Oser

«Oser» ! Ce mot devrait, à notre avis, servir de devise, en ce moment, à tous ceux qui souhaitent voir la Tunisie réussir sa transition démocratique et son décollage économique. Par exemple :

Oser apprendre

Nombreux sont ceux qui connaissent le cours d’eau : l’Oued El Abid, sur la côte nord du Cap Bon. Mais combien d’entre eux ont eu la curiosité de s’arrêter de regarder et de s’informer.

Pourquoi ce nom ? Nul ne le sait plus. Il paraît qu’il y avait dans les parages un village d’esclaves noirs autrefois. Pourquoi le village actuel s’appelle-t-il «Makhzen» ? Personne ne peut répondre, évidemment.

Il y a là, pourtant, bien des choses à voir et à faire, à notre avis. Une très belle villa coloniale, hélas vandalisée, se dresse en bordure du village au bout d’une petite route qui a été bordée d’eucalyptus dont les troncs énormes, sciés presque à ras de terre, prouvent que des gens, ici, ont cru en l’avenir de la Tunisie et que d’autres l’ont saccagé.

Un établissement, issu d’un «projet» agricole d’élevage de chèvres et de fabrication de fromage continue à exister dans la discrétion. Où sont les fromages de chèvres ? Les pentes qui dominent le village ont été débroussaillées naguère : des investisseurs devaient y planter des vignes. Le projet abandonné, la broussaille a repoussé alors que le propriétaire colonial faisait pousser des vignes qui devaient être productives puisque de l’autre côté de la route menant à El Haouaria, subsistent les bâtiments, en grosses pierres, d’un grand chai, à proximité d’une source pérenne, captée, offrant de l’eau à tous les troupeaux des environs. Le jus de raisin n’est-il pas conseillé par les nutritionnistes et n’est-il pas, au moins, aussi sain que les boissons gazéifiées actuelles, à base de produits chimiques ? Pourquoi ne se vendrait-il pas ?

La route, de l’électricité, de l’eau, des terres agricoles : que faut-il de plus pour qu’un investisseur s’installe ? La splendeur de la maison coloniale prouve que son propriétaire avait d’importantes rentrées d’argent. Pourquoi les habitants du village actuel semblent-ils n’avoir que de modestes revenus ?

La grande forêt bordant le littoral sur des kilomètres pourrait, pensons-nous, produire autre chose que du bois servant à fabriquer du charbon. Puisque les eucalyptus y poussent bien, on pourrait extraire de leur feuillage de l’essence dont on tirerait de l’eucalyptol qui est un désinfectant utilisé en pharmacie. Le bois d’eucalyptus devrait pouvoir être utilisé plus rationnellement. Il en va de même pour les zgougou des pins de ces forêts. Pour quelles utilisations les Espagnols viennent-ils les acheter pour les transformer en huile ?

La flore et la faune sauvage sont remarquablement riches et variées. Plus d’une quinzaine de plantes sont considérées comme médicinales, culinaires ou utilisables : telles que le Ceratonia siliqua ou «Kharroub» le caroubier ou le myrtes communis : «Rihane» : myrte commun. N’y a-t-il rien à en faire ? Même pas les vendre après les avoir dotées d’un label ?

Rien que le long du kilomètre d’oued qui succède au barrage, sept espèces d’oiseaux d’eau ont été recensées. On y a découvert les dernières loutres de Tunisie. Plus de cinquante espèces d’oiseaux sédentaires et migrateurs ont été dénombrées dans les forêts et les buissons. Une quinzaine d’espèces de mammifères : sanglier et porc-épic hantent les dunes, les forêts et les maquis. Ne comptons pour rien les reptiles, les tortues et les innombrables insectes !

Voilà de quoi occuper et réjouir les amateurs de nature ! Si des postes d’observation étaient aménagés, peut être viendraient-ils ?

