Entamées depuis plusieurs semaines, les négociations sociales entre l’Union générale tunisienne de travail (UGTT) et le gouvernement portant sur les augmentations salariales, butent toujours sur le montant des augmentations à servir au titre de l’année 2014. Les positions du gouvernement et de l’UGTT restent diamétralement divergentes. Les informations que chaque partie a voulu diffuser traduisent une différence d’appréciation et d’évaluation de la situation prévalant dans le pays.
Si la Centrale syndicale réclame presque le double du niveau d’augmentation salariale obtenu en 2012 pour combler l’érosion du pouvoir d’achat des salariés, le gouvernement, conscient des fortes pressions exercées sur les finances publiques, propose un niveau d’augmentation inférieur cinq fois à ce que réclame l’UGTT.
Malgré cet imbroglio, l’accord à l’arraché obtenu dans le secteur dans l’enseignement secondaire, qui vient donner un terme à une crise qui a duré plus de deux mois laisse apparaitre des signes de conclusion positive de ce premier round.
Malgré les déclarations parfois incendiaires de Sami Tahri, Secrétaire général adjoint à l’UGTT, dans les médias, imputant le blocage des négociations aux propositions du gouvernement qui, selon lui, « ne préservant pas la dignité des ouvriers et travailleurs », une seule personne fait preuve d’optimisme. Il s’agit à l’évidence de M. Ammar Younbaai, ministre des Affaires sociales,qui n’a pas hésité à dire que les négociations sociales avec la partie syndicale évoluent favorablement. M Younbaai, est même allé plus loin dans son optimisme en soutenant qu’un accord définitif sur des augmentations salariales du secteur public au titre de l’année 2014 pourrait être conclu au cours de la semaine prochaine.
Alors qu’on est au début d’un processus qui concerne l’année 2014, tout ce brouhaha provoqué et ces divergences de positions, de vision et de niveau d’augmentation des salaires dans le secteur public exprimés, n’augurent rien de bon pour les négociations qui suivront et qui devraient concerner 2015et 2016.
Le pouvoir d’achat et le reste
En effet, elles se déroulent pour la première fois non pas dans une conjoncture morose mais, plutôt, annonciatrice de tous les risques et périls.
Même si le gouvernement ne rate aucune occasion pour rappeler les grandes difficultés que traverse le pays et que sa mission principale au cours des mois à venir est avant tout de sauvetage. Une mission qui exige autant un effort en termes de préservation des équilibres financiers globaux du pays, de relance de l’activité économique, de promotion de l’emploi que de préservation du pouvoir d’achat du citoyen.
En effet, les indicateurs rappelés vendredi dernier M Habib Essid dans son discours devant l’Assemblée des Représentants du Peuple traduisent l’énormité de la tâche et la difficulté des arbitrages à opérer. En témoignent, la baisse des intentions d’investissement de 25,3%, le recul de 62,1% des investissements dont le volume dépasse 5 millions de dinars, la chute de 46% des investissements dans les zones de développement régional et la dégringolade (-58,3%) des investissements à participation étrangère dans le secteur industriel. Pour compléter ce tableau, M Essid a rappelé le déficit abyssal enregistré par la balance commerciale (13,7 milliards de dianrs) et l’aggravation de la dette extérieure qui s’élève à 53% du PIB.
A tout cela, il faut ajouter un déficit des caisses sociales qui atteint actuellement 1100 millions de dinars et un taux de chômage chez les diplômés du supérieur qui s’élève à 32% de l’ensemble des sans-emploi.
Tout le monde convient que, pour pouvoir postuler à une reprise de l’activité économique, la prochaine étape commande d’asseoir un climat social sain et, partant, une action soutenue pour préserver le pouvoir d’achat.
C’est pour honorer cet engagement mais aussi parce qu’il s’est trouvé dos au mur, que le gouvernement a accepté depuis le 23 février dernier l’engagement de négociations sociales dans le secteur public en deux temps.
L’invité surprise
Malgré le chaud et le froid qu’entretiennent le gouvernement et l’UGTT, tout laisse à croire que les prochains jours seront décisifs pour la conclusion de ce premier round. Même si l’UGTT est en train de placer la barre très haut en réclamant une augmentation de 15%(soit presque le double de ce qui a été accordé en 2012), l’on se demande sur la qualité du compromis qui signera la fin de ces négociations du reste très médiatisées. L’argument de la situation difficile que connait le pays, que l’UGTT ne cesse de rappeler qu’elle le prend en considération, sera certainement le déterminant qui donnera une suite acceptable par tous à ces négociations.
Un élément inattendu a fait son intrusion et qui risque de brouiller encore les cartes. Il s’agit de l’appel lancé par la CGTT (confédération générale tunisienne du travail) à la participation de l’ensemble des organisations syndicales dans les négociations sociales. L’organisation syndicale a affirmé que les augmentations salariales anarchiques ne vont pas résoudre les problèmes mais risquent plutôt de compliquer la situation si le gouvernement n’entamait pas des négociations sociales globales et responsables avec la participation de toutes les organisations syndicales.
« Les négociations sociales doivent concerner la révision du Code du travail, des statuts, des conventions collectives et du système de défense sociale outre l’amélioration du pouvoir d’achat des employés et des catégories démunies », a souligné la CGTT.
H.J