La mission d’observation des élections de l’Union Européenne (MOE UE) a présenté ce mardi 8 mai 2018, lors d’une conférence de presse organisée à Tunis, les résultats préliminaires de son analyse des élections municipales tenues dimanche 6 mai 2018. Globalement, l’organisation du scrutin s’est bien déroulée selon les membres de la mission, mais plusieurs éléments ont entaché les élections, à l’instar de la faible participation, notamment des jeunes et la rigidité du cadre légal qui a constitué une entrave à la campagne électorale.
Une campagne électorale peu visible dans l’espace public
Les 124 observateurs de l’Union européenne mobilisés se sont rendus dans les 24 gouvernorats du pays. D’après le Chef observateur de la délégation et vice-président du Parlement Européen, Fabio Massimo Castaldo, ils ont visité 537 bureaux de vote dans 231 municipalités. « Le scrutin a été marqué par certaines faiblesses techniques, mais aussi par une participation modeste, notamment celles des jeunes, ce qui constitue une véritable préoccupation », a-t-il déclaré.
Sur le déroulement de la campagne électorale, il a souligné que le contrôle était rigide, comme l’ont affirmé plusieurs acteurs politiques aux observateurs. Le plafond de financement de la campagne est relativement bas, ce qui a freiné les candidats.
Concernant la couverture médiatique de la campagne électorale, la mission d’observation, selon Fabio Massimo Castaldo, l’a jugée équilibrée, mais faible. D’ailleurs, sur la campagne, le Chef de la délégation du Parlement Européen, Santiago Fisas Ayxelà, a lui aussi estimé que le plafond de financement était très bas, ce qui a rendu la campagne « peu exaltante » selon ses propos. « Elle n’a pas mobilisé les foules. Au lieu d’abaisser le plafond de financement, il faut plutôt travailler sur l’origine des fonds, ce qui permettra de hausser le plafond dans la transparence », a-t-il recommandé.
Les membres de la délégation estiment également que la campagne électorale était pluraliste, mais qu’elle manquait de visibilité et de contenu. « Peu visible dans l’espace public », ont-ils souligné.
Absence de débat politique durant la campagne électorale
Les règles de la campagne, poursuit-il, sont « audacieuses », mais elles ont placé la barre très haut pour les candidats aux élections municipales. Par conséquent, selon Santiago Fisas Ayxelà, le débat politique a été anesthésié. « Il existe une absence de débat entre les listes électorales sur leurs programmes politiques, alors que cela constitue une composante primordiale du scrutin », a-t-il noté.
Le débat a également été soumis à des règles très strictes selon le Chef de la délégation du Parlement Européen. De fait, rappelle-t-il, impossible de critiquer l’adversaire politique. Quant à l’abstention, selon le responsable européen, elle est assez élevée, particulièrement chez les jeunes. « Plusieurs facteurs expliquent ce fait. Il y a les difficultés sociales et économiques, mais les jeunes doivent garder confiance en leur capacité à décider de leur avenir à travers les urnes », a-t-il expliqué.
De ce fait, il existe plusieurs enseignements à tirer du scrutin, et ce en vue des prochaines échéances électorales de 2019. « Nous espérons que nos recommandations [formulées dans le rapport final] seront appliquées. Le Parlement Européen sera au côté de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) dans cette tâche dans le cadre de la coopération parlementaire », a encore assuré le Chef de la délégation du Parlement Européen.
Violation du silence électoral
Interrogés, par ailleurs, sur le silence électoral qui a été brisé par certains partis politiques, les membres de la mission d’observation de l’UE ont assuré avoir reçu certains rapports relatifs à ce sujet. « Nous analyserons toutes ces données dans les rapports finaux qui seront publiés dans quelques mois. On ne peut pas dire qu’il y ait eu des violations massives du silence électoral. On compte des cas isolés. Nous serons objectifs pour clarifier l’ampleur de ces violations », a assuré le Chef observateur et vice-président du Parlement Européen, Fabio Massimo Castaldo.
L’autre bémol soulevé par l’assistance est relatif à l’interdiction de déclarations accordées aux médias étrangers par les candidats aux élections. « Chaque limitation sans justification d’un travail doit être analysée. On espère qu’il y aura une évolution sur ce point. La presse étrangère est importante dans la mesure où elle peut véhiculer l’image de la Tunisie », a constaté le Chef de la délégation du Parlement Européen, Santiago Fisas Ayxelà.
30% des têtes de listes sont des femmes
Sur d’autres plans, les élections municipales ont été un succès selon les membres de la mission d’observation de l’UE. Ils ont, tout d’abord, salué le vote des militaires et des sécuritaires qui a eu lieu dimanche 29 avril dernier. L’adoption du code des collectivités locales constitue aussi, selon les responsables européens, un point positif.
La participation des femmes candidates au scrutin a été très saluée. De fait, selon les chiffres de la mission d’observation, 30% des têtes de listes sont de la gent féminine, contre 13% seulement lors des législatives de 2014. « 48% des personnes inscrites sur les listes électorales sont des femmes », a souligné Fabio Massimo Castaldo. Le scrutin a vu aussi la participation des personnes à mobilité réduite, ce qui est également considéré comme un point positif.
« Le déploiement de la mission européenne démontre l’engagement de l’UE auprès du peuple tunisien dans le processus de l’enracinement de la démocratie. Le modèle tunisien est à suivre. Les tunisiens ont exprimé librement leurs voix dans des élections crédibles », a encore assuré Fabio Massimo Castaldo.
Il s’agit, rappelons-le, d’un rapport préliminaire. La version finale, selon les responsables européens, devrait être livrée dans les mois à venir, avec des recommandations qui seront adressées aux autorités tunisiennes.