On le saura en 2023 !

2022 a vécu avec ses déboires de tout genre. 2023 qui sonne à la porte n’annonce rien de bon et les horizons ne sont pas clairs pour ne pas dire obscurs. Et pour cause.
Les résultats (honteux) des Législatives du 17 décembre courant ont donné le coup d’envoi à la danse des loups. Fronts politiques, organisations de la société civile, personnalités publiques, ont commencé à rêver d’un « autre » putsch médical ou constitutionnel, le 14 janvier 2023 (pourquoi pas !), une date symbolique qui signerait un retour en arrière et une élection présidentielle anticipée pour laquelle ils ont également commencé à affûter leurs armes. Il y en a même un qui a troqué la direction de son parti contre une ceinture politique frontiste, plus large et plus solide. 
Et comme la vie politique tunisienne s’étale au grand jour sur les réseaux sociaux, on y parle même de la formation d’un nouveau gouvernement dont les ministres seraient déjà choisis et « nommés » pour remplacer le gouvernement de Najla Bouden et veiller à la bonne organisation d’une élection présidentielle puisque « Kaïs Saïed a perdu toute légitimité après le très faible taux de participation enregistré aux Législatives du 17 décembre et qu’à ce titre, il doit démissionner ou être démis », soutiennent des personnalités politiques dont on soupçonne l’impatience de le remplacer au Palais de Carthage. Hamma Hammami, Secrétaire général du Parti des travailleurs, en est dépité : « Ils s’affrontent déjà aux couteaux », dit-il pour insinuer que la compétition bat son plein. 
Finalement, la leçon du 25 juillet 2021 n’aura pas été retenue par ceux qui en ont payé les frais (politiques) et les mêmes acteurs politiques rejouent aujourd’hui la même partition : « Après moi, le déluge ». Ceux qui se préparent déjà à prendre la relève se sont lancés dans une nouvelle course d’ego, en catimini, sans projets, sans vision pour le futur et sans les millions de dinars nécessaires pour remplir les caisses vides de l’Etat et éviter la faillite. 
Ce branle-bas de combat qui crée l’effervescence et l’espoir dans les rangs des anti-Saïed profite en réalité d’un climat de détresse sociale et de ras-le-bol populaire : augmentations quasi quotidiennes et incontrôlées des prix et persistance des pénuries des produits alimentaires les plus basiques, comme le lait et le sucre, et celle des médicaments. Sans compter le désarroi des milliers de familles qui pleurent encore le départ, ou la perte, de leurs enfants résignés à émigrer clandestinement. Une situation inédite de dépression collective que, de mémoire d’homme, les Tunisiens n’ont jamais vécue.  
Tous les indicateurs économiques, financiers et sociaux laissent penser que l’année 2023 sera très rude pour nous Tunisiens tandis que le pays donne l’impression d’être un avion sans pilote. Le chef de l’Etat vaque à ses occupations et le gouvernement aux siennes. Alors, d’aucuns s’improvisent aiguilleurs. Et les initiatives « patriotes » pour sauver le pays d’émerger de tous bords. Les plus en vue, celles annoncées tour à tour par le bâtonnier des avocats, Hatem Meziou, et l’ancien Secrétaire général du Courant démocratique, Ghazi Chaouachi. Des pourparlers informels seraient en cours entre des politiques, des juristes, des économistes et d’autres spécialistes de diverses professions en vue de concevoir une vision pour l’avenir de la Tunisie, d’identifier les éventuelles issues de secours et tracer une feuille de route réalisable. Mais c’est du côté de l’Ugtt que les idées semblent plus claires et plus crédibles. D’ailleurs, toutes les autres initiatives devraient être in fine proposées à la Centrale des travailleurs pour être évaluées et avalisées. 
Mais l’Ugtt est déjà sur le pied de guerre et ses équipes d’experts sont à l’œuvre car la situation est inquiétante et urgente. Le Secrétaire général a, à maintes reprises, alerté les Tunisiens et mis en garde contre une situation générale qui devient insupportable et explosive. Son inquiétude a redoublé d’intensité après la publication de la loi de Finances 2023 dans le JORT. Noureddine Taboubi pointe du doigt la forte pression fiscale incluse dans la loi de Finances 2023 (25% du PIB) et promet de la combattre pour défendre les intérêts de ses adhérents et ceux de l’ensemble des citoyens tunisiens. Des secteurs entiers ont également exprimé leur désapprobation et le rejet des multiples augmentations d’impôts et de taxes inscrites dans cette loi qui vont davantage impacter le pouvoir d’achat. Le bâtonnier des avocats a d’ores et déjà annoncé la désobéissance fiscale par la profession. 
L’ambiance générale est propice au chamboulement, qu’on le veuille ou pas, mais les éventuels futurs putschistes en ont-ils les moyens ? Quelles chances ont-ils ? Kaïs Saïed gouverne au moyen de décrets sans possibilité de recours et détient tous les pouvoirs. L’Armée : à ce jour, la Grande Muette respecte religieusement sa neutralité et se dévoue pour combattre le terrorisme et pour protéger le territoire national des intrusions suspectes. Les forces sécuritaires, de leur côté, « nettoyées » de quelques éléments impliqués dans diverses affaires judiciaires (terrorisme, blanchiment…) et restructurées, ont repris du poil de la bête et réussi à reprendre le contrôle de la situation après plusieurs années de grande insécurité, voire d’anarchie. 
Kaïs Saïed ne semble pas prêter une oreille attentive aux rumeurs et autres ragots. Il est optimiste quant à l’avenir de la Tunisie qui « va guérir », dit-il, après l’inauguration lundi dernier du nouvel établissement hospitalier à Jendouba, et promet que celui de Kairouan verra, lui aussi, le jour. Pour lui, le second tour des Législatives anticipées (sa deuxième mi-temps) aura bien lieu et le faible taux de participation au premier tour sera amélioré, il n’y a donc aucune raison pour stopper le processus électoral. Voilà ses détracteurs prévenus. Ses ministres, tout aussi imperturbables, continuent d’occuper leurs fonctions malgré les incessantes campagnes de critiques et de dénigrement sans jamais répondre aux appels insistants à communiquer avec les Tunisiens à travers les médias. 
Un monde sépare Kaïs Saïed de ses opposants et détracteurs, un monde de silence et de ruptures, une trop grande distance pour qu’ils puissent l’atteindre. A moins que les citoyens lambda qui ont cru en lui et longtemps patienté ne perdent confiance et ne s’y mêlent. La réponse en 2023.
Meilleurs vœux malgré tout !

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