OXI grec : vers un nouvel accord ? Une sortie de l’austérité en Europe ? :Ça nous intéresse !

Le référendum surprise auquel a appelé le gouvernement du Premier ministre Alexis Tsipras et l’OXI exprimé par une large majorité qui a dépassé les 60% des électeurs grecs au nouveau plan d’aide de la troïka la BCE, l’UE et le FMI constituent le point d’orgue dans une relation tumultueuse entre les institutions internationales et le gouvernement grec depuis l’avènement du parti d’extrême gauche Syrisa en début d’année. Une relation qui a été marquée par une opposition forte entre deux logiques : la logique technocratique des institutions internationales et la logique politique et démocratique du gouvernement grec qui jouit d’un fort appui populaire comme l’a montré le referendum du 5 juillet suite aux effets désastreux des politiques d’austérité appliquées depuis près de cinq ans. Cette opposition entre les deux logiques et les positions parfois radicales exprimées par chacun des deux camps ont conduit les négociations à l’impasse et à une grande incertitude sur le futur qui pourrait assombrir les perspectives de croissance en Europe.

Les difficultés de la Grèce au sein de l’Europe ne datent pas d’aujourd’hui et remontent aux premiers échanges dans les années 1970, entre ce qu’on appelait à l’époque la CEE et ce pays sorti nouvellement de la dictature. On se rappelle comment l’ancien Président français Valéry Giscard d’Estaing avait balayé d’un revers de main les critiques de ceux qui étaient opposés à l’ouverture de négociations avec la Grèce en prononçant sa fameuse réplique « On ne ferme pas la porte à Platon ». Il faut dire qu’à l’époque, l’Europe voulait adosser les pays nouvellement sortis de la dictature, notamment la Grèce, l’Espagne et le Portugal, à la démocratie. La Grèce finira par rejoindre la CEE le 1ier janvier 1988 en dépit de quelques états d’âme du parti socialiste et s’engagera à mettre en place une série de réformes notamment dans le domaine fiscal pour accroître son efficacité et favoriser le développement rapide des recettes. Ces réformes ne seront que faiblement mises en œuvre mais cela n’empêchera pas la Grèce de rejoindre l’Union monétaire le 1ier janvier 2001.

Les astuces comptables mis en place avec l’aide de Goldman Sachs ont permis à la Grèce de montrer un bilan économique qui lui permettait de respecter les critères rigoureux d’adhésion. Cette anomalie sera révélée dès 2004 et le déficit sera nettement au-dessus des 3% exigés. Mais, on n’est pas au bout de nos surprises et de nouveau, le gouvernement de Georges Papandréou, élu en 2009, annoncera une aggravation du déficit des finances publiques qui se situaient à l’époque à 12% du PIB. Cette dérive des finances publiques s’explique par une accélération des dépenses publiques notamment celles liées aux Jeux olympiques de 2004.

C’est à partir de là que les gouvernements grecs et la communauté internationale réalisent l’ampleur de la dérive budgétaire et commencent à mettre en place le premier plan de sauvetage en 2010 et un second plan en 2012 qui sera conduit par la troïka formée par le FMI, la Commission européenne et la BCE, qui comprend une opération de grande ampleur de restructuration de la dette qui ont amené les banques privées à renoncer à près de 100 milliards d’euros de dettes.

Depuis cette date, les plans d’aide vont se multiplier avec des résultats faibles et une situation économique qui ne cessera de se détériorer. En effet, la troïka dans le traitement de cette grave situation économique va privilégier des politiques d’austérité visant une réduction drastique des dépenses publiques afin de parvenir à moyen terme à un équilibre des  finances publiques et du solde primaire qui équivaut à faire financer les dépenses courantes et les dépenses d’investissement par les recettes de l’Etat. La réduction des dépenses dominera dans le traitement du déficit public alors que l’accroissement des recettes va tarder à se matérialiser. 

Ces choix de politiques économiques et l’austérité implacable ont été à l’origine d’une crise économique sans précédent avec une réduction du PIB de près de 30%, une explosion du chômage et une forte détérioration des conditions de vie. Une crise économique et sociale va conduire les Grecs à rompre avec les partis traditionnels et faire un choix de rupture lors des dernières élections en accordant sa confiance à une coalition conduite par Alexis Tsipras et le parti Syriza. Mais, depuis son arrivée aux affaires, la nouvelle coalition ne parvient pas à élaborer un nouvel accord avec les grandes institutions internationales et à desserrer un tant soit peu la logique de l’austérité. Plus grave, on a l’impression d’assister à une opposition implacable entre une logique technocratique des institutions multilatérales et la logique politique et démocratique qui a été réaffirmée par un vote sans ambiguïté lors du référendum du 5 juillet avec une montée des jusqu’aux-boutistes de chaque camp qui vont jusqu’à minimiser un Grexit. L’opposition et l’impasse dans laquelle se retrouvent la Grèce et l’Europe mettent l’économie mondiale au bord de la crise de nerfs et l’incertitude sur les marchés n’aura jamais été aussi forte qu’au-lendemain de la crise financière globale de 2009.

Mais, en dépit de l’incertitude et des risques qui pèsent sur l’économie mondiale, il est important de souligner l’engagement du gouvernement grec et de ses partenaires pour ouvrir de nouvelles négociations afin de parvenir à un accord. Il s’agit nous semble-t-il d’un signal assez fort qui permet de redonner espoir à l’économie mondiale.

Cette nouvelle étape et la sortie de crise que nous espérons rapide sont pleines d’enseignements pour beaucoup de pays dont les nôtres en transition. Le premier élément est qu’il est nécessaire de sortir de cette opposition entre la rationalité démocratique et les logiques technocratiques qui ne peut que nuire aux institutions multilatérales qui doivent prendre en considération les aspirations des citoyens et surtout l’ampleur de la crise sociale. Le second élément est de faire preuve de pragmatisme et d’essayer de parvenir à un nouvel accord qui permet de maintenir la Grèce pleinement au sein de l’UE et de couper avec tous les apprentis sorciers qui ne cessent de prôner l’aventurisme en nous indiquant les effets limités du Grexit sur le monde. D’autres en septembre 2009 nous ont expliqué que la faillite de la Lehman en pleine crise financière ne pouvait avoir aucun effet sur le système financier global. On connaît la suite et on a évité de peu la faillite du système global. Aujourd’hui, les effets d’un Grexit ne se limiteraient pas à l’Europe mais pourraient s’étendre à l’espace méditerranéen et rendre notre transition encore plus complexe. Enfin, l’expérience grecque a montré l’incapacité des politiques d’austérité à assurer une stabilisation macroéconomique. En effet ce sont la croissance et l’investissement qui sont nécessaires au maintien des grands équilibres.

Plus que jamais il est urgent aujourd’hui de sortir ces négociations des pérégrinations techniques pour ouvrir un véritable débat capable de déboucher sur un nouveau pacte d’investissement et de croissance pour insuffler une espérance nouvelle à l’Europe. Un projet utile non seulement à l’Europe mais également pour les pays arabes en pleine transition démocratique.ν    

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