Insoutenable incohérence

On est tombé très bas et la remontée sera plus difficile que prévu?Parole d’un ministre qui, au lieu de présenter des pistes de sortie de crise ne fait que constater les dégâts, annonçant le pire et ajoutant sa touche dans l’abaissement du moral des Tunisiens !
Certes, depuis des années on a réclamé, à cor et à cri, qu’on n’occulte pas la réalité et que ceux qui détiennent le pouvoir disent toute la vérité aux Tunisiens afin qu’ils soient avertis et prennent leur responsabilité, non d’être bercés de faux rêves. Nonobstant cela, les différents gouvernements ont opté pour les choix de la facilité en s’employant souvent à troquer, tant bien que mal, la paix sociale contre des mesures populistes dont ils n’ont jamais estimé l’impact, et encore moins les conséquences.
Aujourd’hui, alors qu’on est face au mur, on se trouve cruellement en panne d’arguments, on se complait souvent dans un silence pesant et on laisse inconsciemment pourrir la situation, notamment lorsqu’il s’agit de marquer une rupture, de mobiliser les Tunisiens et d’opter pour des pistes au demeurant incontournables pour remettre le pays sur la bonne orbite. Sur ce chapitre, le gouvernement Chahed, crédité au départ d’un préjugé favorable et dont les déclarations d’intention furent jugées positivement, est en train de décevoir. Parce qu’il est hésitant et montre  de plus en plus de signes de faiblesse. Face à la recrudescence de la contestation, on le sent pratiquement absent, peu solidaire et  impuissant à reprendre l’initiative pour son compte. Outre le manque d’harmonie dans le discours, il donne l’impression qu’il subit les événements, incapable de faire les anticipations nécessaires et de mener une communication intelligente. Comment peut-il avoir une marge de manœuvre confortable quand on a l’impression qu’il rame à contre-courant ? Face à la houle, il lâche du lest et donne l’impression qu’il est prêt, à tout moment, à laisser le navire à son propre sort.

Il ne s’agit nullement de jugements hâtifs qu’on est tenté de tirer pour discréditer le gouvernement ou pour stigmatiser certains de ses membres qui ont du mal à saisir certaines règles élémentaires en relation avec la solidarité gouvernementale et la responsabilité de l’équipe ministérielle à assumer  pleinement ses responsabilités ? C’est que la mode aujourd’hui consiste, pour certains, de se cacher dans leurs habits partisans et de tourner en dérision ce dont ils sont tenus de défendre et de justifier.
En témoigne l’attitude incongrue de certains ministres qui n’hésitent pas à diriger leurs flèches vers le gouvernement, prenant un malin plaisir à adresser des critiques sévères au gouvernement, lorsqu’ils animent des réunions partisanes, comme s’ils n’en font pas partie ou que les choix et orientations arrêtées ne les impliquent pas outre mesure. Pour certains, le principe de redevabilité reste une notion vague, ambiguë. Pour leur confort personnel, ils préfèrent ignorer cette règle qui est au cœur même de tout pouvoir politique démocratique.  Le cas du ministre des Affaires religieuses, dont le limogeage rapide a été rendu inévitable, révèle les errements de certains ministres qui n’arrivent pas à agir en cohérence avec les fondements qu’implique la conduite de la politique étrangère d’un pays.
Il ne s’agit malheureusement pas d’un cas isolé, loin s’en faut. Quand on a rang de ministre et qu’on est en charge du dossier économique notamment, a-t-on le droit de tenir un discours inquisiteur des choix opérés par le gouvernement devant un auditoire partisan ? Le comble est que le parti en question est une composante essentielle dans le gouvernement d’union nationale, que son poids ne cesse de grandir dans le processus de prise de décision et que ses cadres occupent de hauts postes de responsabilité dans l’appareil de l’Etat. A qui sert la duplicité du discours auquel certaines figures d’Ennahdha ont pris le goût de développer, quand ils s’adressent à leurs militants, oubliant leurs engagements et leurs obligations envers le gouvernement et envers le pays ? Dans le cas d’espèce, on peut invoquer un manquement de certains à leurs responsabilités morales. Sinon comment expliquer qu’un ministre, conseiller du chef du gouvernement en l’occurrence, descende en flamme le projet de la loi de Finances pour 2017, le qualifiant, avec une légèreté insoutenable,  de « la maison de Loqman demeure en l’état » !
Inconcevable dans la mesure où quelle que soit la qualité du texte présenté par le gouvernement, quand on a rang de ministre et qu’on est directement impliqué dans ce processus, on a obligation morale de  le défendre.  Se soustraire à cette obligation sous le poids de la tentation politicienne et du populisme malveillant, ne peut que ruiner les efforts les plus courageux. Et puis, il ne faut pas oublier qu’ « un être humain divisé ne réussit pas à affronter dignement la vie ».

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