On ne veut pas mourir devant les hôpitaux !

C’était un père de cinq enfants. Un agent sécuritaire décédé en pleine rue, devant un hôpital. Il a rendu son dernier souffle devant l’hôpital Ibn Jazzar, à Kairouan, étouffé par la Covid-19, il avait besoin de quelques litres d’oxygène. Le personnel de l’hôpital n’a pas jugé son cas nécessitant une aide respiratoire. Peut-être n’était-il pas un cas prioritaire pour cet établissement de santé qui, vu le nombre de malades de la Covid, affiche complet, surtout depuis que le virus indien a envahi la ville. C’est le scénario catastrophe que notre communauté médicale et scientifique a tant redouté depuis que la pandémie s’est déclarée dans notre pays, en janvier 2020. Ces professionnels de la santé connaissent bien les moyens matériels et humains dont ils disposent pour leur travail et savent que l’infrastructure sanitaire nationale est faible, fragile, insuffisante pour faire face à une ruée de malades à la recherche d’une prise en charge médicale dans les hôpitaux, qui d’un lit de réanimation, qui d’un lit d’oxygène. Cette fois, le drame sanitaire est une réalité. Peut-être ferons-nous face à un tsunami covidien et à un génocide épidémique. L’entrée dans le territoire national des variants de la Covid-19, l’un plus contagieux et plus mortel que l’autre, annonce des jours difficiles ; les scientifiques et les médecins appellent de tous leurs vœux au confinement général, n’osent pas décrire le pire qui nous attend et parlent d’une situation qui va vers l’inconnu.
Pourquoi en être arrivés là ? Qui en est responsable ? Est-ce le gouvernement qui a fait le choix de maintenir les frontières ouvertes et de ne plus recourir au confinement général afin de maîtriser la courbe ascendante des dégâts économiques et sociaux inhérents à la pandémie? Les gouvernements d’Elyes Fakhfakh et de Hichem Mechichi qui ont raté l’étape de précommande du vaccin au printemps 2020 et celle de la participation aux premiers essais cliniques qui garantit une priorité au niveau de l’acquisition des vaccins par rapport aux pays non coopératifs ? Le président de la République et son cabinet, qui n’ont pas suffisamment fait fonctionner les rouages de la diplomatie pour faire parvenir à temps les vaccins et des fonds pour en acheter des quantités suffisantes ? Les citoyens, qui n’en ont cure des décisions du gouvernement et des sanctions pénales liées au non-respect des mesures restrictives, qui font preuve d’indiscipline, d’incivisme et d’immaturité : pas de masque, pas de distanciation sociale, pas de respect du couvre-feu ni des règles du confinement général ?
Vu l’état de gravité de la situation épidémiologique actuelle et du risque fort probable de voir en Tunisie, dans les prochaines semaines, les mêmes scènes d’apocalypse sanitaire vécues en Inde et transmises par les télévisions du monde entier, des malades et des morts par dizaines dans les rues allongés à même le sol, il faut admettre qu’inévitablement la responsabilité est collective. Les décideurs sont coupables de plonger le pays dans une crise politique interminable qui paralyse les institutions de l’Etat, bloque toute sorte d’initiative et de projet, enlise le pays dans une série de crises subséquentes, économique, sociale, sanitaire, environnementale. Conscients de leurs manquements et de leurs échecs, ils n’ont ni l’audace ni le courage d’appliquer la loi contre les contrevenants. Les citoyens sont coupables de négligence et d’insubordination portant atteinte à la santé d’autrui. En ne respectant pas les gestes barrières, le couvre-feu, le confinement, ils mettent en danger leur propre santé, celle de leurs proches et de toutes les personnes-contact qu’ils croisent. Elles étaient 2000, dit-on, dans une cérémonie de mariage à Kairouan, quelques jours avant l’explosion des contaminations au variant indien.
Le plus urgent aujourd’hui est de savoir comment s’en sortir. comment limiter la propagation des variants de la Covid et éviter l’anéantissement du système sanitaire, sachant que les équipes médicales et paramédicales sont à bout de force et de nerfs après un an et demi au front.
Aux gouvernants, un seul appel : ayez le scrupule de laisser vos différends et vos intérêts de côté et unissez-vous pour combattre ce fléau. Ayez le courage de vous adresser au peuple tunisien pour l’informer et de prendre les décisions qui s’imposent. Sachez convaincre les Tunisiens de la nécessité d’un re-confinement, s’il est indispensable, et de respecter toutes les restrictions jusqu’à nouvel ordre. Retournez-vous vers les amis de la Tunisie, ils sont nombreux, ils n’ont pas encore oublié la place qu’occupait ce petit pays dans le concert des nations, il y a encore à peine une décennie, pour commander des vaccins pour tous les Tunisiens et accélérer leur livraison. Décrétez la vaccination pour tous et partout. Et prions Dieu pour ne pas mourir devant l’entrée des hôpitaux, d’autant que l’OMS a alerté le monde entier de l’avènement d’un tout nouveau variant baptisé Delta+, beaucoup plus contagieux et plus dangereux, s’attaquant à plus d’organes que les autres souches. L’OMS prévient que si les pays ne prennent pas leurs dispositions au plus vite (mesures barrières et vaccination), Delta+ est capable de forcer le monde à un nouveau confinement planétaire.
Espérons que Hichem Mechichi  a bien entendu la mise en garde de l’Organisation mondiale de la santé.

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