J’ai averti dans mon livre «Afet wa thakafet» (Fléaux et cultures), paru en mai 1999, que la nouvelle hiérarchisation du monde fait perdre aux petites nations, comme la nôtre, leurs repères habituels et les rend plus vulnérables. Ce constat tient de l’évidence, mais il est toujours utile de le rappeler pour dissiper les rideaux de fumée qui camouflent les problèmes embarrassants.
Je crois fermement que notre avenir, dans cette mondialisation sauvage, repose principalement sur la valorisation de notre culture et que la protection contre les effets indésirables de la nouvelle hiérarchisation passe par une politique culturelle plus efficace. Car ce qui nous protégera à l’avenir, c’est la compétitivité culturelle, pas le repli identitaire. Il faut donc que la culture soit un droit commun à tous. C’est le culturel dans la dynamique économique et sociale, c’est-à-dire une politique culturelle dont la mise en œuvre contribue à la croissance dans tous les domaines. Le fait de mettre à disposition les financements nécessaires à la production culturelle a plus d’une finalité, dont la première et non des moindres est la garantie de la rentabilité économique dans ce secteur vital et la participation à la promotion de ses contenus, ce qui permettra à notre production culturelle de devenir concurrentielle et de concrétiser sa présence efficiente en confirmant son apport à la civilisation universelle et en diffusant les valeurs de notre société avec davantage de focalisation sur la spécificité de notre héritage civilisationnel. La réussite à diffuser notre culture est tributaire de notre aptitude à intégrer le monde de la production culturelle, la création d’industries culturelles diversifiées et l’investissement des capitaux dans ce secteur qui est désormais à la tête des secteurs concurrentiels sur la scène internationale. L’investissement dans le domaine culturel a d’autres aspects qui ne manquent pas d’intérêt comparés à celui que nous venons d’évoquer, car en créant les espaces de production culturelle, la dynamique de diffusion sera activée et on réalisera une démocratisation de la culture à travers la réception de la matière créative par toutes les couches sociales, ce qui leur permettra de développer leurs facultés d’innovation et leur ouvrira les voies pour renforcer les moyens de leur immunité. La démocratisation de la culture et la garantie des opportunités de participation à la vie culturelle pour tous les citoyens sont deux éléments essentiels dans le projet culturel d’un Etat démocratique, moderne et souverain. En libérant des ressources pour l’amélioration de la qualité des projets culturels soutenus et en instaurant une systématisation des évaluations préalables et des mécanismes de contrôle, on arrivera à construire une société qui fabrique moins d’extrémistes et à garantir aux contribuables que leur argent sera utilisé de la meilleure manière. C’est pour cela qu’il est nécessaire d’établir les bases d’un projet civilisationnel harmonieux, qui soit le cadre référentiel d’une culture nationale efficace intégrant à la logique du développement global des secteurs sociaux, environnementaux, technologiques, énergétiques qui ont jusqu’alors été considérés comme latéraux. Ce choix est une intégration de la culture au sein d’une pratique de vie commune qui en fait un appui efficient de la marche réformiste, du développement et de l’établissement des règles de la société civile et l’ancrage des valeurs des droits de l’homme et de l’amélioration de la qualité de vie du citoyen, en concrétisation du contenu de la Constitution.
Notre pays a tout pour réussir dans ce monde qui se transforme rapidement. Un monde où la culture sera dominante, et la Tunisie était, durant plusieurs étapes de sa longue histoire, intensément créative. g