Municipales: Le vrai test

Après plus d’une année de tractations inutiles, de blocage improductif et de calculs qui se sont avérés infondés, l’ARP (Assemblée des Représentants du Peuple) vient enfin d’adopter la loi sur les élections et les référendums,  ouvrant la voie à l’organisation, si tout ira comme tout le monde le souhaite,  en octobre prochain des élections municipales, les premières depuis la Révolution de 2011. Pour arriver à ce résultat, que de temps perdu, que d’intrigues, de tergiversations et de  ratés qui résultent du calcul des uns, l’incohérence des autres et les grandes divisions que certains acteurs politiques n’ont pas réussi à transcender.  Un véritable gâchis pour  un pays où le superflus prend le pas sur le fondamental et où l’incompétence des uns et la complicité des autres,  ont rendu nos villes qui ont perdu leur âme,  invivables  parce qu’on n’a pas su et pu assurer à leurs habitants les services essentiels et leur offrir le cadre adéquat pour une vie tranquille et harmonieuse.
Les prochaines municipales  qui pourraient  être couplées avec des élections régionales arriveraient-elles à  bien changer la donne ?
Il faut espérer et attendre. Il faut avouer,  surtout,  que la partie ne sera pas de tout repos. Avec les grandes mutations qu’a connues le pays au cours  des six dernières années,  avec un paysage politique en perpétuel recomposition et les ambitions nourries pour la mise en place de véritables pouvoirs locaux, ces élections revêtent un caractère particulier, ce qui pousse tous les partis politiques, notamment les deux grandes formations, à se livrer à une guerre non déclarée pour le contrôle des régions et des municipalités.  En effet, les prochaines élections auront une valeur de test, survenant une année avant la présidentielle et les législatives de 2019, elles fourniront des messages clairs à toutes les forces politiques du pays pour  jauger leur popularité, leur influence dans les régions intérieures du pays et particulièrement d’avoir un jugement du corps électoral sur les promesses non tenues formulées lors du scrutin de 2014.
Avec le malaise qui domine et la déception des Tunisiens de leur  classe politique et de leurs  élites, il n’est pas exclu que les résultats des municipales seraient soldés par  de grandes surprises au regard de la modestie de la présence et de l’action entreprise par les partis politiques à l’échelle régionale et locale.
L’émergence d›une nouvelle classe de dirigeants locaux, plus  proches des populations et au fait de leurs attentes et soucis, ne saurait surprendre outre mesure. Voir les municipalités et les régions échapper aux partis politiques en présence est une hypothèse à laquelle tout le monde s’y prépare et cherche à solutionner pour étendre leur sphère d’influence ne serait-ce encore une fois par de nouvelles promesses qu’ils ne pourraient jamais satisfaire, et par un jeu de  manipulation et de récupération dont ils ont le secret !
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Depuis 2011, les médias tunisiens ont pris conscience du  postulat qui affirme que la  liberté d’expression ne s’use que si on ne s’en sert pas. Six ans après, l’on s’aperçoit que ce qui a été réalisé dans ce domaine est peut-être  la seule avancée tangible dont le pays peut aujourd’hui s’enorgueillir. Malgré tous les dérapages constatés,  inhérents  du reste à la transition qu’a connue le pays,  pour  les médias publics que  privés, la liberté devient la règle et un acquis dont les journalistes, toutes tendances confondues, s’agrippent pour le conserver et le défendre. A l’évidence, la liberté d’expression et l’indépendance des médias sont  consubstantiels au processus de renforcement du processus démocratique dans le pays , ce qui suppose l’existence d’un véritable contrepouvoir dont la mission essentielle est de présenter une information crédible, indépendante et d’éclairer l’opinion publique sur tout ce qui se passe dans le pays. Une presse libre est par essence critique, une presse qui refuse d’être aux ordres des responsables politiques.  Peut-on dire que le statut actuel acquis par les médias en Tunisie est devenu une source de désagrément pour les autorités publiques ?
Même s’il faut se garder d’être affirmatif, l’on ne peut exclure la tentation qui gagne le pouvoir politique de serrer la vis devant les journalistes, par  trop curieux, indociles et bavards ! Assécher les sources d’information serait-il la bonne solution pour les ramener à la raison ?
Dans tous les cas de figure,  la  circulaire  du 16 janvier dernier  rappelant aux agents publics leur devoir de réserve et interdisant aux fonctionnaires de transmettre des informations aux médias sans l’accord préalable de leur hiérarchie, ne peut être perçue que sous cette optique. Elle est non seulement inopportune, mais par son caractère laxiste et inexpliqué, vient mettre le pavé dans la mare. Peut-on  prendre pour argent comptant le  faux argument  présenté de recherche d’une meilleure organisation du travail administratif et délimitation des responsabilités ? Loin s’en faut. Ce qui vient à l’esprit,  en premier lieu,  c’est la volonté de  mettre les bâtons dans les roues des journalistes, en les privant d’accéder librement aux  sources d’information ?
Entraver le travail des médias ne sert pas la démocratie et encore moins le fonctionnement du gouvernement d’union nationale qui, comme ceux qui l’ont précédé à la Kasbah depuis 2011, n’ont pas su trouver une solution à leur communication défaillante. Fallait-il pour que le gouvernement améliore son image sacrifier la liberté d’expression et rappeler les journalistes à l’ordre ? Aberrant !

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