Nomination de « RCDistes » : Kaïs Saïed tombe dans le piège du populisme et du dénigrement

Le président de la République, Kaïs Saïed, s’est livré, mercredi 23 septembre 2020, à son exercice favori : recadrer ses interlocuteurs ou plutôt s’en prendre à eux, en faisant le choix de diffuser la vidéo de la rencontre sur la page Facebook officielle de la présidence de la République. Hier, comme nous l’avons relaté dans un précédent article, c’était au tour du Chef du gouvernement Hichem Mechichi d’en faire les frais. Kaïs Saïed a très mal vu les dernières nominations que ce dernier a opérées dans son équipe. Comme à son habitude, il ne nommera pas les personnes visées, mais on se doute de qui il s’agit : Taoufik Baccar et Mongi Safra.
Les mots choisis par le président étaient, pour le moins, dures et surprenants : « Qu’ils soient sûrs qu’ils n’échapperont pas à la justice et qu’ils seront sanctionnés tôt ou tard », a-t-il déclaré, entre-autres.
Kaïs Saïed semble, une fois encore, être tombé dans le piège du populisme. Pis encore : il s’est laissé prendre dans le piège des réactionnaires qui se proclament révolutionnaires. C’est cette catégorie qui réunit des acteurs politiques – ou des politicards – comme Seifeddine Makhlouf et sa troupe d’Al Karama. Kaïs Saïed détient-il une preuve impliquant les deux nouveaux conseillers économiques du Chef du gouvernement ?

Atteinte aux compétences et à l’administration tunisienne

Que reproche-t-on à Taoufik Baccar et à Mongi Sarfa ? Ils ont travaillé, comme nous le savons, sous le régime de l’ancien président défunt de la République, Zine Abidine Ben Ali. Faudra-t-il, dans ce cas, considérer toute personne ayant travaillé sous l’ancien régime comme étant corrompue et qui a détourné l’argent du pays ? Il convient de se poser des questions sur ceux qui ont, aujourd’hui, mis la pagaille en Tunisie ! Le président de la République a, de ce fait, commis l’erreur de placer tout le monde dans le même sac. Il ne s’agit pas de défendre le diable, encore moins de défendre les nouveaux conseillers économiques du Chef du gouvernement.
Ces derniers, selon des proches, ont été plus d’une fois exposés aux canons des révolutionnaires après 2011 étant donné qu’ils étaient parmi les rares personnes de l’ancien « régime » à demeurer en Tunisie. Leur compétence, en fait, est indiscutable. Kaïs Saïed, en les traitant de la sorte sans preuve tangible, porte atteinte à l’administration tunisienne et à toutes les compétences qu’elle a formées depuis l’indépendance. Ce n’est pas parce qu’une personne a travaillé sous l’ancien régime qu’elle est nécessairement corrompue ou mauvaise. Cela relèverait du dénigrement gratuit envers ces personnes pour les placer dans le même sacs que les véritables corrompus qui ont pillé la Tunisie avant et après 2011. Notre pays, aujourd’hui, n’a pas besoin de discours sur les conspirations contre l’État : il a besoin de tous ceux parmi ses enfants qui sont prêts à travailler pour lui, qu’ils aient travaillé sous Ben Ali ou non. Il semble que le président de la République ne l’a pas compris, sachant que dans son équipe, il compte certaines personnes qui ont travaillé sous le régime de Ben Ali dans des postes de hautes responsabilités. Va-t-il les renvoyer ? C’est ce genre de raisonnement qui empêche, entre-autres, notre pays d’avancer et qui nous empêche de nous pencher sur les vraies questions. On attend mieux de la part du président de la République.

Fakhri Khlissa

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