Panama papers: Encore un effort pour faire face aux paradis fiscaux

Les révélations sur les Panama papers ont suscité un choc majeur auprès de l’opinion publique internationale. Ce choc et l’émoi ont été d’autant plus importants que l’économie mondiale passe par une crise importante, « la croissance médiocre » étant à l’origine de grands déficits publics, du maintien du chômage à des niveaux très élevés, particulièrement parmi les jeunes diplômés. Ainsi, au moment où l’exclusion et les inégalités sont à leurs niveaux les plus élevés, certains cherchent à échapper à l’une des obligations les plus importantes dans les pays démocratiques, à savoir le devoir fiscal et cherchent par des moyens détournés à mettre leurs richesses à l’abri du regard des autorités fiscales.

Ces révélations ont suscité d’importants débats et de critiques sur l’apathie des autorités politiques des différents pays et des institutions internationales dans la lutte et l’application d’une réglementation plus restrictive vis-à-vis des paradis fiscaux et des places financières internationales. Certains n’hésitaient pas à indiquer que ce manque de détermination s’explique par la connivence de ces autorités avec l’argent de la corruption et l’évasion fiscale. Et  le discours de « tous pourris » avait tendance à prendre le pas face à ce type de scandale.

Or, il est important de souligner les progrès effectués depuis quelques années dans la réglementation et la réduction de la marge de manœuvre des paradis fiscaux. Certes, des progrès restent encore à faire mais le processus est déjà lancé depuis la grande crise financière de 2008 et la communauté internationale s’est fixée comme objectif de mettre un frein à la liberté dont jouissaient ces places financières depuis de longues années.

Rappelons d’abord que les paradis fiscaux ne sont pas récents et leur histoire est ancienne. Mais, ils ont connu un important développement depuis la fin de la seconde guerre mondiale. En effet, les impératifs de la reconstruction de l’après-guerre et la volonté de construire l’Etat providence dans la plupart des pays développés ont été à l’origine d’une augmentation rapide des besoins financiers des Etats. Ces exigences ont justifié une augmentation rapide des taxes et de la fiscalité dans les pays développés. Cette tendance a été à l’origine de la montée en puissance des paradis fiscaux dans le monde entier qui ont vu arriver les richesses des personnes physiques mais aussi les profits des grandes sociétés multinationales qui, par le jeu des fameux « prix des transferts », parviennent à les faire ressortir là où les profits sont inexistants ou faibles. Or, à ces flux il faut ajouter ceux en provenance de la corruption et des milieux du crime organisé.

Mais, cette bienveillance vis-à-vis des paradis fiscaux va totalement changer après la grande débâcle financière de 2008. Plusieurs raisons expliquent ce revirement. La première est un changement d’attitude vis-à-vis du monde de la finance et de ses dérives qui ont failli emporter l’économie mondiale. Fini le temps de la libéralisation financière tous azimuts du début des années 1990, les temps sont désormais à la réglementation et au contrôle d’une finance débridée et prête à tous les aventurismes. Dans ce contexte, les paradis fiscaux faisaient partie également des organisations et des institutions que les gouvernements et les institutions internationales voulaient contrôler et réduire la marge de manœuvre.

La seconde raison concerne la crise des finances publiques dans la plupart des pays développés et la volonté de recherche de recettes supplémentaires. Un des moyens d’augmenter les recettes publiques est de diminuer l’évasion fiscale que favorisaient les paradis fiscaux. Les estimations des montants de cette fraude qui variaient entre 4 et 10% des recettes fiscales montraient l’ampleur de ce phénomène. La lutte contre l’évasion et toutes les autres formes de fraude fiscale est devenue pour les gouvernements une grande priorité comme l’ont indiqué les recommandations de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement tenue en juillet 2015 par les Nations-Unies.

Un autre élément important qui explique ce retournement contre les paradis fiscaux concerne la forte mobilisation de la société civile internationale. En effet, plusieurs ONG et activistes ont mis l’accent sur le rôle de ces places financières dans le développement de l’évasion fiscale et dans la protection de l’argent de la corruption et des flux financiers liés aux réseaux criminels.

L’ensemble de ces éléments ont été à l’origine d’un changement important d’attitude de la communauté internationale vis-à-vis des paradis fiscaux. Et, c’est l’OCDE qui a été chargée par le G20 de mettre en place les nouvelles règles pour mieux contrôler les activités de ces places. Ainsi, un cahier des charges a été mis en place qui a imposé à ces places une plus grande transparence et surtout la signature de l’accord sur l’échange d’informations. D’ailleurs, la place de Panama est l’une des dernières places récalcitrantes qui ne s’est pas encore engagée à respecter les nouvelles règles de l’OCDE. Par ailleurs, cette institution a imposé de nouvelles règles pour les grandes entreprises multinationales pour les obliger à payer les impôts sur les profits là où elles les dégagent afin de réduire l’évasion fiscale et de mettre fin à la concurrence fiscale entre les pays. L’ensemble de ces éléments et bien d’autres montrent un engagement de la communauté internationale pour faire face aux paradis fiscaux et à l’évasion fiscale.

Les révélations des Panama papers révèlent le rôle de ces paradis dans l’évasion fiscale et dans la circulation de l’argent sale. Des fléaux auxquels la communauté internationale a commencé à faire face en réduisant la marge de manœuvre dont jouissaient ces places et en renforçant les contrôles. Une évolution importante afin de faire du devoir fiscal et de l’égalité devant l’impôt les fondements des démocraties modernes.

Related posts

Le danger et la désinvolture 

Changer de paradigmes

El Amra et Jebeniana