Nidaa Tounes: Le parti fantôme

 

Après la chute du régime de Ben Ali et la libération de l’espace public, on a vu des dizaines de partis naître et disparaître sans laisser de trace dans la vie politique de l’après révolution. On pourrait les appeler des partis fantômes, tels que les bateaux fantômes qui hantaient la mer du nord, que certains matelots voyaient dans les nuits brumées sans pouvoir les toucher.

Mais dans cette foule de partis fantômes, aucun ne mérite cette appellation comme Nidaa Tounes.
Ce parti Sebsi-centrique a été monté de toutes pièces autour du « charismatique » ex-premier ministre Béji Kaid Essebsi, pour contrer l’ascendance et la domination du parti islamiste Nahdha sur le paysage politique tunisien. Un discours Bourguibiste bien « marketé », était le fer de lance pour les  » modernistes » de gauche soient-ils ou de droite libérable, pour cimenter ce parti mosaïque. D’ailleurs, dès la première épreuve de gouvernement, ces morceaux ont commencé à céder.
Et bien que son discours anti-islamiste lui a garanti la victoire électorale, s’appuyant sur un mot magique (mal expliqué) qui est le vote utile, Nidaa Tounes n’a pas hésité à mettre la main dans la main avec « l’ennemi » Nahdha Tounes. Realpolitik vont dire ses défenseurs.
Une fois arrivé au pouvoir, Nidaa Tounes est devenu entièrement endothermique, il consomme toute sa chaleur en interne sans pouvoir l’exporter à l’extérieur, après son effervescence qui a échauffé le pays durant presque deux ans. On dirait qu’il a perdu toute son alchimie durant la bataille. Les guerres intestinales et fratricides ont achevé ce qu’il restait de son énergie.
Huit mois depuis son ascension au pouvoir, Nidaa Tounes ne se prononce plus sur les grandes affaires qui occupent les Tunisiens, en termes d’institution et de parti bien sûr. Souvent, c’est une personne, un membre du politburo qui commente, s’il y’a commentaire, et souvent avec un retard de phase incompréhensible. Les communiqués émanant du parti sont rares, et concernent généralement la cuisine interne et les guerres au sein du parti, bien que de nombreuses affaires devaient être commentées pour expliquer au citoyens la position du parti au pouvoir. Aucun commentaire n’a été publié par le bureau politique sur la situation en Libye en rapport avec la Tunisie, malgré le danger imminent; la question du pétrole et la campagne où est mon pétrole, n’ont fait que sujets de commentaires individuels par les membres du bureau politique…
Si on ose comparer Nidaa Tounes avec son ennemi-allié Nahdha, on verra deux prestations diamétralement opposées. Nahdha est un parti solide, bien organisé, qui sait garder ses apparences de parti homogène, malgré les crises qui ne manquent d’arriver. Sur le plan communicationnel, Nahdha, en tant que parti, s’exprime et réagit aussi bien sur les affaires internes qu’internationales qui l’intéressent. C’est ce qu’on ne trouve pas chez Nidaa Tounes.
D’ailleurs, les deux partis ne se ressemblent guère au niveau de l’organisation interne. Alors que Nahdha est un parti très organisé, avec des structures très claires et efficaces, Nidaa Tounes souffre d’une fragilité maladive au niveau du squelette. La structure du parti explique, par sa dualité, les guerres fratricides au sein du parti qui ont explosé en plein jour jusqu’à devenir un secret de polichinelles. La bataille entre le clan du château et celui de Sebsi-fils n’est secrète pour personne.
On peut donc parler, dans le cas de Nidaa Tounes, d’un drôle de parti fantôme. Et ce qui est plus drôle encore, est que ce fantôme a réussi a évincer un parti bien solide comme Nahdha.

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