Ils auraient d’ailleurs aimé réaliser leur dernière pépite au gré des pèlerinages dans le désert. Malheureusement, le rêve reste à l’heure actuel à l’état de projet, une telle production relevant, pour le moment, du chimérique. La situation politique au Mali rend la situation dans le désert nord intenable, et s’ils ont été chassés du pouvoir par l’armée française, le spectre d’Al- Qaïda au Maghreb islamique plane.
Le groupe a donc pris un studio situé dans une maison du désert de Mojave en Californie, près de Joshua Tree National Park. Sans cette mention, il aurait été difficile de voir la différence entre le Sahara et la Californie, musicalement parlant s’entend. Ceux qui pensent à une américanisation de leur musique peuvent être rassurés, la musique de Tinariwen se déplace encore comme une tempête de sable. Même à des tempos lents, elle tourbillonne avec le mouvement, et la quasi-totalité de son chargui puise sa force dans les guitares et la basse, avec le percussionniste Saïd Ag Ayad, se chargeant d’encadrer la percussion temporelle comme on le fait d’un pur-sang fougueux.
Les chants et les quatre guitaristes offrent une polyvalence rythmique saccadée et mélopées enchanteresses. Cette maturation s’étend à leur vernissage de l’album, réguler les flux en équilibrant les influences. « Toumast Tincha » ouvre l’album avec cette sensation de planer, l’impression que seul ce groupe bande peut vraiment faire, guitares diffusées comme des diables de poussière, tandis que Saul Williams propose une étrange intro. Parce que, oui, les contributions pleuvent dans ce nouvel opus et elles valent le détour… donc autant ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte.
Il est, à certains égards, difficile d’être un groupe comme Tinariwen. Sortir des albums dans un marché de l’Ouest, où l’attention initiale que vous avez reçue a eu beaucoup à voir avec la nouveauté de votre son. Fidèle à son identité, tout en évoluant et en gardant un public qui est toujours une cible mouvante, entre modes et bombardements « clipesques ». Pour le dire clairement, Emmaar de Tinariwen est largement à la hauteur de la réputation du groupe.
F.B.
*Emmar de Tinariwen