La Bourse de Tunis vient de célébrer son cinquantième anniversaire. Quel bilan ? Et surtout quelles perspectives d’avenir ?
La vocation du marché financier consiste à financer l’économie dans les meilleures conditions : attirer et sécuriser l’épargne des investisseurs, mais aussi favoriser le plein exercice des droits et l’épanouissement de la libre concurrence des entreprises cotées.
L’Etat est là pour assurer la transparence des transactions et faire la chasse aux délits financiers tels que les délits d’initiés à travers le CMF, gendarme de la Bourse.
Dans notre pays, le bilan serait plutôt en demi-teinte avec des paradoxes, c’est-à-dire, d’une part des performances et d’autre part des échecs.
En effet, il manque à notre Bourse le qualificatif général des Bourses dans le monde : la Bourse est en principe le miroir de l’économie du pays, ce qui est loin d’être le cas de la Bourse de Tunis. Selon Bilel Sahnoun, Directeur général de la BVMT, les secteurs économiques les plus importants ne sont pas représentés sur la cote permanente : agriculture, tourisme et hôtellerie, télécommunications, concessions-autos, énergie, …
Les entreprises familiales hésitent à entrer en Bourse pour préserver la discrétion de leurs affaires. Le facteur confiance, facteur majeur qui conditionne la prospérité de la Bourse, fait actuellement défaut, ce qui fait que la cote n’est pas en hausse alors que les entreprises se portent bien, font des bénéfices et sont en pleine croissance.
Les grandes entreprises, celles qui réalisent un gros chiffre d’affaires sont des entreprises publiques qui ne sont pas cotées, ce qui réduit les dimensions du marché financier, limite sa liquidité et le rend peu attractif.
Pour mieux connaître la situation, la BVMT a confié au bureau d’études El Amouri et à la fondation Conrad Adenauer une étude pour saisir “la perception de la Bourse”.
Les conclusions sont intéressantes à examiner, surtout que l’étude a porté sur 1000 personnes, 100 entreprises et 100 investisseurs. Il s’est avéré que les entreprises et les épargnants connaissent peu la Bourse.
La BVMT a besoin de communiquer davantage sur ses propres mécanismes, avantages et activités, car ils sont peu connus.
Le marché financier opère dans un environnement hostile, c’est pourquoi pour le promouvoir, il faudrait une réglementation plus souple et plus évolutive.
Il y a urgence pour dynamiser les activités de la Bourse, diversifier l’offre, susciter l’intérêt…
Les responsables de la Bourse déplorent que celle-ci ne représente même plus le taux de 11% du financement de l’économie assuré par la Bourse en 2010, n’étant plus que de 6,5% en 2018, alors que dans plusieurs pays émergents, il est de 30% !
Cela est d’autant plus grave que faute de liquidité, les banques sont incapables d’assumer le rôle de financement des PME, porteuses de projets de développement. Nous sommes dans une impasse. Pire encore. la concurrence des banques vis-à-vis de la Bourse est considérée comme « déloyale », lorsque les banques offrent des taux d’intérêt motivants aux épargnants, sans risque pour les déposants.
Ce qui n’est pas le cas pour la Bourse.
Lorsque la Bourse joue pleinement son rôle de financement des entreprises économiques avec renforcement des fonds propres de ces dernières, les banques auront moins à souffrir de créances accrochées et les entreprises n’auront plus à supporter autant de dettes lourdes à rembourser aux banques, or le taux d’épargne qui était de 21% du PIB en 2010 est tombé à 9% en 2018.
La capitalisation boursière de la BVMT est de 23,5 milliards de dollars, soit 24% du PIB, un chiffre jugé insuffisant pour susciter l’intérêt des fonds d’investissement internationaux. Il faudrait un minimum de 50 millions de dollars pour figurer sur les radars de ces investisseurs.
Les responsables de la Bourse de Tunis préconisent que de grandes entreprises, même publiques, doivent se faire coter à la Bourse, même si elles ne mettent en circulation que 20 ou 30% de leur capital. Cela introduira une forte dose de dynamisme à la Bourse, de quoi susciter l’intérêt des épargnants et des investisseurs avec une diversification de l’offre.
Actuellement, il y a un attentisme inquiétant et une offre en panne depuis presque deux ans : en 2018, il y a eu une seule introduction en Bourse avec Tunisie-Valeurs, alors qu’en 2019, il n’y a rien à l’horizon si l’on excepte la recapitalisation de la BNA. Il faut reconnaître que l’impact du climat politique est très lourd dans la sphère financière et économique.
Il ne faudrait pas compter seulement sur la refonte du cadre juridique en gestation pour relancer la Bourse de Tunis.
La mise à niveau des PME et l’introduction de quelques dizaines sur le marché alternatif seraient une partie de la solution.
En effet, la Bourse, c’est la vie.
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