Par Khadija Taboubi
Elle a voulu mettre en avant ses réalisations, sans vouloir parler d’elle. Elle travaille depuis une bonne dizaine d’années sans vouloir se faire connaître. Elle s’est attaquée aux grandes problématiques du pays sans avoir à se soucier de la publicité. La réforme de l’administration publique, la gouvernance, le développement local, la coopération intercommunale et transfrontalière, la femme et l’enfance forment son programme d’action et de développement. En Tunisie, ses projets portant sur le développement local n’ont trouvé du terrain qu’après la Révolution où la transition démocratique a permis à la gouvernance des Droits de passer à un modèle plus ouvert, plus inclusif et plus participatif et surtout, loin des clivages idéologiques et politiques.
Elle, c’est la Tunisienne Neila Akrimi qui a pu, en décembre 2020, obtenir, via le centre qu’elle dirige CILG-VNG International, le prix du Développement des Droits de l’Homme à Sidi Bouzid. Ce prix, qui lui a été attribué sans tapage médiatique, vient en reconnaissance à ses contributions visant à inscrire ce gouvernorat parmi les régions prioritaires en matière d’investissement touristique. Dans ce gouvernorat, elle a contribué à la construction du nouveau parc urbain de Sidi Bouzid, l’aménagement de la place Mohamed Bouazizi et la réalisation du musée de la Révolution.
Le parcours de la réussite
A fort pouvoir de conviction, Neila Akrimi illustre l’exemple du leadership féminin. En 2008, elle a vu son projet maghrébin sur la gouvernance locale, initialement programmé pour la Tunisie, tourné vers le Maroc. Pour elle, n’eût été la Révolution, on n’aurait jamais pu travailler sur la gouvernance ou les municipalités comme acteurs actifs de développement, puisque l’ancien régime ne croyait pas à la décentralisation, selon ses dires.
Après une bonne expérience dans la diplomatie tunisienne et le cercle des experts européens en développement local, citoyenneté, inclusivité et un long cursus d’études et de recherches avec divers groupes de personnes, couronné par une thèse de Doctorat en Droit Européen de l’université d’Aix-en-Provence, Dr. Neila Akrimi a intégré la VNG Internationale à La Haye (Pays-Bas) comme directrice des programmes pour l’Afrique francophone en tant qu’experte sur la Gestion Municipale, l’égalité des genres, l’autonomisation des femmes, la décentralisation et la bonne gouvernance. Et depuis 2012, elle dirige CILG-VNG International, qui réalise plusieurs projets de coopération en Tunisie tout en gardant son portefeuille de Senior manager au sein de ladite organisation chargée du Business Development.
Grâce à ses années d’expérience en tant qu’avocate, diplomate, chercheuse, conférencière, ajoutées à sa connaissance globale de la région MENA (Jordanie, Liban, Maroc, Egypte, Algérie, Libye et Afrique de l’Ouest), Neila Akrimi a pu accumuler une connaissance approfondie de l’environnement politique et administratif de la Tunisie et de ses gouvernorats, des domaines de la transition démocratique, de la réforme publique, de la gouvernance locale et de l’égalité des genres, qui constituent un avantage crucial pour l’entreprise.
De grands projets pour la Tunisie
Dans une déclaration à Réalités, elle a exprimé ses convictions personnelles de pouvoir changer la donne en Tunisie. Il faut juste, selon elle, travailler sur la confiance, mais aussi être créatif, innovant et impliquer toutes les parties prenantes. Elle a pointé du doigt l’instabilité politique en Tunisie qui a bouleversé les orientations stratégiques et les priorités du gouvernement, et depuis lors, on s’est préoccupé de la crise politique et de l’impact de la Covid-19 au détriment des réformes et du développement économique.
Par rapport à la réactivité des municipalités et des autorités locales aux initiatives de l’organisation qu’elle dirige, Neila Akrimi a déclaré que la Tunisie est bien placée et que la diplomatie régionale est très ouverte et réagit très positivement aux projets lancés par la VNG International.
Le 19 mars dernier, CILG VNG International, en collaboration avec l’Observatoire des Droits de l’Enfant et la Fédération Nationale des Communes Tunisiennes, ont lancé le concept «Une Ville inclusive pour une enfance heureuse- VIE». L’objectif est de créer une synergie pour la mise en place de projets inclusifs innovants protégeant les droits de l’enfant. Il s’agit aussi de sensibiliser les enfants et les adolescents à participer dans la gestion des affaires locales, et les élus et les cadres locaux à intégrer l’approche Droits de l’Enfant dans les projets de développement local et contribuer à la mise en place de projets inclusifs ciblant l’enfant. C’est un projet qui lui tient à cœur et l’idée lui est venue après la découverte de «l’école coranique» de Regueb.
