Par Ridha Lahmar
Fidèle à une tradition bien établie depuis quinze ans, Hassen Zargouni, directeur général de Sigma conseil, a fait son show samedi 24 janvier 2014 devant le tout Tunis des Médias, agences Pub, société civile ainsi que l’ensemble du paysage politique, social et économique. Il faut dire qu’il a été à la hauteur de sa réputation « d’oracle qui peut se tromper » a-t-il précisé lui-même publiquement puisqu’il ne s’est trompé que de 0,18% lors du sondage-sortie des urnes à propos des résultats des récentes élections présidentielles. La norme étant 1% en Europe.
Les chiffres ont porté sur le contexte socio-économique et politique du pays, les performances des agences de communication et celles des annonceurs 2014 ainsi que les perspectives 2015. Les sondages d’opinion présentés ont révélé des surprises et des changements intéressants à relever mais aussi des enseignements à tirer.
Préoccupations des tunisiens : quelles priorités ?
Selon les résultats du sondage d’opinion réalisé par Sigma, les préoccupations des Tunisiens, classées en fonction de priorités, ne sont pas toujours ce qu’on prétend communément.
C’est ainsi que la réussite dans la vie professionnelle ne figure qu’au 5e rang des préoccupations des Tunisiens avec un score de 84,5 et la propriété du logement seulement au 6e rang avec un score de 82,2.
Mais alors, quelles sont les priorités réelles des Tunisiens ? Une bonne santé vient au premier rang avec un score de 93,7 et un enseignement correct pour les enfants au 2e rang des préoccupations du Tunisien. Il y a là de quoi réorienter les politiques publiques dans le bon sens.
Il faut dire, cependant, que les Tunisiens continuent à croire que la réussite dans les études est primordiale. Elle demeure un ascenseur social malgré le taux de chômage élevé parmi les diplômés du supérieur.
En effet, ayant désespéré de l’enseignement public tous les parents qui ont les moyens s’orientent vers le privé.
Le sentiment de sécurité dans le quartier ou la ville, se situe au 3e rang des préoccupations du Tunisien avec un score de 89,1. Il y a là une retombée majeure qui découle de l’insécurité de l’après-révolution. Ce qui est vraiment surprenant c’est que la propriété d’une voiture personnelle ne figure qu’au 9e rang avec un score de 61,1.
Pourvu que le transport public de voyageurs s’améliore dans le pays car il en a bien besoin.
Une évolution sensible de la démographie
La population tunisienne compte au 31-12-2014 : 11,046 millions de personnes avec un taux d’accroissement annuel de 1,03%. Le nombre de ménages est de 2,712 millions tandis que le nombre de logements est de 3,289 millions.
Les logements non occupés en permanence sont soit, des résidences secondaires soit, des logements de TRE en attendant la retraite. La taille moyenne du ménage étant de quatre personnes et la population urbaine de 67,8%.
Il y a lieu de remarquer que la répartition déséquilibrée de la population entre l’Est et l’Ouest, le Nord et le Sud du pays se renforce chaque année, ce qui montre que les disparités régionales continuent à se creuser. L’exode rural est encore plus dense depuis 2011.
En effet le Grand Tunis accapare 24% de la population avec 2,643 millions de personnes et une croissance de 18% en dix ans. Ce qui explique la recrudescence de la construction anarchique de logements faute d’un plan d’aménagement actualisé et d’autorités municipales vigilantes et actives.
Le Nord-Est qui comporte Bizerte et Nabeul “pèse” 1,533 million d’habitants, soit 14%, continue à être attractif puisqu’il a attiré 11% de migrations internes en dix ans.
Le Centre-Est qui correspond au Sahel (Sousse-Mahdia-Monastir) pèse autant que le Grand Tunis (24%) avec 2,590 millions d’habitants et une croissance très rapide : +16% en dix ans.
