On approche de la dernière étape…

Lundi 1er décembre : le week-end s’est plutôt bien passé, sans manifestations anti-BCE dans le Sud, probablement à la suite des appels au calme lancés par Rached Ghannouchi et par l’affirmation de si El Béji de son souhait d’éviter toute cassure entre le sud et le nord du pays. Ce souhait, a été répété avec force hier soir sur Nesma TV, avec le rappel que le bourguibisme a toujours lutté contre toute forme de régionalisme et de tribalisme qui ne peuvent mener qu’à la destruction de l’unité nationale.

Avec la convocation par Mustapha Ben Jaafar des nouveaux élus pour l’installation, demain mardi 2 décembre, de l’Assemblée des représentants du Peuple, la journée d’aujourd’hui s’annonçait comme décisive pour les dernières mises au point quant au positionnement des différents courants politiques. C’est ainsi que Mustapha Ben Jaafar a déclaré que son parti ne soutiendra pas Béji Caïd Essebsi au second tour. On s’en doutait, vu son alignement sur ses compères de la Troïka. Mais BCE aura certainement d’autres solutions pour se passer de ces 22.000 voix — et encore, car peut-être bien que certaines figures bien connus d’Ettakattol ne suivront pas leur président dans ce “lâchage”. L’UPL, dont le président, Slim Riahi, a été “invité” par Rached Ghannouchi, se prononcera demain, mais il semble plutôt pencher vers Nidâa. Le Front populaire est encore hésitant, vu les divers courants qui le composent ; mais BCE, qui a rendu ce matin visite à Hamma Hammami, a répété qu’il ne voulait à aucun prix que le problème de l’appui du Front à Nidâa soit une pomme de discorde en son sein, déclarant à ce sujet : “Garder l’unité du Front pour préserver l’équilibre du pays est plus important que l’appui à Nidaa Tounes”. En fin de journée, on apprend que le tribunal administratif a rejeté les huit recours présentés par Marzouki. Peut-être pourra-t-on avancer au 14 ou au 21 décembre le second tour de l’élection présidentielle.

 

Mercredi 3 : la journée d’hier dont on se faisait une fête, laisse un goût d’inachevé. En effet, on attendait tous l’élection du président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et de ses vice-présidents, mais elle a été reportée à demain. Pas de reproches à faire : cela a été une “journée de rodage” pour tous ou presque, à part le discours d’ouverture de Mustapha Ben Jaâfar, le président sortant. Appel des noms des députés avec un nombre incalculable d’erreurs, élection laborieuse du président de séance et de ses assesseurs, prononcé du serment des élus, départ des invités — Quartet, ministère Jomâa, anciens ministres et Premiers ministres, hauts cadres de l’Armée… l’absence de Moncef Marzouki a été très remarquée et critiquée dans les couloirs, peut-être préparait-il les recours en appel après le refus du Tribunal administratif de rejeter ses huit recours, ce qui d’ailleurs, selon Nabil Baffoun, ne suffira pas pour retarder le second tour de l’élection présidentielle.

La séance inaugurale de l’ARP a donc été présidée par Ali ben Salem, 83 ans, un militant chevronné des Droits de l’Homme qui a été malmené, emprisonné, condamné deux fois à mort, tant sous le Protectorat que sous les régimes de Bourguiba et de Ben Ali. L’émotion, une vision et une ouïe défectueuses l’ont empêché de diriger d’une main ferme une séance houleuse où la seule opération réalisée a été l’élection des sept membres de la Commission de tri des candidatures qui aura à officier demain, car les nouveaux élus, comme des élèves le jour de la rentrée, ignoraient l’utilisation de leur pupitre… En tout état de cause, la journée d’aujourd’hui de cette “séance ouverte” va permettre à tous de mettre au point bien des choses. Déjà des indiscrétions ont fusé : pour “le perchoir”, Nidaa Tounès a en tête Mohamed Naceur, Ennahdha proposera Cheikh Mourou ou Samir Dilou pour la présidence et le Front populaire propose Mbarka Brahmi pour le poste de 2ème vice-président. On verra bien demain…

 

