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Fin décembre, une étude du Centers for Disease Controle and Prévention (CDC, Etats-Unis) suggérait que la période d’incubation d’Omicron serait plus courte que celle des autres variants. Avec la souche originelle du Sars-CoV-2, les hôtes développaient généralement des symptômes six à sept jours après l’infection en moyenne, voire jusqu’à quatorze jours plus exceptionnellement. Le temps d’apparition des symptômes avait déjà baissé avec Delta et se situait plutôt autour de quatre ou cinq jours. Avec Omicron, l’apparition des symptômes se situerait désormais en moyenne deux à trois jours après l’infection, indique le CDC. Si la cause n’est pas clairement établie, deux hypothèses peuvent l’expliquer : soit il s’agit d’une propriété intrinsèque d’Omicron – parce qu’il est capable d’attaquer plus rapidement nos cellules -, soit le système immunitaire des personnes déjà vaccinées ou infectées réagit plus rapidement à l’infection et engendrerait donc des symptômes plus tôt qu’avant.
Le 5 janvier dernier, une étude japonaise s’est cette fois intéressée à la charge virale des personnes infectées par Omicron. Selon ces travaux, le pic de la charge virale – soit la période où l’hôte est en principe le plus contagieux – intervient en moyenne entre trois à six jours après l’apparition des symptômes. Avec Delta, le pic se situait plutôt entre deux jours avant et deux jours après l’apparition des symptômes. Si ces travaux préliminaires doivent être confirmés par d’autres études, ils poussent à s’interroger sur la règle d’isolement des personnes positives, mais aussi sur les règles liées au moment opportun de pratiquer des tests antigéniques et autotests pour les cas contacts.
*Que dit l’étude japonaise ?
Les chercheurs ont étudié 21 patients infectés par Omicron : 19 étaient vaccinés, deux ne l’étaient pas, 17 étaient asymptomatiques et quatre symptomatiques. Les conclusions indiquent que la charge virale des personnes symptomatiques, contrôlée grâce à des tests PCR, est particulièrement forte un à neuf jours après l’apparition des symptômes. Le pic se situe entre trois et six jours. Ce n’est qu’à partir du dixième jour que la charge virale diminue significativement.
Afin d’affiner leurs résultats, les chercheurs ont également cultivé les différents échantillons en laboratoire. En effet, des tests PCR peuvent se révéler positifs alors que les prélèvements ne contiennent que des fragments morts du virus. Leurs résultats ont confirmé les valeurs des tests PCR : le virus était non seulement présent, mais également vivant jusqu’à neuf jours après l’apparition des symptômes. En d’autres termes, certains patients étaient toujours contagieux neuf jours après l’apparition des symptômes.
Ces résultats confirment notamment les analyses de l’épidémiologiste et professeur à l’université de Harvard Michael Mina, qui estime que les personnes infectées par Omicron ont des symptômes plus rapidement qu’avant, mais aussi que le pic de contagiosité d’Omicron survient après les symptômes, contrairement à ce qui était observé avec Delta, Alpha et la souche historique. Les travaux japonais confirment également une étude taïwanaise menée par le Central Epidemic Command Center, l’équivalent taïwanais du CDC américain. Dans ces travaux, les chercheurs ont suivi 23 personnes infectées par Omicron. Ils ont évalué la charge virale des patients à partir du jour où ils ont développé des symptômes ou à partir du jour où ils ont été testés positifs pour la première fois, ce qui peut expliquer certaines différences avec les résultats de l’étude japonaise. Quoi qu’il en soit, les auteurs indiquent que tous les patients avaient encore une charge virale élevée – et étaient donc probablement toujours contagieux – huit jours après leur infection ou l’apparition de leurs symptômes. 26 % d’entre eux avaient toujours une haute charge virale entre à J+9 et J+12.
*Quelles sont ses limites ?