Par contre le Nord-Ouest avec 1,170 million d’habitants : régression de 4% en dix ans. L’exode rural se révèle comme un puissant, facteur de décroissance économique et de désertification humaine. Une véritable stratégie de développement régional s’impose d’urgence pour réduire cette ampleur.
A ce propos Hassen Zargouni précise que le nombre de Libyens résidents permanents en Tunisie n’est que de 300.000 personnes, les autres vont et viennent en fonction des motifs de soins médicaux, vacances ou évènements sécuritaires. Nous sommes loin des rumeurs qui circulent soit 2 millions de Libyens. C’est la concentration des libyens dans certains quartiers comme El Naser et la Soukra qui donne cette impression de densité.
Situation et mouvements sociaux
A propos de la situation de l’emploi dans notre pays Sigma retient le taux de chômage de 15,2% en 2014 en légère régression par rapport à 2013 : 15,7%. Pour les diplômés du supérieur le taux de chômage est de 31,4%, il est double chez les femmes, ce qui fait que l’on relève un taux de 40,8% chez ces dernières contre 21,2% chez les hommes.
En ce qui concerne le revenu moyen par habitant et par an, il n’a fait l’objet d’aucun commentaire alors qu’il est anormalement élevé sans aucune commune mesure avec ce que nous pouvons constater au niveau de la pauvreté dans les quartiers populaires des grandes villes ou encore plus dans les villages et les zones rurales. En effet 7965 D de revenu moyen par personne et par an est un revenu convenable qui ne reflète pas la réalité des choses, même s’il est contrebalancé par les grosses fortunes, les disparités étant énormes
Pour le taux de pauvreté : 15,5%, c’est un taux nettement en deçà de la réalité, car le critère de revenu retenu soit 2 D par tête d’habitant et par jour est trop bas lorsqu’on connaît le niveau du coût de la vie suite à l’inflation réelle qui sévit dans le pays depuis quatre ans. Le seuil de pauvreté doit être revu.
En ce qui concerne les mouvements sociaux qui se déroulent dans le pays, les statistiques de Sigma conseil sont très intéressantes à analyser. Le nombre de grèves a progressé de 13% entre 2013 et 2014 pour passer de 399 à 451. C’est un mauvais signal même si le nombre d’institutions concernées a diminué de 23% passant de 266 à 206.
Il faut dire que le nombre d’ouvriers employés dans ces institutions en grève a baissé de 54% ce qui signifie que le mouvement de protestations et de revendications atteint, en 2014, les petites entreprises plutôt que les grandes.
Cependant le nombre de participants à ces mouvements a presque doublé passant de 79.667 en 2013 à 155.028 en 2014.
Le taux de participation est passé selon Sigma de 14% à 61%.
Conclusion, le nombre de jours de travail perdus pour le PIB du pays est passé de 224.658 en 2013 à 361.464 en 2014 soit une croissance de 61%.
Dans ces conditions on ne peut pas dire que la culture du travail réalise des performances dans notre pays de quoi promouvoir la croissance. Pour ce qui est des motifs des mouvements sociaux : il y a l’amélioration des conditions de travail (48%) et le paiement des salaires et dérivés (33%), principalement.
Les annonceurs à la recherche de l’Audimat
L’investissement publicitaire en 2014 a atteint 195,9 millions de dinars soit une progression remarquable de 20,5% par rapport à 2013, “une année noire” sur tous les plans. La répartition par type de support fait la part belle à la TV soit 58,5% avec 114,6 MD et 38,4% de croissance par rapport à 2013.
La Radio avec 15,1% accapare 29,5 MD en progression de 3,2% tandis que la presse écrite ne reçoit que 20,3 MD soit seulement une part de marché de 10,4%, en régression de 0,8% par rapport à 2013 mais elle résiste bien quand même. Le support écrit a la vie longue et demeure irremplaçable tel le livre.
L’affichage concentre 13,4% avec 26,3 MD, en progression rapide.