Jeudi 4 : la journée de repos d’hier, pendant laquelle la séance inaugurale de l’Assemblée des représentants su peuple (ARP) est restée “ouverte”, a porté ses fruits et, dès l’ouverture des travaux, à 10 h 30, les députés ont voté à bulletins secrets pour l’élection du Président et des deux vice-présidents de l’ARP. Ont été élus Mohamed Ennaceur, de Nidaa Tounes, en tant que président, Abdefattah Mourou, d’Ennahdha, en tant que premier vice-président et Faouzia Chaâr, de l’UPL, en tant que 2e vice-présidente. L’après-midi a permis l’élection des deux commissions essentielles au fonctionnement de l’Assemblée : la Commission du règlement intérieur, avec pour président Mohamed Troudi (Nidaâ Tounes) et la Commission des finances, avec pour président Slim Besbès (Ennahdha.)

La journée d’hier a aussi donné l’occasion aux responsables de l’UPL de réfléchir et Slim Riahi a informé Béji Caïd Essebsi de sa décision de le soutenir au second tour. Le Font populaire, lui, n’a toujours pas pris de position officielle, mais il faut se souvenir que ce Front est formé de cinq partis : Parti des Travailleurs, Parti unifié des patriotes démocrates (Watad), Al Qotb, Mouvement Baath et le Courant populaire, auxquels se sont joints divers groupuscules… Il est donc difficile pour Hamma Hammami, le dirigeant du Front, de prendre une décision qui puisse contenter tous ces partis. Par contre le soir, sur Nesma TV, lors de l’émission de Meriem Belcadhi, la veuve du martyr Chokri Belaïd, Besma Belaïd, a regretté ce manque d’engagement de son parti et a déclaré qu’elle-même et son beau-père (haj Salah Belaïd) voteront pour BCE envers qui ils ont confiance.

 

Samedi 6 : la Commission des finances a commencé dès hier l’examen du projet de budget de l’État en auditionnant Hakim Ben Hammouda, ministre de l’Économie et des Finances, tandis que la Commission du règlement intérieur s’est elle aussi mise au travail en utilisant provisoirement le règlement de l’ANC, en attendant de le modifier éventuellement, car le temps presse et une plénière doit se réunir avant le 10 décembre pour discuter et adopter la Loi de finances 2015.

L’ouverture de la campagne électorale pour le second tour de la Présidentielle a été marquée par une visite de Moncef Marzouki à Oued Ellil (Manouba), où il a été “dégagé” par une partie de la population, tandis que Béji Caïd Essebsi s’est rendu à Tozeur et notamment à l’aéroport, moteur de l’activité touristique de la région, où il a été acclamé par la foule.

Ce matin, à 11 h 25, le tribunal administratif a rendu son verdict définitif concernant les huit recours déposés par Moncef Marzouki qui ont été jugés irrecevables. Cette décision va sans doute permettre à l’ISIE d’avancer la date du second tour, celle du 28décembre posant beaucoup de problèmes vu sa proximité avec les fêtes de fin d’année.

Il est en effet de plus en plus souhaitable de raccourcir cette période d’attente, de tous les dangers, ainsi que l’ont démontré les divers faits de ces derniers jours : l’usurpation de l’identité d’un élu du CPR par un policier — qui a été suspendu et arrêté — que le responsable du groupe (de quatre députés) l’a laissé prêter serment à la place de l’élu, la révélation d’un plan d’assassinat du SG adjoint de l’UGTT (Bouali Mbarki), de Taïeb Baccouche et de Chafik Sarsar, l’incendie du local de Nidaa Tounes à El Alâa (Kairouan)… Que va-t-on encore inventer pour faire échouer ce second tour de la présidentielle ? Et tout cela alors que le terrorisme est à nos portes à la frontière sud, avec les bombardements à Ras Jedir (du côté libyen certes, mais à 3 km de la Tunisie) et un camp d’entrainement de takfiristes à deux pas de Dhehiba !

Et c’est le moment que choisit le syndicat de l’Enseignement secondaire pour décider une “grève ouverte” à partir d’après-demain lundi, prenant en otages les centaines de milliers d’élèves qui depuis des semaines travaillent d’arrache-pied, sacrifiant leurs démarches pour être prêts pour cette “semaine bloquée” qui commence ce jour-là. Désireux de rester poli, je dirais “c’est… lamentable” ! Quelle que soit la revendication…

 

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