Nord-Ouest/Agriculture: Les raisons profondes d’une grogne

Confrontés à des difficultés persistantes et éprouvés par les années de vaches maigres, les agriculteurs ont manifesté, la semaine dernière, pour exprimer leur grogne face au marasme dans lequel le secteur est plongé depuis plusieurs décennies et, surtout, pour décrier leur incapacité à poursuivre leur activité dans tous les secteurs de la production, tant les charges ont augmenté et les rendements ont baissé et   devenus, inévitablement, tributaires des facteurs climatologiques, au demeurant, irréguliers  et  aléatoires. Trois contraintes principales qui menacent le secteur.
Montant au créneau, le président  du syndicat régional des agriculteurs du Kef (SYNAGRI), Abderraouf Chebbi, évoque les menaces qui pèsent sur le secteur et affectent, à la fois, l’homme et la profession. Le secteur est, en effet, de plus en plus menacé, selon lui, de perdre les deux vecteurs  essentiels  de promotion de l’activité agricole, en l’occurrence, le savoir-faire et les terres agricoles. Ces dernières ne cessent de subir les pires agressions, suite au phénomène de morcellement des terres fertiles  qui affecte toutes les régions et représente un véritable coup de grâce pour la poursuite de l’activité agricole.
Le second handicap soulevé par Chebbi porte sur le niveau de financement de l’agriculture par les institutions financières, les banques en premier lieu. Il est jugé faible, ne touchant pas l’essentiel des activités et ne répondant nullement aux aspirations des professionnels. Ces derniers réclament plus d’engagement de l’Etat et des institutions financières pour le financement des campagnes agricoles saisonnières et le développement des secteurs productifs et de l’infrastructure de base, et ce pour moderniser les facteurs de production, comme la mécanisation, l’utilisation des semences  sélectionnées, la fertilisation des terres et leur traitement contre les maladies.
La troisième contrainte à laquelle sont confrontés les professionnels se rattache au manque, de plus en plus manifeste, de la main d’œuvre du fait de l’exode qui affecte le monde rural et qui s’accompagne d’une chute vertigineuse de la rentabilité agricole partout dans le pays.
Ces trois handicaps représentent, aux yeux de tous les professionnels, un frein à l’essor du secteur agricole en Tunisie, même si l’on reconnait que certaines avancées ont été observées dans nombre d’activités ( laitages, produits avicoles, maraîchage et fruit) où la surproduction et l’absence d’une stratégie claire sont venues, à leur tour, déstabiliser, durant certaines saisons, les producteurs qui, égarés et ne pouvant point accéder à des marchés étrangers, se trouvent contraints de brader leur production dans la marché local et de l’écouler à des prix en deçà de leurs attentes.
En jetant un coup d’œil sur les toutes dernières statistiques relatives à la situation de la balance commerciale tunisienne, on remarque qu’au cours du premier trimestre 2015, le taux de couverture des importations par les exportations a atteint 166 pour cent, contre 60,3 pour cent en 2014 et ce grâce à l’évolution des exportations agroalimentaires qui sont passées de 19,2 pour cent en 2014 à 129.3% en 2015

Régler la question de l’endettement
Selon les statistiques officielles du ministère de l’Agriculture, les échanges courants alimentaires ont participé à l’amélioration du taux de couverture des importations par les exportations de la balance commerciale qui a progressé de 4,2 points, soit 70,1% contre 65,9% en 2014, sans tenir compte des produits alimentaires. Les exportations des produits agricoles ont enregistré à la fin de juin 2015 une hausse de 129,3% par rapport à la même période 2014.
Cette évolution est expliquée par la hausse des revenus de l’huile d’olive qui ont atteint 1487,8 MD soit l’équivalent de 214 mille tonnes d’huile (dont près de 11 mille tonnes emballées), contre 27,8 mille tonnes au cours du premier semestre 2014.
La valeur des exportations de dattes a évolué de 25% pour atteindre 302 MD correspondant à un volume de 67,8 mille tonnes.
Les revenus des exportations d’agrumes, des pâtes alimentaires et des fruits ont progressé respectivement de 11,20 et 41%, alors que les exportations des produits alimentaires comme les légumes frais ont régressé (18% en valeur et 31% en quantité). Au cours du premier semestre 2015, la valeur des importations alimentaires a atteint 1970,3 MD soit une hausse de 19,2% par rapport à la même période 2014.
Autant dire alors l’importance qu’occupe le secteur agricole dans la structure de l’économie nationale en ce qu’il constitue un facteur essentiel pour la réalisation de l’autosuffisance alimentaire et un outil de croissance et de stabilité sociale.
Les professionnels appellent ainsi à régler la question de l’endettement excessif dont ils souffrent depuis bien longtemps et qui commence à peser lourd sur la poursuite des activités agricoles sensibles, notamment la céréaliculture et l ‘élevage ainsi que les cultures vivrières.
Pour ce faire, l’on recommande surtout de mettre en place des offices de développement agricole dans  chaque gouvernorat et l’encouragement de la population rurale à s’adonner à l’agriculture, en vue de sa sédentarisation, par l’octroi de microcrédits, l’encadrement des activités et l’assistance technique, outre l’organisation des circuits de distribution et la création de structures chargées d’encourager les agriculteurs à exporter leur production, après sa normalisation et son homologation.

Réalités magazine 1550

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