Il y a depuis trois ans une succession de conférences internationales de haut niveau, organisées par les différents gouvernements ayant défilé à la tête de notre pays depuis 2016 et destinées à faire connaître divers projets de développement : Forum international de l’investissement 2020 du 8 septembre 2016 à l’intention du bailleurs de fonds internationaux. Récente conférence réservée au partenariat public-privé et destinée aux investisseurs privés.
Mais malheureusement, les résultats sont loin de répondre aux attentes et d’atteindre les objectifs escomptés pour ne pas dire qu’ils sont franchement décevants et nettement en deçà des promesses, voire des intentions exprimées par les bailleurs de fonds, les investisseurs et les partenaires extérieurs. Pourquoi donc ?
Nous devons remettre en question nos méthodes de travail et notre façon de procéder, faire notre travail nous-mêmes de mise à niveau et nous inspirer des “conseils” des institutions internationales : proposer des projets bancables, des études de faisabilité rigoureuses et des plans de financement précis.
Mettre sur la table pêle-mêle de simples idées de projets improvisés à côté d’études élaborées, des projets d’infrastructures de base à côté de projets industriels, sans aucun lien apparent, sans intégration dans un plan global cohérent, sans objectifs précis, relève de l’amateurisme et de l’amalgame.
Il y a une dispersion de l’intérêt des investisseurs sur 33 projets, là où il aurait fallu se concentrer sur les projets prioritaires présentés sous une forme élaborée et opérationnelle.
Voyons si les conditions minimales relatives aux risques encourus pour un financement d’une certaine ampleur sont réunies dans notre pays.
A-t-on préparé une plate-forme favorable à l’investissement ?
La stabilité socio-politique fait défaut dans notre pays avec un gouvernement en sursis depuis des mois et un avenir proche chahuté par la lutte entre partis politiques et personnalités obsédées par les échéances électorales de novembre 2019.
La visibilité fiscale est un atout déterminant pour les investisseurs, or dans notre pays, il y a des modifications chaque année avec la loi de Finances, des incertitudes néfastes pour le climat des affaires qui n’est pas au beau fixe, avec une Centrale syndicale des travailleurs qui souffle le chaud et le froid en permanence avec ses menaces de grèves.
Il faut dire que les équilibres macroéconomiques et financiers font défaut, que le dinar connaît un glissement inquiétant et que le taux d’inflation est plutôt préoccupant.
Il y a lieu de remarquer qu’un investisseur extérieur a tendance à faire confiance plutôt à un pays qui fait preuve d’un taux de croissance économique rapide et constant, plutôt que le contraire, mais aussi à un pays doté d’un plan de développement cohérent avec des objectifs et une stratégie. Est-ce le cas chez nous ?
Il faut dire également que la capacité de nos structures administratives dédiées à la conception, à la préparation et au suivi de la réalisation des projets de développement a été lourdement érodée et sérieusement grippée depuis le 14 janvier 2011. Comment justifier par exemple que des projets financés par la BAD, la BEI et les fonds d’investissement du Golfe (accords signés depuis plusieurs années) n’ont pas encore démarré à ce jour ? ! Sinon que par un laxisme au niveau des études, des cahiers des charges et des appels d’offres et des entreprises de BTP !
Il y a un témoignage édifiant fait par un décideur de première importance, celui de Pierre Heilbronn, vice-président Policy and Partnerships de la BERD qui a affirmé lors d’une interview suite à sa participation à la récente conférence sur le PPP organisée à Tunis à propos des 33 projets proposés par les pouvoirs publics à l’intention des investisseurs privés.
« Certains projets sont plus murs que d’autres, ils doivent être étudiés de prêt et bénéficier d’une expertise plus poussée pour engendrer l’intérêt des investisseurs ».
« Il faut du temps pour cela, car il faut aussi entamer un dialogue avec le porteur du projet (les pouvoirs publics) pour voir s’il y a vraiment place pour le privé aussi bien au niveau du financement que de l’exploitation ».
« Il y a souvent une question de taille critique du projet proposé au financement : pour le port d’Enfidha, nous sommes prêts pour le co-financement avec la SFI après structuration du projet ».
Afin de susciter l’adhésion des investisseurs, la priorité devrait être accordée aux projets dotés d’un rôle structurant, ayant un impact majeur sur le processus de développement dans une région défavorisée et un effet d’entraînement sur les autres secteurs d’activités économiques dans le pays.
Par exemple, la construction d’une centrale électrique, l’édification d’un port ou d’un barrage, l’aménagement d’une zone industrielle ou d’activités économiques ou encore d’un périmètre irrigué public susceptible de produire des richesses et de créer des emplois permanents.
Les projets doivent avoir été étudiés de façon approfondie sur le plan technique et financier, sur le plan études de marché et les conditions de leur concrétisation doivent être déjà aplanies : assainissement foncier mené à bonne fin, agrément et permis de bâtir obtenus…
En effet, les investisseurs extérieurs n’ont pas le temps de s’adonner à des formalités administratives lourdes et complexes au point de renoncer et d’abandonner le projet.