Nouvelle réglementation des chèques : Quel sort pour les impayés  ?

La loi 41-2024, promulguée le 2 août 2024 et portant sur la réglementation des chèques en Tunisie, entrera en vigueur le 2 février 2025 et fait que tous les chèques qui ne sont plus conformes aux nouvelles formes perdent leur valeur en tant que chèques. Partant de cela, il est légitime de s’interroger sur le sort des chèques émis avant l’entrée en vigueur de cette loi et comment les banques et les sociétés vont gérer l’affaire.  

Par Khadija Taboubi

 A priori, la question est déjà résolue, surtout après la mise en place par la Banque centrale de Tunisie (BCT) des procédures transitoires permettant d’éviter tout risque de confusion, ainsi que les incidents de non-paiement dus aux chèques sans provision. Le 21 novembre dernier, une nouvelle circulaire relative aux obligations qui incombent aux banques en matière de transactions par chèque a été publiée. Elle recèle d’autre part un aspect réglementaire en définissant les obligations à la charge des banques et de l’Office national des postes (ONP) en matière de gestion des incidents de paiement vis-à-vis du bénéficiaire du chèque et du tireur, ainsi que les modalités et procédures de déclaration des incidents de paiement des chèques à la Banque centrale.

Certificat de non-paiement et attestation de régularisation
La circulaire de la Banque centrale de Tunisie oblige par ailleurs les banques et l’ONP à mettre en place les mesures internes nécessaires pour l’évitement d’émission de chèques sans provision par leurs clients, tenant compte notamment de leur solvabilité et de l’encours de leurs engagements. Elle comporte ainsi les différents modèles de documents à délivrer par les banques et l’ONP au tireur et au bénéficiaire, notamment le certificat de non-paiement et l’attestation de régularisation.
La circulaire prévoit que les formules de chèques actuellement en circulation demeureront valables jusqu’au 2 février 2025. Passé cette date, ces chèques perdront leur valeur en tant que chèques et devront être rejetés par les banques, sans réservation de la provision et sans suivre les procédures relatives aux incidents de paiement.
Ne seront admises après cette date que les nouvelles formules de chèques qui doivent notamment être barrées, comporter un plafond ne dépassant pas 30 000 dinars, une durée de validité qui ne peut être inférieure à 6 mois et un code de réponse rapide (QR code) qui va permettre au bénéficiaire du chèque, via la plateforme électronique des transactions par chèque, de demander la réservation du montant du chèque à son profit, de vérifier l’existence de la provision ou l’existence d’une opposition sur le chèque et de vérifier si le compte sur lequel le chèque est tiré est clôturé ou non.
Pour les personnes ayant émis des chèques sans provision et pour lesquelles un certificat de non-paiement a été établi avant la date de publication de la loi n°2024-41 ou après son entrée en vigueur, les banques ne sont plus tenues de transmettre leurs dossiers au ministère public. Les poursuites pénales pour délit d’émission de chèque sans provision ne peuvent en effet être engagées que sur plainte du bénéficiaire.

Nouvelles normes
A partir de cette date, le chèque ne peut être émis qu’au nom d’une personne précise, supprimant ainsi les chèques au porteur. Il ne sera ainsi endossable uniquement qu’en faveur d’un établissement financier pour son paiement.
Les conditions de délivrance seront aussi modifiées. Pour chaque émission de carnet de chèques, une demande d’information doit être faite auprès de la Banque centrale. A cet effet, les banques devraient mettre en place un ensemble de mesures préventives, en étudiant et évaluant la solvabilité financière du client, la détermination de la capacité du client à honorer ses paiements par chèque et surveiller les transactions et les flux de trésorerie du compte. La valeur totale du chéquier est plafonnée, divisée par le nombre de feuilles, avec une valeur maximale par feuille stipulée en tête (ne dépassant pas 30 000 dinars).
Les nouvelles règles du chèque stipulent aussi que tous les chèques doivent être barrés dès leur délivrance. Les feuilles non barrées doivent faire l’objet d’une demande spécifique. La durée de validité d’un chéquier ne peut être inférieure à 6 mois et chaque chèque doit inclure des informations de vérification électronique, comme un QR code.

