Panel 2 : Islam et démocratie, l’inépuisable question

Les mouvements islamistes aujourd’hui au pouvoir ont-ils évolué et intégré le jeu démocratique ? Pourquoi suscitent-ils à ce jour tant de doutes et de craintes ? La démocratie est-elle envisageable en terre d’Islam ? De quel Islam parle-t-on ? C’est à ces questions, et à bien d’autres, qu’ont répondu les participants au second panel « Islam et démocratie » présidé par M. Hassan Arfaoui, Directeur de la rédaction de Réalités et auteur de l’argumentaire scientifique de la XVIe session du Forum. Compte rendu.

 

«Certes, l’Islam classique n’a pas connu la démocratie dans le sens moderne et occidental du terme. Mais il a connu l’art de l’échange, la Mounâdhara ou le disputatio latin, qui représente la moitié du chemin vers la démocratie », a déclaré en guise d’introduction M. Hassan Arfaoui avant de réciter de mémoire  un texte anonyme du XIe siècle détaillant l’éthique de l’échange à l’époque dont les conditions demeurent d’une bien étonnante actualité « (…) Que tu ne te mettes point en colère ; que tu ne polémiques guère, que tu ne feignes pas l’étonnement ; que tu ne juges pas , que tu ne t’adresses jamais à une tierce personne alors que je suis en instance de te parler ; que tu ne te permettes point d’interpréter un avis selon ta doctrine sans que tu ne me permettes la même faculté ; et qu’en toutes circonstances tu sois enclin à l’amitié et préfères l’interconnaissance ; et que chacun de nous mène cet échange avec la conviction que la vérité lui échappe et que la sagesse est son ultime dessein «  pouvant « amener à la  connaissance de l’Autre ». Le directeur de rédaction de Réalités et président de séance a également rappelé que cet islam (des premiers siècles)  « était ouvert aux valeurs humaines de l’Antiquité. Il en était le réceptacle et a permis l’essor de la raison qui a contribué à la naissance de la modernité et de la renaissance européennes ». L’Islam est-il compatible avec la démocratie ? S’est-il interrogé « Pendant longtemps, le monde arabe était réfractaire à la démocratie et se présentait comme une exception par rapport aux contextes européen de l’Est ou africain, ce qui a laissé penser nombre d’observateurs locaux et étrangers que par essence le monde arabe est interdit de démocratie entre autres à cause de l’Islam », Mais de quelle Islam parle –t– on a –t– il poursuivi en les détaillant : de l’Islam classique ? De l’islam populaire ? De l’Islam orthodoxe ? Savant ? Celui des soufis ? Ou de l’Islam des islamistes ? Ce dernier est-il conciliable avec la démocratie ? Cette dernière ne s’est –t– elle pas annoncée dès son acte de naissance européen comme acte de libération des sociétés vis-à-vis de l’hégémonie religieuse ? 

 

Le détournement de l’Islam des lumières

Invité à répondre à la question/thématique du panel, le philosophe et anthropologue, Youssef Seddik a illustré son intervention par un passage d’Al-Aghani (d’Al-Isfahani), un chef d’œuvre de la littérature arabe datant du siècle. Dans cet extrait, Abou Soufiène (le XIe leader des adversaires du prophète et de cette religion nouvelle) venait rendre visite au calife. Puis il lui dit, « nous ne voulons pas de la royauté car c’est quelque chose de  barbare. La République c’est le règne de la cacophonie. Fais de Bani Omeyya les maîtres sur terre ».  « C’est ce qui s’est passé, a expliqué Youssef Seddik. Après Othman, il y a eu cette vengeance terrible. Une sourate, celle de la choura, a été supprimée. Le pouvoir est devenu héréditaire jusqu’à Bachar El Assad. La confiscation est là ». Pourtant, selon le philosophe, tous les ingrédients étaient là pour que démocratie se fasse à l’éclosion de l’Islam. « Voilà un homme (NDLR/Mohamed), prenons le seulement  dans sa dimension politique, qui n’a jamais débaptisé un espace qu’il a conquis ou investi pacifiquement. La carte est restée la même. Seule Yathrib a été débaptisée et renommée Medine. Le mot n’existait pas avant. La raison est qu’il y avait un projet de fonder « la cité » », a-t-il ajouté. Pour Youssef Seddik, il n’existe pas d’autres alternatives. Objet de toutes les condamnations les autres espaces prévus dans le Coran,  ont été combattus par le « fondateur ». En effet, l’espace des bédouins et des barbares est considéré comme « le lieu des mécréants qui ne connaissent ni les normes, ni la foi ». Le deuxième, également appelé « la cité fortifiée avec rempart », est celui de la judaïté. Alors que le développement de la cité était envisagé, un « avortement » a eu lieu. Il durera, selon Youssef Seddik, pendant des siècles. «  Il y a eu des réveils mais la dimension bédouine, celle qui n’a pas de mémoire pour fonder le politique, l’a toujours emporté », a-t-il avancé. Ainsi, l’Histoire a également été marquée par des réveils. Le dernier en date, celui d’Averroès, a « été enseveli pendant sept siècles » dans le monde arabe. Découvert par un orientaliste, elle est devenue une œuvre célèbre. Il y est dit, nous indique Youssef Seddik que « « La civilisation » (aussi la démocratie) se base sur le fait qu’elle nous rappelle un acte fondateur du fondateur, celui d’avoir clôturé la prophétie ». Cela signifie, conclut-il, que « Mohamed a clôturé la lignée des prophètes mais Dieu ne vous abandonne pas. Il ne vous laisse pas tomber. Seulement, il a la certitude que la raison est là. Mais cette idée a été confisquée chaque siècle. Aujourd’hui on est dans la confiscation bédouine de ce que le fondateur a essayé et n’a jamais réussi à savoir : fonder un Islam ouvert des lumières ». 

 

Tunisifier la religion

Est-ce que la démocratie est une demande sociale dans le monde arabe ? Avant de répondre à la question posée par le président de séance, Taher Labib  a tenu à faire une remarque préliminaire. « Dans l’absolu, toutes les religions peuvent être liées à ce que l’on appelle  la démocratie. C’est  une question de principe », a-t-il déclaré. Avant de poursuivre : « En tant que musulman, et ceci est dans notre culture, nous débattons comme si nous étions les seuls à avoir une religion. Dans la formulation que nous lui donnons, c’est une forme de racisme et de rejet de l’Autre. D’autre part, nous parlons de l’Islam au singulier mais nous employons la démocratie au pluriel. Dans notre esprit l’Islam est un et non divers. Alors qu’anthropologiquement et historiquement, il y a des Islams ». Le cadre posé, le sociologue et président de la fondation arabe de traduction, a répondu à la question posée en exposant le « paradigme de l’obéissance ». « Je pense que le paradigme de l’obéissance a prévalu dans l’histoire de notre région arabo-musulmane », a-t-il avancé. Avant d’ajouter : « Ceci ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de foyers intellectuels qui ont apporté la lumière mais  il n’y a pas eu d’accumulation historique. Ils n’ont pas été portés par des mouvements 

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