Selon ses déclarations, les enfants sont victimes des stratégies locales et c’est pour cela qu’il faut changer la donne. Pour elle, il ne s’agit pas d’une question de moyens mais plutôt de mentalités qui doivent changer.
Forte de son implication dans les régions et sa volonté de protéger les groupes de sociétés les plus vulnérables, la directrice générale de VNG International a initié plusieurs autres projets non moins importants, comme la mise en place d’un laboratoire technologique entre Regueb Hassi El Frid à Kasserine et l’aménagement des parcs municipaux pour les enfants. A Dhehiba, un projet d’électrification grâce à l’énergie solaire, a permis à 22 agriculteurs de se lancer dans le business et certains ont commencé même à exporter.
A Nabeul, ils ont aménagé des jardins d’enfants qui ouvrent en dehors de l’horaire administratif pour créer des facilités pour les femmes.
En termes de citoyenneté, ils ont veillé à l’amélioration de la relation entre les citoyens et les municipalités tout en facilitant, par exemple, l’octroi des autorisations ou la gestion des plaintes.
Récemment, la plateforme de coopération municipale maghrébine est née. Elle regroupe des représentants de différents pays qui se sont accordés à échanger les expériences. Ils ont aussi contribué à l’augmentation de la représentativité de la femme dans les élections municipales et désormais, la représentativité de la femme dans les conseils municipaux est de 47%. Les réformes publiques en termes de gouvernance locale et de décentralisation sont le travail quotidien pour ladite organisation.
Quid de CILG-VNG International ?
Fondé par Dr. Neila Akrimi, CILG-VNG International est le bureau régional de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) de l’agence de coopération internationale de l’association des municipalités néerlandaise (VNG International). Il a ouvert son bureau à Tunis en 2012 et c’est le partenaire stratégique MAGHREB de la Fédération Canadienne des Municipalités (FCM). Il est spécialisé dans la gouvernance et le développement local. Il appuie les services de conseil en politiques et stratégies publiques. Il met en œuvre des programmes d’assistance technique, pour aboutir à l’élaboration et la mise en œuvre des réformes publiques sur la décentralisation. Cela s’inscrit également dans le cadre du développement et du renforcement des autorités, des administrations et des acteurs de la société civile qui travaillent activement à l’échelle locale et à l’identification, la réalisation et l’évaluation de projets économiques de développement local inclusif et prospère permettant aux citoyens d’obtenir le meilleur de leurs communautés.
Le PLMI est un programme initié par la Fédération Canadienne des Municipalités avec l’appui des Affaires Mondiales Canada et mis en œuvre en Tunisie par CILG-VNG International. Il porte de manière délibérée sur la capacité des femmes leaders dans la gestion des affaires locales et celle des institutions nationales et des municipalités à offrir des services publics répondant au mieux aux besoins et au potentiel des femmes et des filles dans huit communes partenaires.
Le leadership féminin, la gouvernance locale inclusive, l’intégration du genre dans les processus de planification municipale et la démocratie participative en étaient les grandes lignes.
En 2019, Dr. Neila Akrimi a appuyé les efforts du gouvernement tunisien dans le processus de décentralisation ainsi que l’accompagnement de plus de 45 municipalités et a contribué au processus de mise en place de la Fédération nationale des communes tunisiennes et le réseau des Femmes élues au niveau local. En 2016, ils ont lancé le programme d’appui à la gouvernance urbaine démocratique pour la construction de la paix en Libye et en Tunisie. Ce programme s’adresse aux besoins des collectivités locales et des associations de la société civile, et vient accompagner le processus de transition politique et de décentralisation déclenché par les révolutions de 2011 en Tunisie et en Libye. En 2016 aussi, ils ont mis en place un programme « Casques verts », un projet qui vient consolider la volonté des autorités tunisiennes d’améliorer les prestations des communes en matière de collecte des déchets.
En 2013, elle s’est intéressée aux besoins des collectivités locales et des associations de la société civile, mais aussi la création d’emplois par le biais d’une mise en œuvre efficace des réformes publiques.