Ont-ils des yeux, des oreilles et un cœur ?

« Y a-t-il des yeux qui voient, des oreilles qui entendent, des cœurs qui compatissent ? Arabes, où êtes-vous ?» Le cri de détresse, un parmi des milliers d’autres, d’un Palestinien de Khan Younès, au Sud de la bande de Gaza, a-t-il été entendu par Ryadh, le Caire, Amman, Abou Dhabi et dans d’autres pays arabes ? Pour les Palestiniens terrorisés par les bombes israéliennes et sous blocus humanitaire depuis plus de deux mois, et pour les opinions arabes, les rois, les émirs et les présidents arabes ne font pas ce qu’il faut ou pas assez pour convaincre, ou obliger l’entité sioniste à cesser le feu à Gaza. Certes, une telle décision engage les deux belligérants, Hamas et Israël, mais l’asymétrie des forces de frappe, indiscutablement en faveur de l’armée sioniste, suppose que c’est Tel Aviv qui doit prendre les devants et stopper les bombardements sauvages et barbares contre les civils palestiniens.
Le nombre d’enfants et de bébés tués qui, contrairement à ce que pensent certains fanatiques sionistes, ne sont pas des terroristes, approche des 10 000, sans compter les cadavres ensevelis sous les décombres depuis le début de la guerre. Les Palestiniens, que leurs ennemis le veuillent ou non, ne sont pas des étrangers en Palestine qu’il faille dégager de ces terres pour rendre justice aux Israéliens. Ils sont, bien au contraire, les vrais propriétaires de ces terres. Cependant, les Gazaouis et les Palestiniens de Cisjordanie et d’Al Qods occupés ne sont pas uniquement la cible de l’armée israélienne, ils sont victimes d’une conspiration mondiale qui, sous prétexte de lutter contre une hypothétique montée de l’antisémitisme alors que ce sont les Palestiniens qui sont bombardés, favorise leur épuration ethnique et leur expulsion de leurs terres. L’occasion est également propice pour enfler la campagne mondiale de diabolisation de l’islam et des musulmans. Les déclarations, le moins qu’on puisse dire haineuses, d’Israéliens extrémistes qualifiant les Palestiniens d’animaux, ou les bébés de terroristes, contribuent à mettre de l’huile sur le feu et à exacerber les tensions identitaires et racistes dans tous les pays du monde.
Où sont les dirigeants arabes, dans tout cela ? Ils sont partout et nulle part. Ils sont dans les négociations avec le Hamas pour la libération des otages israéliens, ils sont dans le Conseil de sécurité de l’ONU et dans l’Assemblée générale onusienne pour discourir, proposer des projets de résolution appelant à un cessez-le-feu humanitaire et pour suggérer la solution finale du conflit israélo-palestinien, à savoir la solution à deux Etats. Des initiatives diplomatiques sans résultat, donc sans intérêt. Des actions pour uniquement se donner bonne conscience.
Des défenseurs de la paix dans le monde se sont interrogés sur les réseaux sociaux et dans de rares médias occidentaux indépendants, sur la faiblesse et l’inconsistance de l’action des Arabes, alors qu’ils sont les seuls à pouvoir arrêter le massacre des Palestiniens. Les opinions arabes, également, ne cachent pas leur déception et expriment leur colère dans les manifestations de rues ou dans les réseaux sociaux. Interrogations et colères parce que les pétromonarchies du Golfe, en l’occurrence, qui entretiennent des relations économiques avec Israël et ses alliés, ont les atouts majeurs qu’ils peuvent utiliser pour stopper la barbarie d’Israël. Le pétrole et le gaz continuent de contrôler l’économie mondiale tandis que les plus importantes réserves mondiales se trouvent dans les pays arabes. L’entité sioniste n’est pas intouchable, ce sont les « armes de dissuasion » qui sont inopérantes.