 

Oser apprécier

Qui n’apprécie pas des kilomètres de plage de sable, peu fréquentée, bordant une mer limpide et poissonneuse ? Qui reste indifférent face à des kilomètres de forêt parfumée au sol sablonneux, mollement ondulé et tapissé de feuilles sèches ? L’été, les vrombissements des cigales s’allient aux roucoulements des tourterelles pour concurrencer, le jour, ceux des grillons qui règnent la nuit.

La découverte de superbes orchidées, parfois très rares comme la «Generia diphyla» qui n’a que deux feuilles et des fleurs verdâtres, est un objectif des promenades de printemps. Les chasses d’automne, d’hiver et même d’été rassemblent de nombreux «nemrods» : chasseurs aux tenues bariolées.

Toute l’année, le long des plages, les pêcheurs plantent leur cannes à pêche dans le sable, aménagent un petit bivouac et font de très belles pêches… parfois. Baigneurs et plongeurs se retrouvent à la belle saison tandis que les randonneurs escaladent avec plaisir les versants des Jebel Sidi Abderrahmen et Ben Oulid. On peut y pique-niquer et y camper toute l’année.

 

Oser imaginer

Plutôt que de stigmatiser ces «colonialistes» qui vivaient dans des «palais» en exploitant leurs ouvriers, pourquoi dévaster ces riches demeures, les laisser tomber en ruine, scier des arbres centenaires sans en replanter à côté ? Pourquoi ne pas remplacer les «exploiteurs» sans en avoir les défauts ?

À l’heure de la civilisation des loisirs, des tourismes alternatifs, à une heure de route de l’agglomération tunisoise, qui osera redonner une vie active et riche à ces lieux ? Faisons l’inventaire ! Cette superbe demeure pourrait être restaurée et devenir une très belle «maison d’hôtes». Des arbres replantés et des fleurs tout autour la mettrait en valeur.

Au printemps, les maquis refleuris, les mimosas dorés, le retour des migrateurs, la floraison de plantes médicinales ou comestibles, les premières parties de pêche, associés aux randonnées attireraient bien des gens.

L’été verrait se multiplier les baigneurs et les amateurs de planches à voile. Certes, les plongeurs devraient aller assez loin pour trouver des fonds rocheux, mais, sur les herbiers de posidonies, les rencontres avec de beaux prédateurs : daurades, dentés, loups ou gros poulpes ne sont pas rares.

Les charmes des pique-niques dans les pinèdes suivis ou non d’une petite sieste ainsi que le plaisir d’une fin de journée et d’une soirée au bord de la mer, quand la brise fraîche remplace la chaleur du jour, sont indéniables.

Avec la fin de la canicule revient l’envie de bouger, de marcher, d’escalader, bref, de randonner ! Les maquis des collines, les pistes forestières sont alors bien tentants, quand soufflent les brises fraîches d’automne.

Les premiers vols de migrateurs : les sarcelles, les grues cendrées, triangles ailés, les grives aux cris aigus, mais discrets réveillent l’ardeur des chasseurs. Même les pêcheurs viennent veiller des nuits entières au bord de l’eau pour espérer prendre de gros mulets, d’énormes daurades et les premiers «loups».

Les gros coups de vents d’hiver soulèvent des «rouleaux» enveloppés de mousse qui viennent déferler à grand fracas sur les plages. Le sable soulevé par la bise fouette les derniers marcheurs, les vagues déferlantes dégagent l’embouchure de l’Oued El Abid et le remplissent à nouveau.

Chiens et chasseurs traquent les sangliers dans les forêts où d’autres amateurs très silencieux font chercher par leur chien la «dame des bois», la bécasse au plumage mordoré. C’est à cette époque que l’on retrouve les pêcheurs des gros «loups» d’hiver : «Agab Naw» ! Après la tempête !

Ne croyez-vous pas qu’on pourrait oser : oser restaurer la maison coloniale, oser faire connaître tous les attraits de son environnement, oser «lancer» un «gîte rural» d’abord, une «maison d’hôte» ensuite. Pourquoi ne pas oser y inviter des clients, oser lancer une affaire qui pourrait «tourner» toute l’année, comme nous l’avons montré ? Pour les particuliers : oser entreprendre ! Pour le gouvernement : oser laisser faire !

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