Nidaa Tounes : la mort lente !

Alors que tout le monde attendait la réunion samedi pour l’élection du président du comité central, des ses deux adjoints et la répartition des tâches au sein du BP à 14 heures à Hammamet, Aissa Hidoussi annonce un nouveau congrès, le même jour, à Monastir. Au final il y a deux congrès et, désormais  deux Nidaa.

Il faut croire que les nidaïstes, quel que soit le camp auquel ils appartiennent, ne s’attendaient nullement à vivre un congrès pareil qui de par sa durée, six jours et cela continue, a battu tous les records. A cela s’ajoutent les multiples rebondissements et querelles de leadership qui ont jalonné ces six journées.
Premier constat, contrairement à ce que prétendent certains de ses dirigeants, Nidaa Tounes est sorti plus mal en point qu’il ne l’a été avant ce congrès.
Coup de théâtre ou revirement de dernière minute, le premier vice-président du congrès Aissa Hidoussi et en l’absence de la présidente, a lu un communiqué en quatre points annonçant l’annulation de l’élection des membres du nouveau bureau politique et l’ouverture à nouveau des candidatures.
Une annonce venue contredire celle faite  jeudi 11 avril au matin, par la présidente du congrès, Samira Belkadhi, qui avait confirmé le rejet de tous les recours déposés à l’encontre de la liste du bureau politique. « Ces recours ne peuvent aucunement faire tomber cette liste« . Pas plus simple que cela. Les membres de cette liste votée par le comité central (sic), doivent se réunir pour la répartition des tâches dans un délai ne dépassant pas 15 jours (re-sic).
A partir de là on nage dans le flou, l’irrationnel même. Qui dit vrai et pour qui roulent-ils. Et on peut se permettre de dire que le congrès de Nidaa Tounes évolue  entre un complot et un autre sans compter les retournements de veste.
La présidente du congrès avait balayé, sans aucune gêne, le non respect des conditions de candidature et la non consultation du comité central reprochés à « la liste du consensus« . Griefs qui avaient mené, selon elle, au rejet d’une liste concurrente à cette dernière. Son premier vice-président est venu quant à lui, tout en affichant un sourire qui cache bien des choses, balayer son annonce sans même en expliquer les raisons.
Il se contentera de charger la présidente pour justifier la décision prise avec trois autres collègues membres du bureau du congrès, allant jusqu’à l’accuser implicitement de malversation et de parti pris avec un certain clan qu’il se refuse de dévoiler par « obligation morale« , dira-t-il.
Ce souci d’obligation morale sera balayé par Soufiène Toubal, président du bloc parlementaire et candidat à la présidence du comité central. Et de quelle manière!
Invité sur Elhiwar Ettounsi, il surprendra tout le monde en divulguant l’enregistrement d’une communication téléphonique avec ce même Hidoussi. Le contenu est époustouflant et dévoile le côté plus que malsain des relations au sein de la direction actuelle de Nidaa Tounes.
Le premier vice-président du comité préparatoire du congrès affirme et confirme à son interlocuteur en termes claires « Vous avez toute la légitimité. Tous les recours n’ont aucun fondement et seront annulés. […] Je ne travaille pas pour Hafedh Caïd Essebsi, malgré toutes les pressions qu’il exerce. Mes décisions, je les prends en mon âme et conscience… j’ai failli être tabassé, et je n’ai pu quitter les lieux qu’après l’intervention des forces de sécurité. D’ailleurs, Samira Belkadhi a pris la fuite, laissant même son manteau sur les lieux ».
Que s’est-il passé depuis? pourquoi les quatre membres restant ont changé d’attitude pour revenir sur leurs propos et annoncer l’annulation de l’élection du bureau politique?
Abdelaziz Kotti, donnera un brin d’explication à ce changement d’attitude. Il déclarera à Business News que « Issa Hidoussi a subi des pressions et des menaces de la part de Hafedh Caïd Essebsi. Ce dernier a été mis devant le fait accompli et a compris qu’il ne pourra plus être dans les premiers rangs du parti. Il fait en sorte de semer la zizanie. Hafedh Caïd Essebsi veut faire échouer le congrès et nous avons toutes les preuves de ses pratiques et des menaces qu’il a proférées ! ».
On en vient ici au deuxième constat. Rien ne va plus entre les dirigeants de Nidaa. Le transfert des travaux du congrès à Tunis et leur prolongement n’ont fait que compliquer les choses et amplifier les différends et divergences.
Et le parti de BCE se retrouve divisé en deux clans : ceux qui soutiennent le fiston Essebsi et œuvrent à son maintien notamment à la tête du Comité central, certaines rumeurs parlent même qu’ils sont soutenus par Beji Caïd Essebsi lui-même, et le nouveau clan formé par ceux qui ont décidé de lâcher l’ancien directeur exécutif autoproclamé et qui s’investissent pour passer à l’après Hafedh.
Parmi ces derniers on trouve  Soufiène Toubel et Ons Hattab, en position de force au sein du nouveau bureau politique et à fortiori dans la nouvelle direction de Nidaa.
D’ailleurs, l’ancienne porte parole de Nidaa ne mâchera pas ses mots en parlant de la nouvelle situation. « Le principal obstacle qui se posait devant tout le monde a été évincé« . Des termes bien choisis par la nouvelle venue au sein du BP qui affirmera que « les résultats reflètent le nouvel équilibre des forces. Plusieurs membres ont décidé de quitter le navire, mais nous, nous avons préféré lutter de l’intérieur afin de réformer. Maintenant, on peut aller de l’avant dans l’optique du rassemblement et de l’union ».
Ons Hattab tapera encore plus fort en affirmant que Hafedh Caïd Essebsi représentait « une source de blocage« , ajoutant que « les décisions unilatérales n’existent plus »  et que le parti s’est finalement rétabli et que désormais c’est un parti structuré avec des institutions capables de négocier et de rassembler les forces centristes et progressistes.
Ces déclarations avaient laissé comprendre que Caïd Essebsi fils a été lâché par tout le monde, son clan s’étant réduit comme peau de chagrin et le nouvel équilibre au sein des structures du parti est incontestablement en sa défaveur. Selon la nouvelle équipe forte, il doit se contenter du siège de membre du Bureau politique du parti sans pouvoir ni autorité.
Ons Hattab affirmera dans ce sens qu’il n’occupera aucun poste clé au sein de Nidaa. Il faut croire qu’elle est allée vite en besogne, HCE est pour l’heure candidat à la présidence du comité central, et le verdict des urnes devait être connu ce samedi 13 avril.
Un communiqué du parti rendu public vendredi en fait part, précisant que deux candidats sont en course, Essebsi Jr. et Toubel. Ce dernier semble faire confiance aux urnes.
Autre élément à prendre en considération, exit tout le monde, désormais seule Samira Belkadhi , présidente du congrès est habilitée à parler au nom du congrès jusqu’à la fin des travaux.
Avec les nouveaux rebondissements, c’est à une mort lente du parti fondé par Beji Caïd Essebsi que l’on assiste.
Pour le reste, la situation est plus que rocambolesque.

 

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