Face à des putschistes résolument déterminés, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) est face à un dilemme: mettre sa menace d’intervention au Niger à exécution, ou privilégier la voix diplomatique.
Il y a plus d’une semaine, les plans pour une éventuelle intervention militaire de la Cédéao contre les auteurs du coup d’État au Niger ont été dévoilés à l’issue d’une réunion des hauts responsables de l’organisation à Abuja, au Nigeria.
Lors de cette réunion, tous les détails d’une telle opération ont été minutieusement discutées, notamment les ressources nécessaires ainsi que les modalités et le calendrier du déploiement des forces des Casques Blancs. C’est ce qu’a rapporté Abdel-Fatau Musah, commissaire en charge des Affaires politiques et de la Sécurité au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), lors d’une déclaration à la presse le 4 août dernier.
Les préparatifs de la Cédéao
Celui-ci a également mentionné que les Chefs d’État-major de la défense et leur équipe ont travaillé de manière continue depuis le 2 août, élaborant un plan opérationnel en vue d’une possible intervention militaire au Niger. L’objectif de cette éventuelle opération serait de rétablir l’ordre constitutionnel dans le pays et de garantir la libération du président actuellement pris en otage selon ses soutiens. Cependant, il a été précisé que la Cédéao n’avait pas l’intention de révéler aux putschistes les détails de son plan, notamment le moment et le lieu de l’intervention. Cette décision opérationnelle sera prise par les Chefs d’État membres de l’organisation.
Rappelons qu’à la suite du coup d’État survenu le 26 juillet, la Cédéao avait imposé des sanctions sévères à Niamey et avait accordé un délai de sept jours aux auteurs du putsch pour rétablir le président renversé, Mahamadou Issoufou Bazoum, dans ses fonctions. Faute de quoi, l’usage de la force serait envisagé.
Une intervention qui ne fait pas l’unanimité
Paris estime qu’il faut prendre la menace d’intervention « très au sérieux ». Catherine Colonna, ministre française de l’Europe et des Affaires Étrangères a prévenu samedi, sur Franceinfo, les putschistes nigériens « feraient bien de prendre la menace d’intervention militaire par une force régionale très au sérieux ». Il faut rappeler que le Sénégal et la Côte d’Ivoire se sont dits volontaires pour y participer. Cependant, en ce qui concerne le Sénégal, le Parlement n’a pas voté en faveur d’une telle intervention.
L’Italie, quant à elle, a appelé lundi à prolonger l’ultimatum, afin d’éviter un conflit. Mais pour de nombreux pays, une intervention au Niger est une ligne rouge à ne pas franchir. Le président Algérien, Abdelmadjid Tebboune, a déclaré qu’une éventuelle opération militaire au Niger « constitue une menace directe pour l’Algérie ». « Nous refusons catégoriquement toute intervention militaire », a-t-il ajouté.
Le Tchad, pour sa part, qui est une importante puissance militaire régionale et pays voisin du Niger, a indiqué qu’il ne participerait à aucune intervention. « Le Tchad n’interviendra jamais militairement. Nous avons toujours prôné le dialogue. Le Tchad est un facilitateur », a déclaré, vendredi 4 août, Daoud Yaya Brahim, le ministre des Armées du Tchad, pays qui n’est pas membre de la Cédéao.
Les divergence quand à une probable intervention divise même les pays membres du Cédéao, comme en témoigne la position du Mali et du Burkina Faso qui ont publié un communiqué de presse conjoint, prenant clairement ses distances avec la position de cette entité politique et affirmant même que « toute intervention militaire au Niger serait considérée comme une déclaration de guerre ».
La position de la Tunisie, pour sa part, est claire: elle condamne fermement le coup d’État, et exige le respect de la légitimité au Niger et la libération du président du pays, Mohamed Bazoum, et de toutes les personnes arrêtées.
Le Niger réagit aux menaces de la Cédéao
« Face à la menace d’intervention qui se précise à partir des pays voisins, l’espace aérien nigérien est fermé (…) jusqu’à nouvel ordre », a annoncé, dimanche 6 août 2023, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), qui est actuellement au pouvoir. Cette déclaration est survenue peu de temps avant l’expiration, dimanche à minuit, de l’ultimatum de la Cédéao lancé aux militaires pour rétablir dans ses fonctions le président déchu, Mohamed Bazoum.
Pour les nouveaux maitres du pays l’objectif est clair: ils entendent maintenir leur position avec détermination. Forts du soutien de leurs pairs au Mali et au Burkina Faso, ainsi que d’une partie de la population, ils affichent leur résolution. Dimanche dernier, une impressionnante foule de près de 30 000 personnes s’est rassemblée dans le stade de Niamey, le plus vaste du pays, agitant fièrement les drapeaux du Niger, de la Russie et du Burkina Faso.
Devant cette foule enthousiaste, le général Mohamed Toumba, l’un des dirigeants du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), a vivement critiqué les individus « embusqués dans l’ombre qui s’emploient à fomenter la subversion à l’encontre du développement du Niger ». « Nous demeurons au fait de leur dessein machiavélique », a-t-il affirmé, rassurant ses partisans que leur « engagement et détermination ne seront point trahis ».
Ahmed Zlitni