Quand on entend le discours développé par le Secrétaire général de l’UGTT, parti en croisade depuis plus d’un mois contre le gouvernement d’Union nationale, doit-on s’étonner des errements du syndicat de l’enseignement secondaire, qui prend en otage la destinée de plus d’un million d’élèves pour arracher des augmentations salariales non fondées au moment où les caisses du pays sont vides ?
Les dernières déclarations publiques de Noureddine Taboubi sur le gouvernement Youssef Chahed, qui accaparent la majeure partie de son temps et meublent ses meetings, illustrent bien le travestissement de l’action syndicale et fournit une explication sur les débordements incontrôlables de Lassaâd Yacoubi, Secrétaire général du syndicat de l’enseignement secondaire, plus que jamais investi d’un agenda autre que celui de défendre les intérêts des enseignants.
En avançant que « le gouvernement Chahed n’a pas de crédibilité », en réclamant un gouvernement crédible, avec lequel l’UGTT peut discuter et construire l’avenir et en appelant, avec une insistance étonnante, à un remaniement ministériel pour injecter du sang neuf dans un gouvernement dont l’action s’est soldée par un échec cuisant, l’on ne peut qu’avoir le tournis.
Voir la Centrale syndicale chercher à imposer son ordre et à fouler du pied tout le jeu des institutions que la constitution du pays a permis de mettre en place, ne peut qu’inquiéter outre mesure et susciter un profond questionnement. Ce qui surprend le plus, c’est le silence complice de la majorité des acteurs politiques qui semblent s’accommoder d’un rôle qu’ils sont incapables de jouer.
Dans le cas spécifique de la crise, sans précédent, qui secoue le secteur de l’enseignement secondaire, l’on peut dire que ceci explique cela. En effet, l’omnipotence de la Centrale syndicale sur la vie politique a eu pour corollaire un dérapage incontrôlé des structures sectorielles et régionales de l’UGTT qui mènent la danse comme bon leur semble, dans une insouciance et une impunité affligeantes.
Cela fait que les dérives de l’un se nourrissent des incohérences de la centrale syndicale qui entend imposer sa loi dans le pays, profitant de l’affaiblissement extrême de l’Etat et des institutions.
En termes concrets, le syndicat de l’enseignement secondaire, qui n’est pas à son premier coup de force, a choisi l’escalade à l’approche de la fin de l’année scolaire pour mettre tout le monde devant le fait accompli et accentuer la pression pour rendre inévitable la réponse à ses caprices.
Dans la contradiction où ce syndicat s’est installé et a inscrit son action, il s’autorise l’usage de méthodes et d’armes qu’il réfute à ses partenaires qu’il stigmatise outrageusement.
Il déclare son refus de dialoguer sous la menace en brandissant au passage une grève ouverte et ne propose pas mieux au ministre que de l’asseoir autour d’une table le couteau sous la gorge.
Il faut dire que ce syndicat a pris le pli, depuis des années, à prendre en otage le pays et à chercher à dicter sa loi en brandissant tout le temps l’arme de l’année blanche pour obtenir par la force ce qu’il ne peut avoir par le biais de négociations apaisées et équilibrées. Dans ses dérapages répétitifs et incontrôlés, ce syndicat, qu’on critique à demi-voix au sein des instances dirigeantes de la Centrale ouvrière, n’est jamais rappelé à l’ordre, ni dénoncé publiquement.
Le bureau exécutif de l’UGTT préfère nourrir le laxisme, se plaît à jouer le chaud et le froid et, parfois même, à utiliser ce syndicat comme paravent à d’autres revendications et à des épreuves qui ont tendance malheureusement à des s’éterniser. Ce qui fait mal dans tout cela, c’est la duplicité du discours qu’adopte l’UGTT qui se prévaut en tant que force qui agit pour sauver le pays tout en orientant son action dans le sens opposé, en entretenant les tensions et en supportant les revendications les plus excessives qui sont la cause directe des grandes difficultés que rencontre le pays.
En attendant l’épilogue de cette énième crise, dont les effets sont néfastes pour l’école publique, devenue un terrain de lutte politique sous couvert de demandes sociales non fondées, l’on peut dire que quelle que soit la solution qui sera trouvée, c’est le pays qui sortira grand perdant.
L’inconscience manifeste de ce syndicat sectoriel ne fait que donner raison à ceux qui ont perdu confiance dans le système d’éducation public qui a été la fierté de la Tunisie depuis l’indépendance. Un système miné par l’insouciance des uns, l’instrumentalisation des autres et dont le rendement et la qualité n’ont fait que décroître au fil des ans par la faute de ceux qui résistent au vent du changement et des réformes. n