Mercredi matin, la police suisse est allée cueillir plusieurs hauts responsables de la FIFA venus assister au congrès qui devait réélire leur président Sepp Blatter pour un cinquième mandat à la tête de la planète foot. Des arrestations qui font suite aux enquêtes ouvertes par le parquet suisse et la justice américaine sur les conditions de l’octroi de l’organisation des coupes du monde notamment celle de Russie en 2018 et du Qatar en 2022. D’autres contrats publicitaires ont été également cités et l’ensemble de la manne de la corruption porte sur un montant global de près de 150 millions de dollars.
La question qui se pose est de savoir si, cette fois-ci, les choses seront différentes et si finalement le monde du football va être définitivement nettoyé et si le football, comme tous les autres domaines de l’activité sportive, ne doit pas disposer d’un environnement transparent et propre. Car les affaires se sont multipliées depuis le développement du foot business et les soupçons de corruption n’ont pas cessé de grandir sans que les autorités sportives ne soient en mesure de mettre en place les mécanismes nécessaires pour les arrêter, car ils sont partie prenante de ce système, diront certains et les arrestations récentes ne sont qu’une preuve supplémentaire sur l’implication de responsables dans ces systèmes mafieux de corruption.
Même si l’accélération des évènements et l’arrestation de ces hauts dignitaires à la veille des Assemblées a été spectaculaire, il faut dire que les soupçons de corruption au sein de la planète FIFA ne datent pas d’aujourd’hui. En effet, la FIFA, a connu plusieurs affaires de corruption dont les plus connues sont celles de la faillite en 2001 de la société ISL qui gérait les droits de diffusion et de marketing de la fédération et dont le secrétaire général n’était autre que l’omnipotent président de la Fédération Sepp Blatter. Les enquêtes judiciaires ont montré que Joao Havelange, l’ancien président la Fédération, a bénéficié du système de corruption mis en place par la société ISL. Mais, l’affaire sera classée et aucun responsable de la FIFA ne sera inquiété.
Plus tard, en 2006, il y eut eu l’affaire Mastercard où le directeur marketing de la FIFA sera limogé à la suite de contrats litigieux avec cette entreprise. Quelques mois plus tard, il reviendra à un poste plus important et deviendra le secrétaire général de l’organisation. Il y a ensuite l’affaire Bin Hammam qui s’est présenté contre Sepp Blatter en 2011. Mais, suspecté d’avoir acheté des voix il sera radié de toute activité liée au football. Il appellera à l’ouverture d’une enquête contre Sepp Blatter mais ne sera pas écouté.
Ensuite, il y a eu les soupçons sur l’attribution de la coupe du monde 2022 au Qatar. La FIFA charge en 2012 un ancien procureur américain, Michael Garcia, pour enquêter sur les conditions d’attribution de ce mondial. Après deux années d’enquête, le procureur Garcia a remis son rapport qui accuse certains membres d’avoir accepté certaines rémunérations avant le vote. Mais la FIFA refuse de rendre public le rapport et demande au Président de son comité d’éthique d’en publier un résumé qui souligne que s’il y a eu quelques comportements douteux, le processus d’octroi de ce mondial reste clair et intègre.
Mais, si la FIFA avait pensé avoir enterrer ces dossiers et ces soupçons, les autorités judiciaires suisses et américaines se sont mises sur le dossier en utilisant les méthodes fortes. Ainsi, ils ont trouvé dans Chuck Blaser, impliqué dans une affaire fiscale aux Etats-Unis, un véritable informateur qui deviendra rapidement un collaborateur zélé allant jusqu’à enregistrer des conversations avec ses « anciens petits copains de la FIFA ». Ce sont ces enregistrements qui feront tomber certains hauts responsables passés maître dans l’art de la corruption.
Certes, Sepp Blatter qui n’a pas été touché par ces enquêtes, a fait fi de ces arrestations et le congrès pour sa réélection s’est tenu et lui a offert un cinquième mandat en dépit des critiques de certains. Des voix qui, en lui renouvelant leur confiance, ne semblent retenir de son parcours que son engagement pour le développement du football dans le monde, particulièrement dans les pays pauvres et en Afrique avec l’organisation du Mondial 2010.
Mais, ces arrestations et l’emballement de la machine judiciaire américaine et suisse indiquent qu’on se trouve probablement à la fin de l’ère de l’impunité dans le monde du football. Espérons que ces développement sauront accélérer le vent des réformes au sein du football mondial notamment sa gouvernance avec la limitation du nombre de mandats et une plus grande transparence dans la gestion du budget colossal de 4,2 milliards tous les quatre ans. Le football comme tous les autres domaines de la vie publique, en ces temps de globalisation, doit se soumettre aux nouveaux principes qui font de la transparence et de l’alternance les éléments de fonctionnement des institutions globales. C’est à ce prix que le football restera un domaine de rêve et d’utopie mis à mal pour les soupçons de corruption et de malversation.