C’est un rappel historique pour la mémoire nationale de cette campagne militaire qui a pris sa place dans les annales de la seconde guerre mondiale. Car en effet, la campagne de Tunisie (8 novembre 1942-7mai 1943) était venue après deux fameuses batailles : Pearl Harbor, et Stalingrad et son sol a été ravagé par les opérations militaires aériennes, terrestres et navales. Un bilan tristement lourd (plus de 90.000 morts dans les camps de l’Axe et des Alliés), sans parler des pertes matérielles. Les cimetières militaires jonchent le territoire tunisien, mais aussi tout un patrimoine aussi bien matériel qu’immatériel existe et qu’il faudra par une volonté politique mettre en valeur. Ne parle-t-on pas toujours de patrimoine et du tourisme culturel : en voilà un bel exemple !
Remettre la pendule à l’heure :La campagne de Tunisie dans l’interférence des intérêts stratégiques de l’époque
Pendant 6 mois, la Tunisie a subi l’une des plus importantes campagnes militaires de la seconde guerre mondiale. Bien au-delà de simples opérations militaires, le débarquement allié anglo-américain et gaulliste du 8 novembre 1942 sur les côtes nord-africaines, avait accéléré et mis en évidence les visées aussi bien colonialistes que prétendues libératrices des différents camps rivaux : l’Allemagne et l’Italie d’une part, La France de Charles de Gaulle (FFL), la Grande Bretagne et les Etats-Unis de l’autre. Dans ce nouvel ordre et la tournure que la guerre avait prise en s’étalant sur l’Afrique du Nord en partant d’Egypte et la fin de la bataille d’El Alamein, le 24 octobre 1942, la poussée militaire de la VIIIe armée de Montgomery allait toucher le sol tunisien par le sud sur l’une des plus grandes lignes de front : La ligne Mareth. Cette bataille dura quasiment un mois (6 mars-6 avril 1943). La guerre s’installe désormais sur le sol tunisien, dernier carré défendable pour les forces germano-italiennes avant d’atteindre la péninsule italienne.
Le débarquement anglo-franco-américain a été décidé en se pliant à la vision de Winston Churchill, premier ministre britannique, d’attaquer l’ennemi par le « ventre mou » (dite stratégie de la périphérie), contrairement au débarquement allié de Dieppe en août 1942 sanctionné d’un cuisant échec (attaque frontale). Promettant une armada de 500.000 soldats, l’opération baptisée « Torch » et qui est le débarquement allié en Afrique du Nord, n’était en fait qu’une opération limitée, elle ne donna finalement que 250.000 soldats sur le sol tunisien. Des batailles aériennes, navales et terrestres furent engagées sur plusieurs fronts.
Le vécu de la guerre et ses conséquences
Les autorités militaires allemandes qui étaient devenues depuis le 8 novembre 1942, les véritables maîtres de la Tunisie, prirent les affaires au sérieux. Pendant toute la période de l’occupation, elles ont essayé de créer un certain équilibre entre les visées annexionnistes de l’Italie, les tentations préservatrices de la France et la volonté émancipatrice des populations musulmanes. Cette conjoncture lourde d’aléas subissait le contrecoup des opérations militaires : combats, bombardement, propagande par voie de tracts largués en grand nombre par l’aviation alliée et restrictions diverses. La propagande radio avait aussi eu son apogée Radio Bari, Radio Berlin, la BBC diffusaient des programmes en langue arabe et cherchaient par tous les moyens à acquérir les populations musulmanes à leurs causes.
La Tunisie pendant cette campagne militaire
L’ère d’une grande liberté vit le jour avec la libération des détenus politiques en Tunisie et des chefs du Destour à Tretsxe « Trets ». Le Néo-Destour avait repris ses activités au grand jour et dans les colonnes de son organe de presse, « Ifriqya el-Fatat ». Habib Thameur, germanophile modéré, mais convaincu, ne cessait de réclamer l’élargissement de Bourguiba et de ses compagnons.
Les préoccupations des populations allaient vers la survie, car la situation économique, l’approvisionnement étaient des plus précaires : le typhus fit son apparition à une large échelle. La fin de la campagne s’annonçait déjà après la bataille de Mareth (26 mars-6 avril 1943). Après le fameux discours de Bourguiba à Radio Bari le 6 avril 1943, le 8 avril Bourguiba rentrait enfin en Tunisie.
La fin de la bataille de Mareth le 6 avril 1943, laissait présager la défaite imminente des forces de l’Axe sur le sol tunisien. Le 10 avril Sfax chuta, puis Sousse le 12 et une grande bataille s’est livrée entre les monts Zaghouan et Enfidaville. Les nombreux cimetières qui jonchent le territoire tunisien témoignent de la férocité des combats dans chaque partie de la Tunisie.