Sept jours ouvrables pour approvisionner un compte débiteur
Par rapport aux chèques sans provision, la Banque centrale exige des banques d’informer immédiatement le tireur si le solde d’un chèque est insuffisant. Cette notification se fait via une plateforme numérique qui n’est pas encore disponible en ligne. Le tireur a alors un délai de 7 jours ouvrables pour approvisionner son compte.
Si le tireur ne régularise pas le solde dans les 7 jours qui suivent, la banque doit émettre un certificat de non-paiement. Ce document sera envoyé au tireur via la plateforme électronique de traitement des chèques.
Il est à signaler que la production d’un certificat de non-paiement interdit au tireur d’utiliser ses chèques, sauf pour les retraits directs ou les retraits à provision certifiée. Si la banque ne délivre pas le certificat de non-paiement ou n’envoie pas l’avis au tireur, elle sera responsable du montant du chèque et devra le verser au bénéficiaire.
Pour les entrepreneurs, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME), les chèques sans provision peuvent entraîner des perturbations majeures dans la gestion de leur trésorerie et leurs relations commerciales.

Appel à des mesures complémentaires
Dans une déclaration à Réalités, l’expert en économie et ancien ministre des Finances, Slim Besbes, a indiqué que la nouvelle règlementation des chèques introduite par la loi n°41-2024 du 2 août 2024 opère une refonte totale du système en vigueur depuis des décennies. Cette réforme apporte des changements importants aux pratiques des affaires et vise à renforcer la sécurité et la fiabilité des transactions par chèque, tout en responsabilisant les banques et les impliquant davantage dans la gouvernance du système. Mais elle vise également à régulariser la situation des personnes condamnées ou poursuivies pour émission de chèque sans provision.
Il a fait par ailleurs remarquer que jusqu’à ce jour, la pratique courante utilise les chèques non seulement comme moyens de paiement, mais aussi de manière assez massive comme moyens de crédit et surtout, comme moyens de garanties. « Ce sont ces derniers avatars qui sont désormais formellement réprimés par la nouvelle réglementation », a-t-il dit. En effet, le nouvel encadrement des chèques, dans le temps et dans le montant, d’une part, et la responsabilisation du bénéficiaire des chèques devrait engendrer la fin des chèques de garantie et de crédit. Toutefois, il est impératif, selon ses dires, de promouvoir d’autres moyens alternatifs afin de combler ce vide, à l’instar de la promotion des cartes de crédits et la réhabilitation des effets de commerce.
Slim Besbes a en outre indiqué que les chèques, selon les formules conformes à l’ancienne réglementation, demeurent en application jusqu’au 2 février 2025. A partir de cette date, ces chèques ne seront plus valables et ne seront admises en transaction que les formes de chèques qui respectent les conditions strictes prévues par la nouvelle réglementation. Dès lors, les entreprises et les particuliers doivent impérativement liquider les chèques qu’ils détiennent en coffre. Comptablement, ces chèques, quels que soient leurs montants, n’auront plus aucune valeur, et à défaut de remplacement par d’autres moyens de paiement, ils doivent être provisionnés.
L’expert en économie n’a pas toutefois manqué de signaler qu’il y aura nécessairement des points à améliorer dans cette nouvelle réglementation et dont la mise en pratique prochaine révèlera nécessairement les lacunes et les insuffisances. Le principal défi qui affronte l’application de la nouvelle réforme est la capacité d’implémenter les changements introduits par la nouvelle réglementation, eu égard à la brièveté de la phase transitoire fixée à six mois. Par ailleurs, cette réforme pourrait avoir un impact négatif sur la pratique des affaires, si elle n’était pas accompagnée par d’autres mesures complémentaires.

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