Alors qu’ils observent une avancée remarquable de part le monde entier, les Systèmes informatiques embarqués sont d’un usage timide en Tunisie et n’occupent qu’une part infime dans la pédagogie de l’enseignement universitaire spécialisé. Inquiétant pour l’avenir de l’université et de la recherche dans le pays ! Enquête sur le sujet.
L’enseignement de l’informatique est-il en retard pédagogique à l’université tunisienne au regard des défaillances que certaines institutions universitaires accusent en matière d’enseignement des nouveaux systèmes informatiques embarqués, qui, depuis quelques années, ne cessent de révolutionner le monde de l’informatique ? la question mérite d’être posée dans la mesure où plusieurs enseignants chercheurs tunisiens commencent à tirer la sonnette d’alarme appelant les autorités compétentes à prendre les mesures qui s’imposent afin de rattraper le temps perdu, face à des concurrents qui ont pris de l’avance dans ce domaine.
Ce retard est même perçu comme contraignant pour la bonne formation des techniciens et autres ingénieurs en informatique, en comparaison avec la formation prodiguée à leurs homologues dans d’autres pays comme la Turquie, l’Inde, le Pakistan, l’Iran et même l’Egypte, pouvant devenir un véritable frein au développement des activités à fort contenu technologique.
Au fait, que sont les systèmes embarqués et en quoi consiste la partie innovante qu’ils englobent et dans quelles applications interviennent-elles ?
Pour Fateh Béjaoui, enseignant d’informatique à l’institut supérieur d’études technologiques de Rades (ISET), les systèmes embarqués sont, en terme très simples, des applications autonomes dont la partie soft est intégrée dans la partie hard et que l’on retrouve, à titre d’exemple, dans les smartphones, les applications sur androïd (IOS, Windows CE, les scanners à usage médical ou autre). Il s’agit en termes techniques « de systèmes autonomes ne possédant pas des entrées/sorties standards tels qu’un clavier ou un écran d’ordinateur. Contrairement à un PC, l’interface IHM (Interface Homme machine) d’un système embarqué peut être aussi simple qu’une diode électroluminescente LED ( Light Emitter Diode) qui clignote ou aussi complexe qu’un système de vision de nuit en temps réel ». Un système embarqué est donc, de l’avis des spécialistes un système complexe qui, selon M. Béjaoui, intègre du logiciel et du matériel conçus ensemble afin de fournir des fonctionnalités données. Il contient généralement un ou plusieurs microprocesseurs destinés à exécuter un ensemble de programmes définis lors de la conception et stockés dans des mémoires. Le système matériel et l’application (logiciel) sont intimement liés et immergés dans le matériel et ne sont pas aussi facilement discernables comme dans un environnement de travail classique de type ordinateur de bureau PC ( Personal Computer) « autrement dit des systèmes informatiques performants avec des cartes à base de miro-contrôleur ou ce que l’on appelle en anglais « digital signal processing (DGS qui vont révolutionner le monde de l’informatique et mettre fin à l’hégémonie du micro-ordinateur traditionnel, un outil dédié dans l’avenir à la casse, selon notre interlocuteur ».
Des changements à opérer
Depuis deux ans, certaines institutions d’enseignement supérieur ont engagé une nouvelle politique de mise à niveau de la formation de leurs étudiants, à l’image des ISET, en intégrant, à titre d’exemple, l’enseignement des nouvelles technologies intervenues dans le monde de l’informatique et ce, de manière à rattraper, un tant soit peu, les retards accusés dans le domaine et qui risquent, dans l’avenir, de mettre en péril l’économie de l’intelligence dans le pays si des changements profonds ne sont pas opérés au niveau pédagogique ( contenu de la formation) et politique ( financement de l’enseignement supérieur).
Pour ce faire, on estime nécessaire la généralisation de ce type d’enseignement dans les écoles d’ingénieurs, mais aussi l’augmentation du nombre des technopôles pour permettre le recrutement des compétences scientifiques et le développement des activités liées à la création de nouveaux logiciels.
Cela est d’autant plus impérieux, considèrent certains spécialistes, que les investissements requis pour l’emploi de ce type de compétences scientifiques sont jugés peu coûteux, ne nécessitant nullement, selon un ancien ingénieur des mines, des investissements colossaux, en comparaison avec d’autres secteurs, mais qui peuvent générer pour le pays des ressources en devise indéniables.
Certaines entreprises tunisiennes (SYNAPSIS, PEUGEOT, RENAULT…etc.) ont réussi à se mettre en évidence et à être au diapason de la recherche et de l’innovation technologique, comme l’explique M. Béjaoui, en intégrant dans leurs activités des applications informatiques autonomes performantes, sur la base des systèmes embarqués.
De son côté, Tarek Kouki, chef de département d’informatique à l’ISET de Radès déplore le manque de personnel et appelle à une mise à niveau des équipements pédagogiques pour mettre, dit-il, les étudiants à l’aise et répondre favorablement aux demandes de formation, sans cesse croissante, émanant des étudiants, surtout en cycle de master. Et de rajouter que certains étudiants lauréats ont même été sollicités pour des études en master en France ou pour y achever une troisième année de licence, à l’image d’une étudiante qui a poursuivi sa troisième année de licence en France dans le cadre du projet Allyssa avant d’entamer son master dans le domaine de l’informatique embarquée.
Pour Abdelkader Mliki, ingénieur général en traitement des signaux et ancien universitaire, l’enseignement de la micro-informatique et la mise en valeur des nouvelles technologies informatiques doit représenter, aujourd’hui, une priorité, en ce que les systèmes embarqués ont entièrement révolutionné la sphère informatique dans le monde grâce aux nouvelles applications rapides et performantes utilisées dans tous les domaines, notamment dans le domaine industriel. Cela commande d’agir avec célérité afin de faire progresser l’enseignement de la micro-informatique à l’université tunisienne et à introduire les nouvelles innovations informatiques dans ses dimensions les plus étendues, et ce, par le biais d’une formation de pointe généralisée intégrant constamment toutes les innovations technologiques et numériques, car il y va, à ses yeux, de l’avenir de l’université et de l’économie du pays.