Alors qu’il ne reste qu’à peine cinq mois pour cette échéance électorale aussi importante que très attendue, tout semble indiquer qu’elle ne suscite pas l’enthousiasme des Tunisiens, ni attirer leur attention. Malgré les enjeux de ces élections notamment pour le processus démocratique tunisien encore fragile, son importance dans le raffermissement de la démocratie et la mise en place de véritables pouvoirs locaux, les Tunisiens ne se pressent pas encore au portillon pour s’inscrire sur les listes électorales.
Alors que nos villes sont presque à l’abandon, souffrant depuis 2011 de problèmes de plus en plus graves et difficiles à solutionner, faute de volonté, de vision et de moyens, peut-on dire que ce rendez-vous électoral est venu au mauvais moment, ou marque, pour certains, une échéance de trop ?
Il faut dire qu’au regard des soubresauts qui caractérisent la vie politique du pays ces derniers temps, des tensions sociales récurrentes et des difficultés économiques de plus en plus complexes, les deux facteurs expliquent quelque peu ce désintérêt. Il faut ajouter cependant, un autre non moins important qui peut renseigner sur la désaffection des Tunisiens du jeu politique. Il s’agit manifestement d’un fait qui n’a fait que se confirmer depuis les premières élections de 2011, qui se décline par la désaffection des Tunisiens de la politique, parce qu’ils n’ont plus confiance en leur classe politique. Avec ses errements, les scandales qui ne cessent de l’éclabousser, son incapacité avérée à susciter un débat cohérent et constructif, à encadrer la population et les dissensions qui n’ont pas fini de la diviser, la classe politique tunisienne a perdu beaucoup de son crédit et de sa capacité de mobilisation.
Aujourd’hui, Il n’est un secret pour personne que les jeunes s’intéressent accessoirement ou très peu à la politique, parce qu’ils ne se sentent ni réellement consultés ni écoutés. Plus qu’un désintérêt, l’écart qu’observent les jeunes révèle une aversion vis-à-vis de la politique et de ses représentants.
Nier cette évidence c’est faire preuve de naïveté. Cette désaffection envers la chose politique ne fait que se confirmer de jour en jour. Même dans l’euphorie des premières consultations électorales démocratiques post-révolution, on a relevé de manière saisissante le divorce des jeunes avec la politique. Le plus grave, c’est que les acteurs politiques, pris dans le tourbillon de la course au pouvoir, n’ont pas tiré les enseignements, ni cherché à comprendre ses raisons profondes.
La presque rupture qui sépare les jeunes de la politique a ses raisons. Tout semble indiquer que la politique qui s’est détournée des jeunes ne fait pas rêver cette frange importante de la population sur qui tout l’édifice aurait dû être bâti.
Aujourd’hui, au rythme où en vont les inscriptions, on risque de voir, le 17 décembre prochain, plus de la moitié du corps électoral rater cette échéance en se ralliant, par une simple réaction de dépit, au rang des abstentionnistes..
A qui incombe l’erreur? Il faut avouer que si échec il y aura, ses conséquences ne peuvent qu’être contreproductives et assumées que par tous les acteurs à savoir les partis politiques, les représentants de la société civile et les médias.
Si on n’arrive pas, dans l’intervalle qui nous sépare encore de ce scrutin, à faire bouger les choses et à susciter une plus forte adhésion des citoyens, c’est le processus démocratique tunisien qui en subirait les frais. On aura, en effet, des municipalités en apparence démocratiquement élues. Dans la pratique, on risque d’avoir des conseils municipaux et des pouvoirs locaux qui ne bénéficient que d’une partie infime de la confiance des électeurs, ce qui ne peut qu’altérer leur légitimité et ne leur confère pas la force d’entamer une nouvelle expérience en matière de gestion de nos villes et régions avec confiance et détermination.
Au lieu de s’impliquer dans un processus inédit, les partis politiques sont plus enclins, en cette période où la confusion gagne du terrain et les incertitudes ne font que s’amplifier, au verbiage, aux échanges d’accusations et à la course aux postes de responsabilités. Les prochaines municipales figurent loin, très loin de leurs priorités. Nidaa Tounes, l’UPL, Afek Tounes, Machroua3 Tounes et les autres peuvent-ils, dans leur état actuel de décomposition avancée, entreprendre une action sur le terrain auprès de leurs militants pour les inciter à s’inscrire ou les sensibiliser à l’importance des prochaines échéances ? Très peu probable. En tout cas leur discours est inaudible et leur popularité est au plus bas._
Entre-temps, la société civile semble être en vacances, seul le dossier de la corruption semble, par opportunisme que par toute autre chose, l’interpeller spécialement. Quant aux médias, canicule oblige, ils se contentent du peu qu’on leur distille, ne daignant pas prendre les devants et jouer leur rôle d’agitateurs d’idées et d’initiatives citoyennes.
Avec la conjugaison de vents contraires, un taux de participation très faible le 17 décembre prochain pourrait-il surprendre outre mesure ?