« L’étude japonaise est sérieuse, note Mahmoud Zureik, professeur d’épidémiologie et de santé publique à l’université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et cofondateur du Collectif Du Côté de la Science. Mais il faut souligner qu’elle se base sur un nombre réduit de participants, les résultats doivent donc être confirmés par des travaux de plus grande ampleur. » L’étude japonaise comporte également quelques imprécisions, puisque les chercheurs n’indiquent pas la nature des symptômes qu’ils ont pris en compte pour fixer le « temps zéro », ni leur durée. Or les symptômes d’Omicron sont différents de ceux des autres variants. La perte de l’odorat et du goût est beaucoup moins signalée, alors que les problèmes gastriques, l’écoulement nasal, la toux, les maux de gorge et de tête, les sueurs, la fatigue et les douleurs musculaires semblent fréquents. L’étude n’indique pas non plus si le pic de la charge virale se situe au troisième, quatrième, cinquième ou sixième jour.
« Il faut également souligner que les chercheurs japonais étudient la charge virale, mais il ne faut pas forcément en tirer des conclusions sur la contagiosité, ajoute Mahmoud Zureik. Ils indiquent que le pic intervient entre trois à six jours après les symptômes, ce qui ne signifie pas nécessairement que la personne n’est pas contagieuse avant ces trois jours, d’autant que l’on sait qu’Omicron s’accroche rapidement et facilement à nos cellules. D’ailleurs, ils précisent que la charge virale baisse après six jours, mais qu’elle reste importante à J+7, J+8 et J+9. Ce n’est qu’après dix jours que le virus diminue significativement. »
*Qu’est-ce que cela change quant aux protocoles actuels ?
En prenant en compte les travaux du CDC et les études japonaise et taïwanaise, il apparaît que la période où la charge virale des personnes contaminées par Omicron atteint un pic – et donc la période où elles sont les plus contagieuses – se situe entre cinq et neuf jours après l’infection. Selon le CDC, l’apparition des symptômes se situe en moyenne deux à trois jours après celle-ci ; et selon l’étude japonaise, le pic de la charge virale se situe entre trois et six jours après l’apparition des symptômes. Certaines personnes peuvent également présenter une charge virale élevée dès le lendemain de l’apparition des symptômes, d’autres peuvent être contagieuses jusqu’à J+9. En conclusion, une personne infectée par Omicron pourrait donc être contagieuse entre trois et douze jours après l’infection.
En se basant sur ces résultats, les nouvelles règles d’isolement en France sont-elles adaptées ? Selon les autorités, les personnes positives et non vaccinées doivent s’isoler dix jours et seulement sept si elles obtiennent un test RT-PCR négatif. Cette période apparaît adaptée, même si elle pourrait être allongée de deux jours. Pour les personnes vaccinées et positives, le temps d’isolement est fixé à sept jours, voire seulement cinq avec un test RT-PCR négatif. Si des études préliminaires semblent indiquer que les personnes vaccinées et néanmoins infectées sont contagieuses moins longtemps, l’isolement pourrait être néanmoins prolongé de quelques jours. « D’ailleurs, 95 % des RT-PCR effectués cinq jours après une contamination sont encore positifs, remarque le Pr. Zureik. Les autorités assument clairement cette durée d’isolement de sept ou dix jours pour des raisons sanitaires ET économiques. Mais si l’on prend le risque de laisser des personnes potentiellement contagieuses sortir, il faut impérativement leur rappeler l’importance de respecter et de renforcer les gestes barrière les jours qui suivent. »
Le protocole pour les cas contact non vaccinés, qui doivent s’isoler sept jours puis obtenir un test RT-PCR négatif avant de sortir, semble également adapté. Mais les personnes cas contact et vaccinées, elles, ne sont pas obligées de s’isoler. Elles doivent simplement pratiquer un test antigénique ou RT-PCR dès qu’elles apprennent qu’elles sont cas contact (J+0), puis un autotest à J+2 et J+4. Or, selon les études américaine, japonaise et taïwanaise, les cas contact devraient plutôt effectuer un autotest entre cinq et neuf jours après le dernier contact à risque. Le résultat de ces études pourrait d’ailleurs expliquer pourquoi tant de personnes obtiennent un résultat d’autotest négatif à J+4 et deviennent positives quelques jours plus tard, même si la potentielle défaillance des tests antigéniques et surtout des autotests à détecter Omicron pourrait être en jeu.
(L’Express)