L’indignation des professionnels du journalisme est palpable face aux récentes pressions exercées par le ministère de l’Intérieur sur eux. Malgré ce contexte houleux, aucun parti politique, du moins parmi les poids lourds, n’a réagi. Ni Ennahdha, ni Nidaa Tounes, ni Afek Tounes, ni Machrou3 Tounes n’ont daigné dénoncer les pressions sur les journalistes.
Seuls Al Badil Ettounsi de Mehdi Jomaa est sorti du lot – pour une fois -, par le biais d’un communiqué publié mercredi 31 janvier 2018. Le Courant populaire a également dénoncé les pratiques subies par les confrères dans un communiqué publié le même jour.
Pourtant habitués aux posts Facebook et aux communiqués à tout-va sur à peu près tout, les grands partis politiques ont cruellement manqué à l’appel cette fois-ci. Sans doute, le sujet n’est pas assez juteux pour eux sur le plan politique. A l’approche des municipales, ils ont sans doute d’autres chats à fouetter afin de gagner quelques voix supplémentaires.
Comment expliquer ce désintérêt manifeste et dont on parle peu ? En fait, cela revient au fait que nous avons oublié ce qu’est véritablement un journaliste. C’est un métier, aujourd’hui, humilié et piétiné. Un journaliste est celui, en théorie, qui transmet la vérité aux récepteurs de l’information. C’est cet individu qui joue le rôle d’un contre-pouvoir face au pouvoir.
De ce fait, les détenteurs du pouvoir ont besoin du journaliste pour se défendre, pour expliquer leur programme et pour convaincre l’opinion publique. Mais tout cela, c’est en théorie. Dans la pratique, c’est le sentiment inverse qui domine : le journaliste croit avoir besoin du politique pour « avoir de la matière » comme on dit dans le milieu. Cependant, il s’agit d’un besoin fictif. Il a été créé par la détérioration de la situation matérielle de plusieurs confrères en Tunisie dont une bonne partie est prête à tout pour gagner sa vie.
Nous avons oublié ce que nous sommes réellement et ce que notre métier nous incombe. Notre oubli a encouragé les acteurs politique à prendre le dessus et à faire des médias leur tribune pour s’exprimer.
Cette situation désole nos aînés, à savoir ceux qui ont lutté, malgré la dictature, pour un journalisme de compétences et crédible. Du côté de la jeune génération, certains sont davantage occupés à mettre le bâton dans les roues des confrères et à se chamailler entre-eux.
On ne peut que comprendre, en somme, la raison pour laquelle les politiques n’accordent plus assez d’importance aux mobilisations des journalistes et aux pressions qu’ils subissent. Vendredi 2 février 2018, le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) organisera une journée de colère pour dénoncer les excès subis par les confrères. C’est un bon pas, mais le chemin à parcourir est encore long pour la réhabilitation du métier.
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