On est tombés si bas  !

Les mauvaises nouvelles se suivent et se succèdent telle une malédiction ne nous laissant aucun répit et bloquant chaque jour un peu plus nos horizons. Après le raté avec le FMI, les interminables bras de fer politiques, les grèves qui ne finissent jamais, les pénuries, nous voilà propulsés dans la sphère tortueuse des complots et des scandales de haute trahison contre la sûreté de l’Etat. On ne peut pas tomber si bas quand on a été, à une époque pas si lointaine, un exemple à suivre en matière de diplomatie étrangère, d’émancipation de la société, d’éducation, de civisme, d’accueil, de tolérance et un pays économiquement émergent. 
Ne manquait qu’un modèle de gouvernance démocratique pour renforcer les libertés individuelles et collectives et les Droits de l’Homme. Là aussi, on a échoué à transformer l’occasion historique du 14 janvier 2011 en un véritable printemps tunisien. 
Les dirigeants qui ont alors accaparé les rênes du pouvoir ont troqué leurs promesses de démocratie et de libertés contre un système mafieux, clientéliste et corrompu, dans lequel la liberté a rimé avec anarchie et impunité. Ses conséquences, on continue de les subir dix-neuf mois après la fermeture de son temple, l’ARP. 
La corruption gangrène la société et l’économie, les groupes de pression constituent des Etats dans l’Etat et l’opposition, divisée et dispersée, joue la carte de la confrontation et de la déstabilisation politique pour venir à bout du coup de forceputch préfèrent-ils dire – du 25 juillet 2021. Une frange de cette opposition, la plus radicale, le Front du salut est aujourd’hui au cœur d’une enquête judiciaire pour complot contre la sûreté de l’Etat et contre le président de la République. Une enquête sur laquelle planent le mutisme de l’instruction publique et celui des officiels concernés et que l’opinion suit à travers les déclarations orientées des avocats de la défense ou les PV des interrogatoires fuités sur Facebook. Une affaire d’une extrême gravité si elle s’avère être fondée et dont personne ne sortira indemne, ni les coupables, ni les victimes, ni le président de la République lui-même, ni l’image de la Tunisie. Malgré cela, l’Etat doit agir, il doit se défendre et imposer son autorité. 
Au chapitre des mauvaises nouvelles, il faut ajouter « l’affaire » des migrants subsahariens et les regrettables propos du président de la République, sous pression, sur plusieurs fronts et en guerre sur le champ de la reddition des comptes. Des propos indignes d’un chef d’Etat, mais Kaïs Saïed est un chef d’Etat atypique, il ne fait rien comme les autres et parle sans détours, sans diplomatie. Mais cette fois, son emportement a eu un impact au-delà des frontières nationales, un impact négatif qu’il faudra absolument corriger par la voie diplomatique. 
Au communiqué de l’Union africaine condamnant ses propos « racistes », Kaïs Saïed devra répondre par le contact direct en appelant, un à un, ses collègues africains pour leur expliquer, les rassurer et leur rappeler que la Tunisie accueille tous les jours des migrants africains, depuis de nombreuses années, des étudiants, des familles en transit, des refoulés, des chavirés de la mer, que la Tunisie est leur première destination, où ils vivent et travaillent, avant de prendre le large, que ce malheureux incident communicationnel traduit la tension ambiante dans le pays et le niveau critique de la crise politico-économico-sociale qui y sévit.  Expliquer également que les lois sur l’immigration n’existent pas qu’en Europe, que la Tunisie, comme n’importe quel autre pays, a le droit et le devoir de se protéger d’une immigration clandestine non contrôlée et qu’entre pays africains, la solidarité reste le meilleur moyen de résoudre les problèmes communs.
Troisième mauvaise nouvelle : cinq ans de prison pour sept Tunisiens reconnus coupables par la justice algérienne de contrebande de produits alimentaires subventionnés. « Une importante quantité », selon des médias algériens, saisie par la Gendarmerie dans la ville de Tébessa (Est de l’Algérie). Un lourd verdict, bien qu’ayant été réduit de moitié en appel. Un drame inattendu pour les familles, injustifié et incompris du côté tunisien, d’autant que sous nos cieux la contrebande, bien que réprimée par la loi, demeure une activité commerciale florissante et que les frontières tuniso-algériennes ont de tout temps été une plaque tournante de la contrebande de toutes sortes de marchandises (essence, bétail, pièces de rechange). 
Au fil des ans, le phénomène a pris une telle ampleur que les deux pays ont dû durcir leurs lois pour y faire face et pour lutter contre la spéculation. En Tunisie, c’est en mars 2022 que Kaïs Saïed a décrété une loi punissant ce genre d’infractions d’une peine d’emprisonnement allant de 10 ans à la perpétuité. La loi algérienne, similaire, est plus ancienne. Le drame des sept Tunisiens condamnés prouve que la loi est appliquée en Algérie. On ne dira pas autant chez nous.  La contrebande y est réprimée mais avec plus d’indulgence, car c’est souvent la seule option contre le chômage pour de nombreux jeunes des régions défavorisées de l’Ouest et du Sud du pays. 
Il faut espérer à présent que les excellentes relations tuniso-algériennes plaident en faveur d’un dénouement plus heureux de cette première affaire du genre (s’agissant de produits alimentaires) qui, indubitablement, aura servi à passer le message à tous les contrebandiers tunisiens. On ose espérer que le président algérien Abdelmajid Tebboune tiendra compte de cette première fois et qu’il prendra la décision qu’attendent tous les Tunisiens. 

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