Un public partisan
«Ce que l’on voit aujourd’hui est l’autre revers du Printemps arabe. Jeunes et moins jeunes ont montré clairement leur refus total du débat et du respect de l’autre», note amèrement l’Égyptienne Mai Elsherbini, présentatrice du New Arab Debates, dans sa version arabe.
Le désordre signifie-t-il que le débat entre Nidaa Tounès et Ennahda est voué à l’échec? La réponse est non. Du moins dans le contexte du débat de mercredi. Ce n’est pas le face-à-face Bhiri et Akremi qui a été la source du désordre, mais plutôt la manière de le modérer qui a été estimée «subjective» par certains. D’ailleurs les deux principaux invités (Bhiri et Akremi) ont essayé d’apaiser l’atmosphère et d’appeler leurs supporters respectifs à faire preuve de sagesse afin de poursuivre le débat.
La salle des conférences a accueilli environ 250 personnes, en plus de la présence de plusieurs médias locaux. Le débat supposé aborder plusieurs axes dont la politique, l’économie et le contexte régional du Printemps arabe s’est transformé, après une heure et demie, en une véritable scène de protestation frôlant le chaos.
Islamistes au pouvoir : bilan catastrophique ?
Concernant la thématique discutée, Noureddine Bhiri, ancien ministre de la Justice et membre du bureau exécutif d’Ennahdha, a déclaré que son parti ne s’intéresse pas au maintien au pouvoir, mais à «l’avenir de la Tunisie et à l’accomplissement du processus démocratique.»
Évoquant ensuite le changement en Égypte, il a considéré que le président égyptien déchu, Mohammed Morsi, est légitime et que les islamistes n’ont pas échoué dans l’expérience du pouvoir. Un avis que Lazhar Akremi, porte-parole de Nidaa Tounès, ne partage pas lorsqu’il précise que «les Frères musulmans ont l’expérience d’administrer des groupes et non pas l’État», ce qui explique la réaction de l’armée. Pour lui, le cas tunisien est différent puisque Ennahdha a su trouver une issue plus pragmatique et profiter d’un nouveau mécanisme : le dialogue national et le «consensus».
Plusieurs questions ont été posées à Noureddine Bhiri, faisant une comparaison entre l’économie tunisienne en 2014 et celle à l’époque de Ben Ali. L’homme a mis en garde contre la confusion et l’irrationnel, estimant que la comparaison n’est pas pertinente, surtout dans cette difficile période de transition.
L. Akremi, de son côté, a prouvé, par les chiffres, les défaillances des deux gouvernements Ennahdha dans la gestion de l’économie du pays. Le débat aurait pu se poursuivre normalement, s’il n’y avait pas eu la surexcitation du public, partisan dans sa majorité.
Chaïmae Bouazzaoui