Internet bien que modeste avec 5,2 MD soit 2,7%, est en baisse rapide soit -8,9% par rapport à 2013 surprenant.
Palmarès des principales émissions TV en 2014
Les taux d’audience record remportés par certaines émissions de télévision, mois par mois, sont significatives de l’intérêt porté par les téléspectateurs en fonction de la conjoncture qui domine dans le pays mais aussi de leur engouement pour certaines fictions phénomènes de société.
En janvier 2014 c’est Labes sur El Hiwar Ettounsi qui a enregistré 29,7% de taux d’audience avec 2,145 millions de téléspectateurs. Deux autres émissions d’El Hiwar Ettounsi ont remporté le palmarès en octobre et en décembre avec respectivement la soirée électorale du 26 octobre soit 30,2% et Andi ma Nkolek : 31,6%.
Avec Harim Sultan III, Nessma a remporté le palmarès en mai et juin avec respectivement 22,8% et 20,4% soit 1,875 million et 1,682 million téléspectateurs.
Cependant le journal télévisé de Watania I reste inégalable en février, mars, avril, août, septembre et novembre avec des taux respectifs d’audience de 32%, 25,4%, 20,9% à 2 reprises et 28,8%.
Le nombre de téléspectateurs a évolué de 1,732 million à 2,637 millions.
Ces records sont à rapprocher avec l’actualité sécuritaire et politique du pays. Il y a là de quoi motiver les annonceurs lorsqu’ils insistent pour faire passer leurs spots publicitaires avant, après ou encore au plein milieu de ces émissions.
TOP 10 des audiences quotidiennes des principales chaînes en 2014
El Watania 1, malgré tous les défauts qu’on lui reconnaît garde un rôle de leader en 2014 avec 30,8% de part d’audience suivie de près par El Hiwar Ettounsi avec 28,9% et Nessma TV avec 27,3%.
Ces trois chaînes se démarquent nettement du lot, car celles qui suivent se positionnent très loin derrière, car Watania 2 n’arrive qu’avec 10,7 tandis qu’Hannibal n’est qu’au niveau de 8,4%.
Le reste des chaînes ne réalise que des taux d’audience symboliques : MBC2, France 24 et El Jazeera avec 1,8%. MBC1 et MBC4 : 1,7 et 1,6 respectivement.
TOP 10 des annonceurs-presse
Les opérateurs télécom arrivent en tête, Tunisie télécom étant en position de leader avec 18,2 MD devant orange-Tunisie avec 13,9 MD et OOREDOO avec 13,19 MD, suivent ensuite les agroalimentaires : coca-cola-SFBT avec 10,2 MD et Délice Danone avec 8,7 MD. L’ISIE a dépensé 4,3 Md pour être en 6e position grâce aux élections.
Henkel avec 3,5 MD arrive en 7e position : produits d’hygiène et nettoyage.
Deux distributeurs arrivent ensuite : Magasin Général avec 2,7 MD et Géant avec 2,5 MD.
Enfin Procter&GAMBLE avec 2 MD est en 10e position.
SIGMA conseil, c’est quoi aujourd’hui ?
D’abord une équipe de compétences jeunes avec un taux élevé de parité-genre. Ensuite une multiplicité de secteur d’expertises et de métiers avec pour base les statistiques : collecte, traitement, analyse et interprétation des données quantitatives, qualitatives et d’observation.
Les études portent sur le Marketing, les médias-publicité et les sondages d’opinion.
Sigma a été fondée en 1998, elle a une approche qui permet d’identifier les leviers de croissance associés à des enjeux business tactiques ou stratégiques.
Son champ d’action s’étend à l’ensemble des pays de l’Afrique du nord mais aussi en France et en Afrique Subsaharienne. Sigma est membre d’ESOMAR, organisme européen de certification qualité. Il est en cours de certification assurance qualité ISO9001.