Qui va sauver le soldat Nidaa ?
Il semble que la réponse est difficile à trouver du fait de l’effritement qu’il subit par la faute même de ceux qui ne cessent de prétendre vouloir en souder les rangs.
Le parti de Beji Caïd Essebsi, né d’un beau mouvement salvateur réunissant des parties de divers horizons politiques, dont le seul objectif était de contrer les tentatives obscurantistes et d’empêcher l’islamisation de la scène politique nationale, n’est plus que l’ombre de lui-même sous le regard, en apparence, impuissant de son fondateur appelé à la rescousse à plusieurs moments pour sauver ce qui peut l’être, en vain.
Nidaa Tounes, vainqueur des élections de 2014, premier bloc parlementaire à l’ARP, en charge des affaires du pays, même si à travers une coalition décriée, est aujourd’hui à la dérive.
Le parti se vide de plus en plus de ses cadres et voit sa base se réduire chaque jour un peu plus, et ses dirigeants, dont le directeur exécutif autoproclamé, Hafedh Caïd Essebsi et ses sergents, aveuglés par leur guerre contre l’un des leurs n’en ont cure de cette dérive mortelle.
Les démissions se succèdent, et leur rythme s’est accéléré depuis la décision malheureuse de geler l’adhésion de Youssef Chahed, et le bloc parlementaire se voit déclasser d’un coup en troisième position ne comptant plus qu’une trentaine de députés. Entre-temps, le président de ce bloc, faisant preuve d’impuissance face à l’hémorragie qui frappe son groupe, continue à pérorer pour faire croire à la solidité de ce qui reste
La semaine qui se termine a vu une nouvelle série de démission, appauvrissant davantage le groupe parlementaire de Nidaa pour aller renforcer le nouveau venu, « la Coalition nationale » qui devient la deuxième force de l’ARP, après Ennahdha.
Récapitulation des dernières démissions et leurs raisons.
Après les démissions collectives ayant marqué les coordinations régionales à Sfax et Ben Arous, mardi, la présidente de la commission des tunisiens à l’étranger, Ibtissem Jebabli a annoncé sa démission. Dans une lettre adressée au président du parlement Mohamed Ennaceur la députée explique sa démission par « l’absence de conscience » mais aussi « le manque de cohésion, de communication et le flou qui règne au sein du bloc de Nidaa ».
Le même jour c’est l’élue de la circonscription de Ben Arous, Amira Zoukeri publie un post pour dire que son « respect pour Beji Caïd Essebsi et son respect aux bases de Ben Arous l’empêchent de démissionner » mais d’ajouter « pardonnez-moi si je n’ai plus de patience et si je démissionne« .
Vendredi connaîtra son lot de démissions. D’abord celle de Sana Salhi qui expliquera son acte par la crise que traverse la scène politique. Ismail Ben Mahmoud, Lotfi Ali et Abir Ebdelli avaient fait de même le même jour. Ben Mahmoud dira que sa décision a été mûrement réfléchie dans la mesure où « Nidaa ne représente plus le projet national pouvant rassembler la famille démocrate« . Il est plus que probable qu’il va intégrer la coalition nationale.
Bien avant, dimanche dernier, Cyrine Bencherifa, secrétaire générale du bureau régional de Nidaa Tounes à Sfax 1, a annoncé qu’elle a gelé ses activités au sein du parti. Cyrine Bencherifa a explique cette décision par la confusion qui règne au sein du parti et qui a engendré la paralysie totale des structures nationales et régionales. « Cette confusion est due à un conflit ouvert entre la direction du parti et le gouvernement qui en est issu« , souligne-t-elle.
Qui va sauver le soldat Nidaa ? La question se re-pose.
Il est vrai que tous ceux qui ont quitté le parti ont été poussés à le faire car ne pouvant agir pour changer les choses. Il est vrai aussi que le retour de Ridha Belhaj n’a pas aidé à aller dans le sens de la solution s’étant aligné aveuglément aux thèses du directeur exécutif et allant jusqu’à prendre la main sur lui pour mener le combat contre Youssef Chahed.
En réponse à cela, des dirigeants de Nidaa Tounes vont se réunir incessamment pour discuter de l’éventuelle levée de la décision de gel de l’adhésion du chef du gouvernement, décidée par le comité politique du parti la semaine dernière. Il s’agit de plusieurs membres du bureau exécutif, coordinateurs régionaux et fondateurs du parti qui avaient appelé à la tenue de cette réunion. Il est même question de mettre en place une commission de direction du parti jusqu’à la tenue du prochain congrès à la fin du mois de janvier 2019.
Serait-ce le réveil salvateur ? Serait-ce l’annonce d’une forme de rébellion sur la direction actuelle du parti qui pour la plupart des nidaïstes est à l’origine de tous les problèmes du parti? Serait-ce, enfin, l’acte libérateur ? Un air de fronde règne sur le Lac 1 et un peu partout dans le pays malgré l’arrogance dont fait preuve l’ancien porte parole et actuel président de la commission de l’information de Nidaa qui tire à boulets rouges sur tous les démissionnaires allant jusqu’à dire « que tous ceux qui veulent partir, partent« . Inconscience assassine!.
Et ce n’est pas fini, Ons Hattab, nouvelle porte parole du parti , vient de sonner le tocsin à Kairouan. Elle appelle Hafedh à se retirer de la direction du parti et invite les structures de Nidaa, tous les conseillers municipaux nidaïstes à Kairouan pour une réunion dimanche. Objectif: adopter une une position unifiée de la région.
L’heure est grave pour le parti en qui les tunisiens, du moins une partie, ont cru pour se prémunir du danger rampant qui guettait la modernité du pays.
Hafedh Caïd Essebsi aura-t-il le courage de ne pas laisser disparaître le parti fondé par son père ?
En attendant la descente en enfer du parti, ou ce qui en reste, se poursuit.