perdre devant d’autres candidats, dont Béji Caïd Essebsi, qui surtout représente un passé qu’il avait cru remplacer, le pousse à élaborer un discours destructeur envers ses concurrents plutôt qu’un discours comportant des programmes constructifs pour la Tunisie.
Quelque temps avant la campagne présidentielle, il a clairement exprimé sa haine envers les médias qui, pour lui, étaient tous des traîtres malveillants et des agents du RCD dissous. Aujourd’hui, l’utilisation de mot taghout est un comble. Sur le plan pratique, il s’entoure d’adhérents aux LPR (Ligue de protection de la Révolution) connus pour leur agressivité, notamment l’attaque du local de l’UGTT, la Centrale syndicale. Il puise dans le potentiel extrémiste en s’affichant avec des « cheikhs » tels que Béchir Ben Hassen. Il ne rechigne pas non plus à instrumentaliser la question palestinienne. Moncef Marzouki brasse large ? comme le souligne l’universitaire, spécialiste en communication politique, Sadok Hammami.
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