L’Arabie saoudite a pesé de tout son poids via l’Opep au cours de la guerre en Ukraine, qu’en est-il en Palestine ? Rien.  Certes, l’Arabie saoudite seule ne peut rien faire, le Royaume risque même de payer seul les pots cassés, mais comment vont aller les choses quand il agira dans le cadre d’une coalition arabe diplomatique et économique ? L’effet sera immédiat sur la guerre à Gaza : Israël sera isolé dans sa propre région et ses alliés seront stigmatisés. Les pays arabes en seront également impactés mais l’issue de la paix sera plus courte, pour tous. Incontestablement, l’union fait la force. L’exemple des pays occidentaux dans les moments de crise en est la parfaite illustration. Les Arabes en sont (encore) malheureusement incapables. Que faut-il comprendre des non-dits concernant les dirigeants arabes, du premier ministre israélien qui en a soufflé un mot : « On ne peut pas soutenir la destruction de Hamas et pousser vers un cessez-le-feu ». Une déclaration survenue après le dernier conseil de sécurité du 8 décembre sur l’initiative arabe présentée par les EAU et qui a débouché sur le veto américain. A qui s’adressait Netanyahu ? Pas seulement à ses amis occidentaux comme la France qui a soutenu le projet, mais également aux Arabes, surtout parmi les dirigeants qui soutiennent l’entité sioniste dans sa guerre contre le Hamas rien que par leur passivité. D’où le dilemme : soutenir l’éradication de Hamas, ce qui entraînera l’extermination des civils palestiniens, ou enfreindre le droit international. C’est ainsi, Israël ne sait pas faire autrement.
Ce qui fait dire à un responsable politique du mouvement islamiste que « tous les accords conclus sur la solution à deux Etats avec Israël n’ont mené à rien de bon, sauf à plus d’oppression des Palestiniens, aux assassinats, aux milliers d’arrestations arbitraires et, aujourd’hui, à leur extermination et à l’exode pour ceux qui survivront. Israël ne comprend que le langage de la force, c’est pourquoi nous devons nous défendre par nous-mêmes ».
La fébrilité des plus grandes capitales arabes, Ryadh, Le Caire, Abou Dhabi notamment, certains analystes l’expliquent par le passif douloureux des frères musulmans. La Tunisie en sait quelque chose. Les islamistes ont, en effet, des reproches à se faire à eux-mêmes, mais, cette fois, ils ciblent le vrai ennemi des nations arabes, celui qui cherche à les anéantir, à les avilir, qui mène toute sorte de guerre, partout dans le monde, contre l’islam et les musulmans. Alors que la grande majorité des musulmans, imbus des valeurs de tolérance et d’entraide de l’Islam, fait la différence entre sionisme et judaïsme. Tout comme il existe de nombreux juifs qui ne nourrissent aucune animosité contre les musulmans et ils se sont bien manifestés au cours de cette guerre contre Gaza.
Ce qui se passe à Gaza et dans tous les territoires palestiniens n’est pas une guerre religieuse, c’est un très vieux conflit territorial contre l’usurpateur israélien. Soutenir les Palestiniens, c’est se mettre du côté d’une cause juste et ouvrir la voie à la paix pour les Palestiniens, pour les Israéliens et pour les pays de la région qui aspirent au développement et à la prospérité. Sans un règlement juste de la question palestinienne, le Proche et le Moyen-Orient, et par ricochet le monde entier, ne connaîtront pas la paix et la stabilité tant recherchées.
Pour les sourds, les aveugles et les sans-cœurs,  quelle que soit l’issue de cette guerre menée contre Gaza et les Palestiniens, c’est, après le Vietnam, l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie et l’Ukraine, une nouvelle défaite qui s’annonce.
Les ADM d’hier ont changé de forme, ils se trouvent aujourd’hui du côté des Américains et des Israéliens. Il ne s’agit pas seulement d’Armes de Destruction Massive, mais aussi et surtout, d’Absence De Morale.

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