La fin de la Campagne et les règlements de comptes
En dépit de sa brièveté, la campagne de Tunisie (8 novembre 1942-13 mai 1943) fut féconde en événements. Elle avait redonné vie à toutes les tensions d’antan, à toutes les oppositions entre les diverses composantes de la population de la Régence, entre les détenteurs de l’autorité et les nationalistes tunisiens. Contraints à la passivité, le Résident, et derrière lui le gouvernement de Vichy, avaient laissé libre passage aux troupes germano-italiennes. La Tunisie se trouva dès lors dans une conjoncture très délicate, en proie aux spéculations et aux affrontements des divers protagonistes. Dès le 9 décembre, les chefs militaires allemands, sous l’égide du diplomate Rahn, se conduisirent en véritables maîtres du pays. Dans un tel contexte, la gestion des affaires tunisiennes était des plus délicates : il fallait contrer les visées annexionnistes de l’Italie, calmer le nationalisme intransigeant et tapageur du Néo-Destour, et faire face à la passivité d’Esteva qui, au prix de divers atermoiements, évita toute collaboration déclarée avec les forces de l’Axe.
Les Tunisiens étaient vivement sollicités à s’engager aux côtés des armées de l’Axe : ils inspiraient plus confiance que les Français. La récente défection du général Barré, passé à Alger avec la majeure partie de ses troupes, ne plaidait pas en faveur de ces derniers. En encourageant le volontariat parmi les musulmans, les autorités militaires allemandes parvinrent à mettre sur pied des unités combattantes arabes, dont deux bataillons tunisiens. Ce n’était à vrai dire qu’un embryon de formation militaire mais il symbolisait la volonté des Tunisiens de participer à l’effort de guerre allemand.
A la date du 7 au 13 mai, la confusion dominait, la retraite des forces de l’Axe du territoire tunisien se confirmait, l’heure était au règlement de comptes. Dans le climat d’intimidation et la peur qui régnait, le premier acte politique majeur du Comité Français de Libération Nationale (C.F.L.N.) fut la déposition de Moncef Bey, accusé d’avoir formé un gouvernement sans l’approbation du Résident général et qui lui coûta cher et valut sa déportation en Algérie à Laghouat puis à Tenes (littoral) puis à Pau en France. Six mois intenses, lourds d’événements et d’attitudes passionnées qui reflètent fort bien le climat politique et imaginaire qui mettait en valeur les protagonistes devant un peuple désarmé qui voyait son sort lié à l’issue d’une guerre sans merci. Une nouvelle ère allait s’ouvrir qui se caractériserait par une radicalisation encore plus violente du conflit entre les autorités du protectorat et la population tunisienne que les militants politiques de tous bords tenteront de canaliser dans une lutte politique dominée par le « Moncéfisme » qui donna au nationalisme une vigueur sans précédent.
Cet épisode survint dans un contexte de confusion générale. Les canons venaient à peine de se taire que débuta, comme toujours en pareil cas, l’ère des règlements de comptes. Moncef Bey en fut la première victime. Il fut destitué après que des officiers britanniques lui eussent infligé quelques humiliations. Alliés et Forces françaises libres se lancèrent dans une véritable chasse à l’Arabe, reprochant aux Tunisiens d’avoir prêté assistance aux Allemands, de s’être rendus coupables de délations et d’actes de pillage, et enfin d’avoir bafoué l’autorité française.
Que peut-on retenir de la campagne de Tunisie ?
Dans nos manuels scolaires et même dans nos universités, on a rarement recours à enseigner l’histoire militaire, pourtant dans les deux conflits la Tunisie était très active, et la mémoire collective nationale ne garde que peu de traces de ces conflits. Avec la guerre que mène le pays aujourd’hui contre le terrorisme, il serait bon de rappeler que la Tunisie fut comme l’intitulait le général Dallier une terre d’affrontement.
C’est à travers ce patrimoine militaire immense que la Tunisie peut aujourd’hui prétende à être une destination de choix en valorisant ce patrimoine militaire. On a beau parler de culture, de tourisme culturel, il existe un flux limité certes qui vient de tous les pays ayant participé à cette guerre pour commémorer la mémoire de leurs ancêtres morts sur notre sol : qu’avons-nous fait pour valoriser cet héritage ?
