Musée du Bardo : Tel un phénix…

Le directeur du musée du Bardo était, ce mardi 24 mars,  l’invité de la station de radio d’Europe 1. Pour Moncef Ben Moussa, les terroristes s’en sont pris à des « valeurs », à « l’extraordinaire richesse archéologique et artistique ». Mardi, le musée a rouvert ses portes et pansé ses plaies.

Toute une symbolique

La réouverture au public du musée du Bardo, a été reportée de quelques heures pour des raisons de sécurité. Une décision prise à contrecœur par les autorités tunisiennes, qui souhaitaient adresser un message rassurant aux touristes.

Tout était prévu pour la réouverture au public du musée du Bardo, à Tunis, moins d’une semaine après l’attentat sanglant qui a fait 23 morts. Mais les autorités ont préféré la reporter de quelques  heures pour assurer toutes les mesures de sécurité.

Rouvrir les portes du musée du Bardo, qui accueille jusqu’à 660 000 visiteurs par an, était pourtant un acte de résistance pour notre pays. «C’est un défi mais c’est aussi un message (…). Ce qui s’est passé nous touche tous, mais nous voulons dire qu’ils (les auteurs de l’attentat) n’ont pas atteint leur objectif», avait avancé Moncef Ben Moussa, le conservateur du musée. C’était aussi un message fort à l’intention des touristes, que les Tunisiens rappellent de leurs vœux.

L’attaque du 18 mars risquait d’être dommageable pour l’ensemble de l’industrie touristique, déjà fortement affectée. La Révolution de 2011 avait affecté ce secteur-clé de l’économie tunisienne. La fréquentation touristique avait chuté de 30 % en 2011, pour tomber à 4,8 millions de visiteurs. En 2014, après trois années, les recettes du tourisme commençaient à opérer une légère croissance, même si le nombre de touristes restait de 12 % inférieur à celui de 2010.

Soyons optimistes

Le gouvernement tunisien joue la carte de l’optimisme. Interviewée par France 24 le 21 mars, la ministre du Tourisme Selma Elloumi Rekik affirmait qu’ « aucune annulation n’a été enregistrée par les services du ministère, à l’exception d’un tour opérateur polonais ». Elle a annoncé dans un deuxième temps, par le biais d’un communiqué publié le 23 mars, que plus de 3 000 annulations à destination de la Tunisie ont été enregistrées sur les marchés européens.

La priorité des autorités tunisiennes a été de renforcer la sécurité autour des zones touristiques et sensibles. Des premières mesures rassurantes pour Hosni Jemmali, PDG du tour-opérateur franco-tunisien Sangho : «On est en train de remonter la pente. On va transformer le mal en bien», espère-t-il.

Sur les réseaux sociaux, une opération de soutien à la Tunisie a émergé après l’attaque. Le 18 mars, une page intitulée « I will come to Tunisia this summer » (Je viendrai en Tunisie cet été) s’est créée sur Facebook avec pour recommandation : « Soutenez la Tunisie en venant passer vos prochaines vacances dans le pays de l’amitié ». Cinq jours après, elle a récolté près de 60 000 soutiens.

Tous au musée !

Quelques dizaines de personnes, essentiellement des guides touristiques et des journalistes, ont pu accéder à l’intérieur de l’enceinte où se trouvent le musée et le Parlement tunisien. Certains y chantaient et dansaient au son de darboukas. Des manifestants ont aussi ramené trois chameaux.

A l’extérieur de l’enceinte, environ 250 autres manifestants étaient rassemblés, tenant des feuilles et des pancartes en anglais proclamant « Visit Tunisia », « I will receive you with jasmine » (« Je vous accueillerai avec du jasmin », ndlr), et reprenaient en chœur des slogans comme « Tunisie libre, terrorisme dehors ».
Quelques touristes qui n’avaient pas été informés du report de l’ouverture du musée étaient également présents, assurant ne pas avoir peur malgré l’attaque revendiquée par le groupe djihadiste Etat islamique qui a coûté la vie à 20 touristes étrangers et à un policier tunisien. « On ne nous avait pas dit que c’était reporté. Nous sommes venus visiter le musée. Non, je n’ai pas peur. Ce n’est pas plus sûr à Paris qu’ici », a déclaré Eliane Cotton, une touriste française.

Concert de l’Orchestre symphonique tunisien au musée et hommage aux victimes

La police a renforcé le dispositif de sécurité en installant de nouvelles barrières devant le portail permettant l’accès à l’enceinte du musée et du Parlement. La route longeant le musée a pour sa part été fermée à la circulation vers 10H30.
L’attaque avait mis en évidence de graves défaillances des services de sécurité autour du musée et du Parlement. Les deux assaillants ont été tués mais un troisième suspect est toujours en fuite.

Le Premier ministre Habib Essid a limogé plusieurs responsables de la sécurité, dont les chefs de la police de Tunis et du Bardo, après avoir constaté que le site n’était pas sécurisé lors d’un déplacement la nuit précédente. Si la réouverture au public mardi a été reportée sine die, un concert au musée assuré par l’Orchestre symphonique tunisien a rendu hommage aux victimes à travers un programme en leur mémoire avec une série de morceaux rappelant la musique de leurs pays. Grande émotion, certes, même si certains n’ont pas trouvé la cérémonie à leur goût et ont trouvé quelque chose à dire. L’hymne national tunisien, a retenti au cœur du musée, repris en chœur par les présents qui ont scandé des slogans exprimant la détermination de la Tunisie à vaincre le fléau terroriste et de faire primer la culture de la vie.

Tel un phénix, le musée du Bardo, renaissait cet après midi là de ces cendres.

Farouk Bahri

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