Nouvelle loi sur les structures sportives : Un enjeu crucial et un gros défi

Le 11 octobre 2024, un CMR a été consacré à l'étude du projet de loi visant la réforme des structures sportives

Certains parlent d’un accouchement douloureux, d’autres de l’urgence d’une césarienne pour qualifier l’interminable attente de la promulgation de la nouvelle loi sur les structures sportives. Entre lectures dans le cadre de Conseils ministériels restreints en vue de trouver une mouture finale, et sa discussion puis son vote à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), c’est une longue gestation de bientôt deux ans ou même plus que vit le texte tant attendu. Les 7 chapitres et 211 articles visent à réviser la loi organique n°11 du 6 février 1995 relative aux structures sportives.
« Il s’agit d’un cadre réglementaire pour la formation des structures sportives, déterminant leur activité, leur financement et leur contrôle », annonçait déjà en octobre 2023 Chokri Hamada, alors directeur des affaires juridiques au ministère de la Jeunesse et des sports. Lequel assurait que le projet était prêt à être présenté en Conseil ministériel puis à l’Assemblée des représentants du peuple, espérant sa mise en œuvre à partir de 2024. Or on sait qu’il n’en fut rien.
« Les structures ont été soumises à un ensemble de principes dans la répartition des pouvoirs liés à la bonne gouvernance, la transparence, l’égalité, la neutralité, la continuité, l’efficacité, le contrôle, la lutte contre la violence et la préservation des installations sportives, relève-t-il. Le texte contribuera efficacement à la progression du sport tunisien et de toutes les structures spécifiées par le projet, à savoir le Comité national olympique tunisien, le Comité paralympique, les fédérations et les associations sportives ».
La nouvelle législation se propose d’améliorer la gouvernance des structures sportives et de leur gestion financière et administrative, ainsi que le développement de leurs mécanismes de fonctionnement, d’introduire de nouveaux mécanismes de financement afin de renforcer les ressources financières de ces structures, de moderniser l’organisation et la gestion des clubs sportifs, tout en garantissant la pérennité du service public sportif et, last but not least, de renforcer les systèmes de contrôle interne et externe sur les structures sportives.

Sociétés sportives anonymes et nouveau TAS
Ce qu’on peut retenir pour l’essentiel se résume grosso modo comme suit :
-Mise en place de sociétés sportives anonymes qui seront chargées de soutenir financièrement les associations sportives. Cela permettra aux associations d’investir dans le domaine sportif, mais d’une façon indirecte, via un pourcentage de plus de 30%.
-Renforcement des systèmes de contrôle interne et externe sur les structures sportives. La nouvelle loi permet aux organes de contrôle d’avoir le droit de publier les listes et les rapports financiers et moraux, et leur donnera la possibilité de proposer d’éventuelles sanctions dissuasives, d’autant plus qu’un tribunal indépendant dont tous les membres seront élus sera créé en vertu de ce projet pour régler les litiges.
-Organisation des élections en proposant un maximum de trois mandats, exception faite pour les membres des structures sportives qui sont également membres au sein des Comités exécutifs des instances internationales et qui pourraient atteindre les cinq mandats.
-Création d’un Tribunal d’arbitrage sportif neutre et indépendant qui remplacera le CNAS considéré par certains comme non crédible et partial, les obligeant même à saisir le TAS. Les membres de ce tribunal seront élus et doivent être des experts hautement qualifiés dans le domaine législatif.
-Interdiction des conflits d’intérêts au sein des structures, ainsi que l’interférence entre le politique et le sportif, les candidats ne pouvant se présenter aux élections des comités directeurs qu’après avoir démissionné de leurs postes politiques et parlementaires au moins un an auparavant.
-Accorder au ministre de la Jeunesse et des Sports en tant représentant officiel de l’autorité de tutelle le droit d’imposer des sanctions aux structures sportives qui violeraient le cours normal des lois allant jusqu’au gel de leurs activités.
Il faut souligner que plusieurs volets ont été ajoutés ces derniers mois. Ils se rapportent aux commissions spécialisées telles que la Commission des élections et la Commission des athlètes, et à la création d’entreprises sportives en tant que sociétés indépendantes dont 34% du capital et du pouvoir sont détenus par les structures sportives.
Le ministère de tutelle avait au départ accordé aux fédérations sportives un délai ne dépassant pas les six mois pour apporter les modifications nécessaires à leurs statuts afin qu’elles soient conformes aux exigences de la nouvelle loi sur les structures sportives. Ainsi, le Bureau fédéral élu de la FTF sera normalement appelé à organiser une nouvelle assemblée élective dans un délai de 6 mois à compter de la date de publication de la nouvelle loi sur les structures sportives, conformément aux conditions électorales révisées telles que stipulées dans la loi sur les structures sportives.

Les réserves du CNOT
Au mois d’octobre 2024, lors d’un CMR consacré à la nouvelle loi sur les structures sportives, le Chef du gouvernement Kamel Maddouri avait souligné la nécessité de réorganiser ces structures conformément aux normes internationales et aux principes nationaux, invitant à poursuivre les réformes nécessaires dans les domaines connexes, notamment en matière de législation pour l’organisation de l’éducation physique et des activités sportives, ainsi que pour l’encadrement des jeunes et la lutte contre la violence dans les stades. Maddouri avait également mis l’accent sur l’importance du renforcement du système de protection sociale pour les sportifs indépendamment des structures auxquelles ils appartiennent.
Pour sa part, l’ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, Kamel Deguiche, relevait au mois de mars 2023 que « le projet de loi va remplacer une législation devenue désuète et qui n’est pas adaptée à la conjoncture actuelle, entachée particulièrement de violence dans les stades, truquage des résultats, dissolution successive des bureaux fédéraux et leur remplacement par des bureaux provisoires ».
Deguiche s’est par ailleurs dit confiant quant à l’adoption du nouveau projet, « car il répond aux aspirations de tous les Tunisiens », a-t-il estimé.

Mehrez Boussayène: « Certains articles de ce projet sont en contradiction avec la charte olympique et conduiraient à l’isolement du sport tunisien »

Enfin, certaines réserves avaient été émises dès le mois d’octobre 2023 par le président du Comté national olympique tunisien (CNOT), Mehrez Boussayène, qui a épinglé la manière dont le ministère de la Jeunesse et des Sports avait géré l’élaboration du projet de loi, estimant que le CNOT avait été exclu de la préparation de ce projet de loi et n’a été informé de son contenu que d’une manière non officielle.
« Certains articles de ce projet sont en contradiction avec la charte olympique et conduiraient à l’isolement du sport tunisien car ils sont susceptibles de provoquer une confrontation avec le Comité international olympique et les fédérations internationales », avait-il prévenu.
Tout en espérant que, dans quelques mois, cette attente interminable ne sera plus qu’un lointain et mauvais souvenir, il faut souhaiter que la nouvelle loi sur les structures sportives, laquelle propose un enjeu crucial, puisse apporter quelques clefs pour le rétablissement, l’assainissement, la sauvegarde et la pérennité de l’un des plus grands enjeux de notre société moderne, à savoir le sport.

Tarak Gharbi

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Le 11 octobre 2024, un CMR a été consacré à l’étude du projet de loi visant la réforme des structures sportives

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