Franchement rien, et il suffit de peu pour que l’on sorte un peu du cloisonnement entre tourisme balnéaire et temporaire et voir beaucoup plus grand et nous occuper de la valorisation de tout notre patrimoine matériel et immatériel. Culture, histoire, patrimoine, loisirs et tourisme sont des éléments complémentaires qui peuvent donner un grand plus vers un nouveau choix d’un tourisme de qualité et qui dure à longueur d’année. Aussi faut-il revoir toute notre stratégie pour la valorisation de notre héritage culturel afin qu’il devienne quasiment un emblème national vers un tourisme qui perdurera et engagera notamment toutes les régions surtout défavorisées à œuvrer dans cette mise en valeur qui ne fera que profiter à tout le monde.
Le tourisme culturel n’est pas folklore, c’est une des forces de la Tunisie mais malheureusement on en est encore sous la coupe de l’immédiateté et jamais sur le moyen et le long termes. Nos hôteliers devraient visiter le cimetière américain de Sidi Bou Saïd et pour la valeur symbolique et culturelle visiter le mémorial de Caen qui rappelle le débarquement du 6 juin 1944 en Normandie.
Faut-il voir grand et avoir une véritable vision du futur afin d’œuvrer dès à présent à donner une véritable valeur à notre patrimoine quel qu’il soit et le repenser en produit culturel certes mais touristique aussi.
Chronologie de la campagne de Tunisie. (8 novembre 1942-13 mai 1943.)
9/XI 1942 : Débarquement des forces de l’Axe à Tunisxe « Tunis » et Bizertexe « Bizerte ».
17-18/XI 1942: Occupation de Ben Gardanexe « Ben Gardane », Médenine et Gabès. Herlinghausen ancien commandant de l’Afrika Korps xe « Afrika Korps »en Libye cède la place au général Nehring.
18 /XI 1942 : Attaque allemande sur Medjez el Bab qui échoue.
18-19/XI 1942: Le maréchal Kesserling transmet un ultimatum au général Barré. Ce dernier disposait au total de 13.000 hommes dont 3000 sont restés bloqués à Bizertexe « Bizerte » et seront désarmés.
22-28/XI 1942: Marche anglo-américaine sur Tunisxe « Tunis » qui échoue.
I 1943 : Répit et prise de position des forces alliées.
30/I-2/II : Prise de Faïd par les troupes de l’Axe.
3-4/II : Prise de Meknassyxe « Meknassy » par l’Axe
II : Jonction des forces germano-italiennes venant de Libye avec celles de Tunisie et la réorganisation du commandement.
15/II : Un groupe d’Armée est ainsi constitué sous les ordres de Rommel xe « Rommel »(qui quitta la Tunisie le 8 mars)puis sous ceux de Von Arnim réunissant la 1e et la Ve Armée, l’ensemble est dirigé par le Commando Supremo depuis Romexe « Rome » ; Hitler et Mussolini dirigent eux-mêmes les opérations.
18-27/I : Trouée de Oueslatia xe « Oueslatia »menée par Von Arnim et la Ve : les Français perdent 2500 hommes.
18/II : Remaniement complet du côté allié. L’ensemble est toujours sous les ordres d’Eisenhower depuis Alger. Création par le général Alexander du VIIIe G.A. qui regroupe la VIIIe armée de Montgomery et la Ière armée d’Anderson. Cette dernière est elle-même interalliée avec le Ve C.A. britannique (Alfrey) et le XIX C.A. français
6/III : Rommel xe « Rommel »subit un échec à Thalaxe « Thala »(ce fut sa dernière action en Afrique).
6/III-6 IV : Bataille de Marethxe « Mareth ».
9/III : Messe prend la relève sur Rommel xe « Rommel »à la Ière armée.
20/III : Echec de la VIIIème armée dune offensive frontale : débordement à l’Ouest à Oued Akarit, Matmata des forces néo-zélandaises et françaises avancent sur Hamma.
26/III : Messe est obligé de consacrer toutes ses blindés à El Hamma.
27/III : Messe abandonne la ligne Marethxe « Mareth ».
29/III : Occupation par les Alliés de Oued Akarit.
13/IV : Messe aidé par Von Arnim réussit à s’échapper de la menace du IIè C.A. U.S à la hauteur de Meknassyxe « Meknassy » puis par les français à la hauteur de Kairouanxe « Kairouan », il réussit à gagner les montagnes du Nord du Sahel, entre Enfidaville et Zaghouanxe « Zaghouan ».
13/IV : Attaque de Takrounaxe « Takrouna » par la VIIIe échoue après la résistance italienne.
10/IV : Chute de Sfax xe « Sfax »aux mains alliées.
12/IV : Chute de Soussexe « Sousse ».
12/IV : Avance alliée sur Enfidaville.
5-12/V : Offensive britannique et américaine sur Tunisxe « Tunis ».
11/V : Percée de Zaghouanxe « Zaghouan ».
13/V : Réédition des forces de l’Axe.